L’Encyclopédie/1re édition/TRAITANT

◄  TRAIT
TRAITE  ►

TRAITANT, (Finances.) on appelle traitans des gens d’affaires qui se chargent du recouvrement des impôts, qui traitent avec le souverain de toutes sortes de taxes, revenus, projets de finances, &c. moyennant des avances en deniers qu’ils fournissent sur le champ. Ils reçoivent dix à quinze pour cent de leurs avances, & ensuite gagnent un quart, un tiers sur leurs traités. Ces hommes avides & en petit nombre ne sont distingués du peuple que par leurs richesses. C’est chez eux que la France vit pour la premiere fois en argent ces sortes d’ustensiles domestiques, que les princes du sang royal n’avoient qu’en fer, en cuivre & en étain ; spectacle insultant à la nation. Les richesses qu’ils possedent, dit l’édit de 1716, sont les dépouilles de nos provinces, la subsistance de nos peuples & le patrimoine de l’état.

Je répete ces choses d’après plusieurs citoyens sans aucune passion, sans aucun intérêt particulier, & sur-tout sans l’esprit d’humeur & de satyre, qui fait perdre à la vérité même le crédit qu’elle mérite.

M. Colbert, dit l’auteur françois de l’histoire générale, craignoit tellement de livrer l’état aux traitans, que quelque tems après la dissolution de la chambre de justice qu’il avoit fait ériger contre eux, il fit rendre un arrêt du conseil, qui établissoit la peine de mort contre ceux qui avanceroient de l’argent sur de nouveaux impôts. Il vouloit par cet arrêt comminatoire qui ne fut jamais imprimé, effrayer la cupidité des gens d’affaires ; mais bientôt après il crut être obligé de se servir d’eux sans même révoquer l’arrêt ; le roi le pressoit pour des fonds, il lui en falloit en grande hâte, & M. Colbert recourut encore aux mêmes personnes qui s’étoient enrichies dans les désastres précédens. (D. J.)