L’Encyclopédie/1re édition/TRIPOLI

TRIPOLI, s. m. ou Terre de Tripoli, (Hist. nat. Minéralogie.) en latin Tripela, terra Tripolitana. C’est ainsi qu’on nomme une terre argilleuse & ferrugineuse qui est rude au toucher, comme du sable, qui devient plus dure & plus compacte dans le feu, ce qui caractérise les argilles, & qui est ou grise, ou blanche, ou jaunâtre.

Le nom qu’on donne à cette terre, vient de ce qu’autrefois on en tiroit beaucoup des environs de la ville de Tripoli en Barbarie ; mais aujourd’hui on en trouve dans toutes les parties de l’Europe qui ne le cede en rien à celle de Barbarie.

La rudesse des parties qui composent le tripoli, fait qu’on l’emploie avec succès pour polir les métaux, le verre & les glaces. Les Fondeurs s’en servent aussi pour faire des moules, parce que cette terre est très-propre à résister à l’action du feu. Pour que le tripoli soit d’une bonne qualité, il faut qu’il soit pur & dégagé de grains de sable, qu’il soit tendre & facile à pulvériser.

M. Neumann ayant mis deux onces de tripoli en distillation dans une cornue exposée à feu nud, a obtenu deux drachmes d’esprit de sel, & il s’attacha une petite portion de sel ammoniacal dans le col de la rétorte. M. Zimmermann y a aussi trouvé une petite portion d’acide vitriolique.

Cette terre mise dans l’eau régale lui donne une couleur jaune, ce qui a fait soupçonner à quelques alchimistes que le tripoli contenoit de l’or qu’ils croyent voir par-tout ; mais cette couleur vient des parties ferrugineuses dont cette terre est mêlée ; une preuve de cette vérité, c’est que le tripoli devient rougeâtre par la calcination. Cependant on ne veut point nier qu’il ne puisse se trouver des particules d’or accidentellement mêlées avec cette substance, ce seroit pourtant se tromper que d’espérer en tirer assez pour se dédommager des frais de l’opération. Stahl a trouvé le tripoli astringent & dessicatif comme toutes les substances martiales. (—)

Tripoli état de, (Géog. mod.) l’état de Tripoli est borné au nord par la mer Méditerranée, à l’orient par l’Egypte, au midi par le pays des Béréberes, & à l’occident, partie par le royaume de Tunis, partie par le Bilédulgérid ou pays des Dattes, & partie par le pays de Gadamis ; cet état est divisé en divers quartiers ; il possede sur la côte de la province de Tripoli, le pays de Mserata, le golfe de la Sidre, la côte de Derne, &c. Il a dans les terres quelques cantons & déserts. La ville de Tripoli est la capitale de tout l’état.

Les femmes de Tripoli ne ressemblent point aux égyptiennes dont elles sont voisines ; elles sont grandes, & font consister la beauté dans une taille excessivement longue. Elles se font, comme les femmes arabes, des piquures sur le visage, principalement aux joues & au menton. Elles estiment beaucoup les cheveux roux, comme en Turquie, & elles font même peindre en vermillon les cheveux de leurs enfans.

La république de Tripoli subsiste par son commerce d’étoffes & par celui du safran qui se tire du mont Garian situé au midi de la ville de Tripoli, & où il est admirable ; mais la principale richesse des habitans vient de leurs pirateries. Elles furent si grandes dans le dernier siecle contre les François, que Louis XIV. n’en put obtenir raison qu’en faisant bombarder la capitale par le maréchal d’Estrée, vice-amiral. (D. J.)

Tripoli, (Géog. mod.) ou Tripoli de Barbarie, ville d’Afrique, dans la Barbarie, sur la côte de la Méditerranée, dans la province de même nom, entre Zoara & Lebda.

La ville de Tripoli a le titre de royaume sans en être un ; mais cette qualification lui vient de quelques princes qui s’en emparerent, & s’arrogerent le titre de roi. Le nom de Tripoli étoit anciennement le nom d’un canton où se trouvoient trois villes remarquables, & de là vient qu’il y a plusieurs autres cantons, qui portent ce même nom par la même raison.

