L’Encyclopédie/1re édition/TRITON

TRITON, s. m. (Hist. nat. Ornithol.) nom sous lequel le p. Nieremberg a décrit un bel oiseau commun dans l’isle Hispaniola, & qui est célebre pour la beauté & la variété de son chant. (D. J.)

Triton, (Géog. anc.) nom de plusieurs marais, rivieres, & lieux :

1°. C’est le nom d’un marais de l’Afrique propre ; d’un marais au pié du mont Atlas ; d’un marais de la Thrace ; & d’un marais de la Cyrénaïque.

2°. Triton, est le nom d’une ville de la Lybie ; d’une ville de la Béotie ; & d’un lieu de l’Asie mineure, sur le bord de la Propontide.

3°. Triton, étoit un fleuve de l’isle de Crete, à la source duquel la tradition fabuleuse vouloit que Minerve fût née, & qu’elle en eût pris le surnom de tritogénie.

4°. Torrent de la Béotie, qui selon Pausanias, l. IX. c. xxxiij. couloit près du rivage d’Alalcomène.

5°. Fontaine de l’Arcadie, dans le territoire de la ville d’Aliphere. Les habitans de cette ville avoient, au rapport de Pausanias, l. VIII. c. xvj. une dévotion singuliere pour Minerve, dans la persuasion où ils étoient, que cette déesse avoit pris naissance chez eux, & qu’elle y avoit été nourrie. (D. J.)

Triton, s. m. (Belles-Lettres.) dans la fable, demi-dieu marin que les anciens regardoient comme le trompette de Neptune, dont il portoit les ordres d’une mer à l’autre. Voyez Dieu.

Les Poëtes & les Peintres le représentent avec une figure d’homme, nageant jusqu’aux reins, & le bas du corps terminé par une queue de dauphin, tenant à la main une conque marine, dont il sonne comme d’une trompette.

Quelques anciens lui donnent pour pere Neptune, & pour mere Amphitrite ; d’autres, la nymphe Salacis. Numenius, dans son livre de la Pêche, le fait fils de l’Océan & de Thétis, & Lycophron le croit fils de Nerée.

Quoiqu’Hesiode & les Mythologistes ne parlent que d’un seul Triton, les Poëtes en ont imaginé plusieurs, auxquels ils donnent la fonction de précéder les dieux marins, & sur-tout le char de Neptune & celui de Venus aphrodite, en sonnant de leur conque. C’est ainsi qu’on les introduisoit souvent sur les théatres des anciens, & dans les naumachies ou représentations des combats de mer.

En effet, on ne se contentoit pas de faire servir les Tritons en qualité de trompettes dans le cortege de Neptune, on en faisoit aussi les tenans & les supports de son char ; c’est-à-dire, de la conque marine sur laquelle il parcouroit les mers, comme on le voit dans Virgile, Eneid. l. X. v. 209. Ovid. Metamorph. l. I. v. 333. & dans une médaille de l’empereur Claude.

Les Poëtes donnent ordinairement aux tritons la charge de calmer les flots, & de faire cesser les tempêtes. On lit dans le premier livre des Métamorphoses d’Ovide, que Neptune voulant faire retirer les eaux du déluge, ordonna à Triton de sonner de la trompette, au bruit de laquelle toutes les eaux rentrerent au sein de la mer.

Il n’est pas douteux que la fable des Tritons ne tire son origine des hommes de mer ; car il paroît, après ce que nous avons dit dans l’article des Syrenes, qu’il n’est guere possible de révoquer en doute l’existence d’êtres semblables à ces hommes de mer. Voyez Syrene.

Triton, s. m. en Musique, est un intervalle dissonant qu’on peut appeller aussi quarte superflue, parce qu’il est formé de trois degrés diatoniques, c’est-à-dire de quatre sons. Voyez Quarte. Son intervalle est de trois tons, ainsi que celui de la fausse quinte ; cependant les rapports n’en sont pas égaux, car celui du triton n’est que de 32 à 45 ; cela vient de ce que parmi les semitons qui forment ces deux intervalles, il y en a plus de majeurs dans la fausse quinte. Voyez Fausse-quinte.

Mais la plus considérable des différences de la fausse-quinte & du triton, c’est que celui-ci est une dissonance majeure que les parties sauvent en s’éloignant, & la fausse-quinte une dissonance mineure que les parties sauvent en s’approchant.

L’accord du triton n’est qu’un renversement de l’accord sensible dont la dissonance est portée à la basse ; d’où il s’ensuit que cet accord ne se doit placer que sur la quatrieme note du ton, qu’il doit s’accompagner de seconde & de sixte, & que la basse descendant toujours d’un degré pour sauver la dissonance, & la note sensible montant de même, le triton se sauvera de la sixte. Voyez Sauver. (S)