L’Encyclopédie/1re édition/UNIFORME

UNIFORME, UNIFORMITÉ, (Gram.) ce sont les opposés de divers & diversité, d’inégal & d’inégalité, de varié & variété. On dit des coutumes uniformes, une conduite uniforme, une vie uniforme, égale à elle même, la veille constamment semblable au jour & le jour au lendemain.

Uniforme, adj. (Méchan.) le mouvement uniforme est celui d’un corps qui parcourt des espaces égaux en tems égaux ; telle est au moins sensiblement le mouvement d’une aiguille de montre ou de pendule. Voyez Mouvement.

C’est dans le mouvement uniforme que l’on cherche ordinairement la mesure du tems. En voici la raison ; comme le rapport des parties du tems nous est inconnu en lui-même, l’unique moyen que nous puissions employer pour découvrir ce rapport, c’est d’en chercher quelqu’autre plus sensible & mieux connu, auquel nous puissions le comparer ; on aura donc trouvé la mesure du tems la plus simple, si on vient à bout de comparer de la maniere la plus simple qu’il soit possible, le rapport des parties du tems, avec celui de tous les rapports que l’on connoit le mieux. De-là il résulte que le mouvement uniforme est la mesure du tems la plus simple : car d’un côté le rapport des parties d’une ligne droite est celui que nous saisissons le plus facilement ; & de l’autre, il n’y a point de rapports plus aisés à comparer entre eux, que des rapports égaux. Or dans le mouvement uniforme, le rapport des parties du tems est égal à celui des parties correspondantes de la ligne parcourue. Le mouvement uniforme nous donne donc tout-à-la-fois le moyen, & de comparer le rapport des parties du tems, au rapport qui nous est le plus sensible, & de faire cette comparaison de la maniere la plus simple ; nous trouvons donc dans le mouvement uniforme, la mesure la plus simple du tems.

Je dis, outre cela, que la mesure du tems par le mouvement uniforme, est indépendamment de la simplicité, celle dont il est le plus naturel de penser à se servir. En effet, comme il n’y a point de rapport que nous connoissions plus exactement que celui des parties de l’espace, & qu’en général un mouvement quelconque dont la loi seroit donnée, nous conduiroit à découvrir le rapport des parties du tems, par l’analogie connue de ce rapport avec celui des parties de l’espace parcouru ; il est clair qu’un tel mouvement seroit la mesure du tems la plus exacte, & par conséquent celle qu’on devroit mettre en usage préférablement à toute autre. Donc, s’il y a quelque espece particuliere de mouvement, où l’analogie entre le rapport des parties du tems & celui des parties de l’espace parcouru, soit connue indépendamment de toute hypothese, & par la nature du mouvement même, & que cette espece de mouvement soit la seule à qui cette propriété appartienne, elle sera nécessairement la mesure du tems la plus naturelle. Or il n’y a que le mouvement uniforme qui réunisse les deux conditions dont nous venons de parler : car le mouvement d’un corps est uniforme par lui même : il ne devient accéléré ou retardé qu’en vertu d’une cause étrangere, & alors il est susceptible d’une infinité de lois différentes de variation. La loi d’uniformité, c’est-à-dire l’égalité entre le rapport des tems & celui des espaces parcourus, est donc une propriété du mouvement considéré en lui-même ; le mouvement uniforme n’en est par-là que plus analogue à la durée, & par conséquent plus près à en être la mesure, puisque les parties de la durée se succédent aussi constamment & uniformément. Au-contraire, toute loi d’accélération ou de diminution dans le mouvement, est arbitraire, pour ainsi-dire, & dépendante des circonstances extérieures ; le mouvement non uniforme ne peut être par conséquent la mesure naturelle du tems : car en premier lieu, il n’y auroit pas de raison pourquoi une espece particuliere de mouvement non uniforme, fût la mesure premiere du tems, plutôt qu’un autre : en second lieu, on ne pourroit mesurer le tems par un mouvement non uniforme, sans avoir découvert auparavant par quelque moyen particulier l’analogie entre le rapport des tems & celui des espaces parcourus, qui conviendroit au mouvement proposé. D’ailleurs, comment connoître cette analogie autrement que par l’expérience, & l’expérience ne supposeroit-elle pas qu’on eût déja une mesure du tems fixe & certaine ?

Mais le moyen de s’assurer, dira-t-on, qu’un mouvement soit parfaitement uniforme ? Je réponds d’abord qu’il n’y a non plus aucun mouvement non uniforme dont nous sachions exactement la loi, & qu’ainsi cette difficulté prouve seulement que nous ne pouvons connoître exactement & en toute rigueur le rapport des parties du tems ; mais il ne s’ensuit pas de-là que le mouvement uniforme n’en soit par sa nature seule, la premiere & la plus simple mesure. Aussi ne pouvant avoir de mesure du tems précise & rigoureuse, c’est dans les mouvemens à-peu-près uniformes que nous en cherchons la mesure au-moins approchée. Nous avons deux moyens de juger qu’un mouvement est à-peu-près uniforme, ou quand nous savons que l’effet de la cause accélératrice ou rétardatrice ne peut être qu’insensible ; ou quand nous le comparons à d’autres mouvemens, & que nous observons la même loi dans les uns & dans les autres : ainsi si plusieurs corps se meuvent de maniere que les espaces qu’ils parcourent durant un même tems soient toujours entr’eux, ou exactement, ou à-peu-près dans le même rapport, on juge que le mouvement de ces corps est ou exactement, ou à très-peu près uniforme.

Uniforme, s. m. (Art. milit.) on appelle uniforme dans le militaire, l’habillement qui est propre aux officiers & aux soldats de chaque régiment. Les troupes n’ont commencé à avoir des uniformes que du tems de Louis XIV. Comme elles avoient auparavant des armures de fer qui les couvroient entierement, ou presque entierement, l’uniforme n’auroit pu servir à les distinguer comme aujourd’hui. Les officiers françois sont obligés, par une ordonnance de 1737. de porter toujours l’habit uniforme pendant le tems qu’ils sont en campagne ou en garnison, afin qu’ils soient plus aisément connus des soldats. Sa Majesté a aussi depuis obligé ses officiers généraux de porter un uniforme par lequel on distingue les maréchaux de camp des lieutenans généraux. Cet uniforme qui les fait connoître, peut servir utilement pour les faire respecter, & leur faire rendre par toutes les troupes les honneurs dûs à leurs dignités. (Q)