L’Encyclopédie/1re édition/TRACER

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TRACER, v. act. on dit en Géométrie pratique, tracer une ligne, c’est la marquer avec de l’encre, du crayon, ou toute matiere semblable. Dans la géométrie spéculative, que les lignes soient bien ou mal tracées, cela n’y fait rien : on y suppose toujours que les lignes données soient exactement telles qu’on les demande. (E)

Tracer, (Botan.) ce mot en Botanique & en Agriculture, veut dire courir & couler entre deux terres ; le chiendent trace extraordinairement, cela signifie que ses racines entrent peu dans la terre, & qu’elles s’étendent sur les côtés. On dit aussi que les fraisiers tracent, mais c’est par des jets qui courent sur la terre. (D. J.)

Tracer, (Archit.) tirer les premieres lignes d’un dessein, d’un plan, sur le papier, sur la toile, ou sur le terrein. Il y a dans l’art de bâtir plusieurs manieres de tracer, que nous allons expliquer dans des articles séparés.

Tracer au simbleau. C’est tracer d’après plusieurs centres, les ellipses, arcs surbaissés, rampans, corrompus, &c. avec le simbleau, qui est un cordeau de chanvre, ou mieux de tille, parce qu’elle ne se relâche point. On se sert ordinairement du simbleau pour tracer les figures plus grandes que les portées du compas.

Tracer en cherche. C’est décrire par plusieurs points déterminés, une section conique, c’est-à-dire une ellipse, une parabole, ou une hiperbole, & d’après cette cherche levée sur l’épure, tracer sur la pierre : ce qui se fait aussi à la main, pour donner de la grace aux arcs rampans de diverses especes.

Tracer en grand. C’est en maçonnerie tracer sur un mur ou une aire, une épure, pour quelque piece de trait ou distribution d’ornemens. Et en charpenterie, c’est marquer sur un ételon, une enrayure, une ferme, &c. le tout aussi grand que l’ouvrage.

Tracer par équarrissement ou dérobement. C’est dans la construction des pieces de trait, ou coupe de pierre, une maniere de tracer les pierres par des figures prises sur l’épure, & cottées pour trouver les raccordemens des panneaux de tête, de douelle, de joint, &c.

Tracer sur le terrein. C’est dans l’art de bâtir faire de petits sillons, suivant des lignes ou cordeaux, pour l’ouverture des tranchées des fondations. (D. J.)

Tracer a la main, (Coupe des pierres.) c’est déterminer à vue d’œil le contour d’une ligne courbe, en suivant plusieurs points donnés par intervalle, ou en corrigeant seulement par le goût du dessein une ligne courbe, qui ne satisfait pas la vûe. Ainsi une doucine composée d’arcs, de cercles mal assemblés, doit être encore tracée à la main.

Tracer, en terme de Boutonnier, c’est ébaucher les moules & les dégrossir avec un outil moins fin que le paroir. Voyez Moule & Paroir.

Tracer, terme d’ouvriers en bois, ce mot signifie parmi les ouvriers en bois, comme les Charpentiers, Menuisiers, Charrons, &c. se servir du traceret pour marquer la besogne. (D. J.)

Tracer, Traceur, (Jardinage.) c’est dessiner avec le traçoir sur le terrein quelques figures suivant le plan qu’on a devant soi. Le traçoir est comme une longue plume avec laquelle le traceur écrit sur le terrein.

La maniere de tracer est ce qu’il y a de plus considérable dans les jardins, principalement dans ceux que l’on appelle de plaisance ou de propreté. On suppose qu’avant de tracer, on s’est instruit des principes de la Géométrie pratique, tels qu’ils sont enseignés dans le livre de la théorie & pratique du jardinage, partie deuxiéme, ou bien dans ce Dictionnaire même aux articles de la trigonométrie rectiligne, pour tracer des triangles, à celui de la longimétrie pour tracer des lignes, & des surfaces à l’article Planimétrie.

On suppose donc ici un homme instruit de ces principes dont il aura fait usage sur le terrein, en traçant les principaux alignemens d’un plan général avec l’équerre d’arpenteur ou avec le demi-cercle, en le retournant d’équerre pour les alignemens de traverse, en prolongeant par des jalons, les longueurs & les largeurs de ces alignemens, & les arrêtant suivant qu’elles sont marquées sur le dessein, en prenant avec le rapporteur les ouvertures d’angles sur le papier, & les rapportant sur le terrein, en ouvrant le demi-cercle sur le même degré que l’on a trouvé sur le rapporteur. Quant aux figures triangulaires, circulaires, ovales, quadrilateres & irrégulieres qui se trouvent dans un dessein, elles se rapporteront toujours aux premiers principes établis, & ne formeront plus de difficultés dans la maniere de tracer les desseins les plus composés.

Il s’agit ici de donner la maniere de remplir les places destinées aux parterres, bosquets, ou boulingrins, & aux potagers dont on n’a tracé dans le plan général que les pourtours.

Le pourtour d’un parterre étant tracé, il offre un quarré ou une place qu’on appelle un tableau, & qu’il faut tracer en la maniere suivante.

Maillez sur le papier le dessein du parterre en le séparant par des lignes tirées au crayon, qui en se croisant formeront des carreaux de trois piés sur tous sens, selon l’échelle qui se trouve toujours au bas du dessein.

Faites la même opération sur le terrein en partageant votre place par le moyen du cordeau en autant de lignes & de carreaux qu’il s’en trouve sur votre papier. Prenez le traçoir, & tracez dans chaque maille les mêmes traits, les mêmes fleurons qui sont marqués dans votre dessein, qu’il faut toujours avoir près de vous. On ne trace d’abord les fleurons qu’à un trait pour les mettre en place, ensuite on les double & on leur donne de la grace, & le contour qu’ils demandent suivant le dessein. Ces petites mesures se prennent à la fois & au pié, & l’on arrête par des trous faits avec la pointe du traçoir le bout & la naissance des feuilles & des rinceaux du parterre, pour les mieux faire remarquer à celui qui plante.

