L’Encyclopédie/1re édition/TURBITH
TURBITH, s. m. (Botan. exot.) turbedh par les Arabes, & θερπὶθ par les Grecs modernes ; c’est une racine des Indes orientales, ou l’écorce d’une racine séparée de sa moëlle ligneuse, dessêchée, coupée en morceaux oblongs, de la grosseur du doigt, résineux, bruns ou gris en-dehors, blanchâtres en-dedans, d’un goût un peu âcre & qui cause des nausées.
On doit choisir celle qui est un peu résineuse, nouvelle, grise en-dehors, unie, non ridée, blanche en-dedans, non cariée, & qui n’est pas trop couverte en-dehors de gomme ou de résine ; car les imposteurs ont coutume de frotter à l’extérieur avec de la gomme ou de la résine, les morceaux de cette racine, afin qu’elle paroisse plus gommeuse.
La plante s’appelle convolvulus indicus, alatus, maximus, foliis ibisco non nihil similibus, angulosis, turbith officinarum, Hort. Lugd. Bat. turpethum repens, indicum, foliis althææ, C. B. P.
Cette racine qui a plus d’un pouce d’épaisseur, se plonge dans la terre à trois ou quatre coudées en serpentant beaucoup : elle est ligneuse, partagée en quelques branches, couverte d’une écorce épaisse & brune ; cette écorce étant rompue, laisse échapper un suc laiteux, gluant, qui desséché devient une résine d’un jaune pâle, d’un goût douçâtre d’abord, ensuite piquant, & excitant des envies de vomir. Du collet de cette racine partent des tiges sarmanteuses, branchues, garnies de quatre feuillets membraneux, différemment entortillés, ligneuses à leur origine, de la grosseur du doigt, roussâtres, longues de six ou sept aunes ; quelques-unes sont couchées sur terre, & d’autres en s’élevant se lient par différentes circonvolutions aux arbres & aux arbrisseaux voisins.
Ces tiges portent des feuilles qui ont chacune une queue aîlée, & creusée en gouttiere ; elles sont assez semblables à celles de la guimauve, molles, couvertes d’un peu de duvet court & blanchâtre, anguleuses, crenelées sur leurs bords, & un peu pointues. De l’aisselle des feuilles qui se trouvent près de l’extrémité des rameaux, naissent des pédicules plus longs que les queues des feuilles, plus fermes, qui ne sont point aîlés, ni creusés en gouttiere, & qui portent trois ou quatre têtes oblongues & pointues.
Chaque tête est un bouton de fleur dont le calice est composé de cinq petites feuilles vertes, panachées de rouge, duquel sort une fleur d’une seule piece, blanche, semblable pour la figure & la grandeur à celle du grand liseron ordinaire. L’intérieur de cette fleur est rempli de cinq étamines pâles, & d’un stile porté sur la tête de l’embryon. La fleur étant passée, l’embryon grossit, devient une capsule à trois loges, séparées par des cloisons membraneuses & remplies de graines noirâtres, arrondies sur le dos, anguleuses d’un autre côté, & de la grosseur d’un grain de poivre.
Cette plante pullule dans les lieux couverts, humides, sur le bord des fossés, derriere les buissons, & dans les autres endroits champêtres loin de la mer, dans l’île de Ceylan & le Malabar.
Pour en faire usage en médecine, on recueille les grosses racines pleines de lait & de beaucoup de résine ; les racines qu’on nous envoie sont tirées de Guzarate où il y en a une grande abondance.
Ce puissant hydragogue paroît avoir été inconnu à Dioscoride & aux anciens Grecs. Les arabes sont les premiers qui en ayent fait mention, quoiqu’ils semblent fort incertains sur son origine. Serapion a tellement ignoré cette origine, qu’il transcrit mot-pour-mot l’histoire du tripolium donnée par Dioscoride, à laquelle il joint ensuite celle qu’il a tirée des Arabes, qui ont décrit le vrai turbith. Il est cependant évident que le turbith des boutiques & des Arabes, n’est pas le tripolium de Dioscoride, parce que le turbith dont on use communément, n’a aucune odeur, & qu’il ne laisse pas une si grande âcreté après qu’on l’a goûté.
Avicenne, selon l’interprétation de Saumaise, écrit qu’on trouve dans les boutiques, sous le nom de turbith, des morceaux de bois, plus ou moins gros, apportés des Indes, gris, blancs, longs, unis en-dehors, creux en-dedans, comme des morceaux de roseau, faciles à broyer, & qui étant écrasés, ne laissent aucune nervure ; il est assez vraissemblable, par cette description, qu’Avicenne connoissoit le turbith des Indes, mais il ne dit rien de son origine. Selon Mésué, le turbith est la racine d’une plante qui a les feuilles de la férule, & qui est pleine de lait. Il établit deux turbiths, l’un sauvage, l’autre cultivé ; & parmi ces deux especes, il distingue le grand, le petit, le blanc, le jaune & le noir ; mais nous ne connoissons point toutes ces différentes especes de turbith. Mésué confond le turbith indien avec les autres racines des plantes férulacées.
Actuarius nomme deux sortes de turbith, l’un noir, & l’autre blanc, que quelques-uns croient être l’alypum de Dioscoride ; quelques modernes ont prétendu que le tithymale myriéniste est le turbith des Arabes ; d’autres la scammonée d’Antioche ; d’autres les différentes especes de thapsie. Enfin Garzias a trouvé dans l’orient la racine qu’on emploie tous les jours dans les boutiques pour le véritable turbith, & il en a découvert l’origine ; ensuite le fameux Herman, qui a rendu des grands services à la Botanique, a décrit très-exactement cette plante dans son catalogue des simples du jardin de Leyde ; c’est aussi sa description que nous avons empruntée.
Le turbith est regardé comme un cathartique efficace dans la paralysie, l’hydropisie & autres maladies chroniques qui dépendent d’une surabondance d’humeurs épaisses & gluantes ; on le donne alors en substance depuis quinze grains jusqu’à une drachme, & en infusion depuis une drachme jusqu’à trois. Cependant c’est un remede suspect, parce qu’il excite des coliques, qu’il agite l’estomac, & qu’il atténue le corps par son action ; on tâche en vain d’y remédier par des aromatiques & des stomachiques, on diminue par-là la force du remede, sans corriger ses effets ; on n’est guere plus avancé en le mêlant avec d’autres purgatifs ; mais ceux-la sont encore moins sages qui l’ont banni de la pratique médicinale, pour lui substituer les racines de certaines plantes dangereuses, telles que sont le laserpitium foliis ovatis de Morison, qui est le thapsia offic. apium pyrenaicum thapsiæ facie, I. R. H. thapsia, sive turbith garganicum, semine latissimo, J. B. & semblables. Il est fou d’employer ces sortes de racines qui enflamment par leur acreté la gorge, l’estomac, les intestins, & qui sont des purgatifs beaucoup plus violens que le turbith dont on peut du-moins tempérer l’action avec sûreté. (D. J.)
Turbith bâtard, (Botan.) c’est la même plante que la thapsie. Voyez Thapsie. (D. J.)
Turbith minéral, (Chimie & Mat. méd.) cette préparation chimique destinée à l’usage médicinal, est aussi connue sous le nom de précipité jaune, & elle est un sel neutre formé par l’union de l’acide vitriolique & du mercure, vraissemblablement au point de saturation. Voyez Mercure Chimie, & Mercure Mat. méd. (b)