Le pays de Tripoli de Barbarie fut nommé la Tripolitaine du tems des Romains, & ce nom lui fut continué du tems des Vandales. Les Arabes s’en emparerent sous le regne des caliphes, dont les lieutenans conquirent toutes les côtes de l’Afrique le long de la Méditerranée, & même une partie considérable de l’Espagne.

Ce pays, ainsi que la ville, resta dans une assez grande obscurité jusqu’au commencement du seizieme siecle. Alors dom Pedro de Navarre, général de Ferdinand le catholique, profitant des troubles qui regnoient dans la ville, s’en rendit maître, & y fit un riche butin sur les Maures. Quelque tems après les chevaliers de S. Jean de Jérusalem ayant perdu l’île de Rhodes, Charles-Quint leur donna en 1528 l’île de Malthe, ainsi que Tripoli qui étoit frontiere de leur île ; mais Soliman forma une puissante armée navale qui battit la place avec quarante pieces de canon, & le gouverneur se vit obligé de la rendre à l’amiral Dragut. Les Turcs y établirent un bacha dont l’autorité diminua peu-à-peu. Enfin Mamet-Bey, rénégat grec, de l’ancienne maison des Justiniani, eut le crédit d’y établir son autorité, & d’y commander en souverain. Depuis ce tems-là Tripoli s’est gouvernée en république, sous la protection du grand seigneur, à qui l’on envoie une espece de tribut ; cette république a pour chef un général qu’on nom me dey, & qui est élu par la milice.

Tripoli est aujourd’hui bien fortifiée ; mais on y boit que de l’eau de citerne, & le blé y est rare, parce que le terroir est aride, sablonneux, & souvent même inondé par la mer. On fabrique dans cette ville des étoffes de soie & d’assez bons camelots. Son commerce étoit autrefois beaucoup plus brillant. Long. suivant Cassini, 30. 36′. 45″. latit. 30. 53′. 40″. & suivant le p. Feuillée, Long. 31. 2′. 30″. latit. 32. 54. (D. J.)

Tripoli, (Géog. mod.) ville d’Asie, dans la Syrie, sur la côte, & à trois quarts de lieue de la Méditerranée. Elle est ceinte de murailles, particulierement vers la mer, sur le bord de laquelle elle a quelques tours quarrées avec du canon pour se défendre contre les corsaires ; elle est fort peuplée de turcs & de juifs, qui y font un grand commerce de soie. On y compte quatre maisons de religieux francs. Long. 56. 32. latit. 34. 10.

La Tripoli d’Asie est une ville très-ancienne située dans le canton que les anciens nommoient Phénicie, entre Botrys au midi, & Arca au septentrion, & sur le bord d’une riviere qui descend du Liban. Il en est parlé dans le second livre des Machabées, xiv. 1, où il est dit que trois jours après la mort d’Antiochus Epiphanes, Démétrius, fils de Séleucus, à qui le royaume de Syrie appartenoit de droit, s’enfuit de Rome, & vint aborder à Tripoli.

Le nom de Tripoli signifie en grec trois villes, parce qu’en effet elle étoit composée de trois villes éloignées l’une de l’autre de la longueur d’un stade. L’une de ces villes étoit aux Arcadiens, l’autre aux Sidoniens, & la troisieme aux Tyriens. Il y a grande apparence qu’avec le tems ces trois villes n’en formerent plus qu’une, par le moyen des maisons que l’on bâtit entre les espaces qui les séparoient. On a plusieurs médailles d’Antoine avec Cléopatre, d’Auguste, de Néron, de Trajan, de Sévere & d’Eliogabale, avec ce mot, ΤΡΙΠΟΛΕΙΤΩΝ, & une de Julie Soæmie, où on lit : ΤΡΙΠΟΤΩΝ. (D. J.)

Tripoli, (Géog. mod.) village d’Asie, dans l’Anatolie, à trois milles de la mer-Noire, & à 36 de Cérasonte. Arrien & Polybe en parlent ; la riviere qui se jette dans la mer-Noire au-dessous de ce village, portoit apparemment le même nom que la ville qui subsistoit du tems de Pline. (D. J.)