Les bosquets n’ont d’autre difficulté à être tracés, que par rapport aux salles & aux cabinets qu’on y pratique. S’ils ne présentent que de simples étoiles, des pattes d’oyes, des cordons, des ovales, & autres figures, elles reviennent toujours aux principes établis dans les articles ci-dessus énoncés. Ces salles sont ou circulaires ou présentent des parallélogrammes, ornés de pieces d’eau cintrées, ou de tapis de gazon.

Mesurez sur le plan combien il y a de toises depuis le point du milieu de la piece, jusqu’au centre des portions circulaires. Vous porterez les mêmes longeurs sur l’alignement du milieu par où il faut commencer, & vous poserez au centre de ces portions le demi-cercle sur l’alignement du milieu, & son alidade sur 90 degrés pour vous retourner d’équerre, & pour tracer une ligne de traverse qui donnera les oreillons de la piece du milieu. Au-dessus de cette ligne vous porterez de chaque côté la largeur des allées du pourtour de la piéce d’eau ou de gazon, vous ôterez le demi-cercle, & dans le même centre vous mettrez un piquet & vous y passerez la boucle du cordeau pour tracer les portions circulaires, tant de la piece d’eau que de l’allée du pourtour, jusqu’à ce que vous trouviez la trace des oreillons : vous mettrez à toutes ces mesures des piquets, vous en ferez autant à l’autre extrémité de la salle : cela fait vous porterez depuis la ligne du milieu la largeur de la piece d’eau & celle des allées du pourtour, dans chaque bout de la salle & des deux côtés, & par des alignemens prolongés & tracés au cordeau, vous aurez dessiné sur le terrein toute votre salle conformément au dessein. Si vous avez des niches & des renfoncemens pour des bancs & des figures, vous vous servirez de l’équerre de bois pour en tracer les retours, suivant les mesures marquées sur le plan.

Les boulingrins auront de même que les parterres & les bosquets leurs contours marqués dans la trace du plan général ; il ne s’agira plus que de tracer leur renfoncement & ce qui orne leur milieu. On suppose un parallélogramme échancré dans les 4 angles. Si vous avez la ligne du pourtour d’en-haut dressée bien de niveau en reportant la largeur du talus trouvé sur le plan, au-de-là de la trace d’en-haut, avec encore un pié au-delà pour couper le talus en terme ferme, vous pourrez faire creuser & enlever vos terres de la profondeur que vous voudrez y donner, supposé de deux piés. Pour dresser le fond du boulingrin, enfoncez aux encoignures de la trace du pourtour d’en haut, & le long de la trace, des piquets qui excedent la terre d’un pié environ, & enfoncez-en vis-à-vis dans le fond qui ayent la même hauteur, & qui s’alignent sur ceux d’en-haut d’un bout-à-l’autre : ensuite vous mesurerez sur ces jalons en contre-bas le pié qu’ont de hauteur hors de terre, les piquets des encoignures & ceux du pourtour d’en-haut, & vous y ferez une marque au charbon. Joignez les deux piés que vous voulez donner de renfoncement au boulingrin ; alors vous ferez butter ou décharger du pié ces jalons du fond suivant le besoin, de maniere qu’ils ayent en tout trois piés de haut, ensuite vous attacherez un cordeau au pié des piquets d’en-haut, & sur la marque noire faite sur le jalon vis-à-vis, vous y attacherez l’autre bout du cordeau, vous mesurerez dessus ce cordeau bien tendu 6 piés qu’a la largeur du talus de piquet en piquet, au bout desquels 6 piés vous serez tomber un aplomb jusque dans le fond, en faisant arraser & dresser les terres pour y planter un piquet à tête perdue ; faites la même opération aux extrémités du parallélogramme, ainsi ayant arrêté par des piquets les repaires nécessaires, faites tendre le cordeau de l’un à l’autre, & tracez le parallélogramme d’en-bas ; vous alignerez par-tout des jalons dont les têtes s’ajustent à la hauteur des jalons & des piquets des encoignures, & vous les mettrez tous à la hauteur de trois piés, vous tendrez un cordeau de l’un à l’autre jusqu’aux jalons d’en-bas, & par des repaires ou hêmes, vous unirez tous le fond du boulingrin. Pour le talus du pourtour vous poserez des piquets de deux toises en deux toises, & en mettrez en pareil nombre & à même distance sur la ligne qui termine le pié du talus, tendez un cordeau de haut-en-bas d’un jalon à son opposé, & faites une rigole ou repaire d’un pié de large suivant le cordeau, coupez la terre ainsi par rigoles en tendant le cordeau de piquet en piquet : pour dresser entierement ce talus, promenez le cordeau de tous sens & d’une rigole à l’autre en faisant suivre un homme qui coupera & arrasera à la bêche les endroits où il y aura trop de terre en suivant exactement le cordeau sans le forcer, c’est la meilleure maniere d’applanir un terrein que le rateau achevera de bien unir & dresser. A l’égard de la piece longue ceintrée qui occupe le fond du boulingrin, il n’est pas plus difficile de la tracer qu’un autre qui seroit sur le terrein d’en-haut, ce que l’on exécutera par les principes indiqués ci-dessus.

Les potagers, légumiers, vergers, pepinieres ne demandent aucune recherche pour la trace ; leur pourtour tracé dans le plan général suffit ; il n’y a plus qu’à tracer au cordeau des rigoles ou des planches en tendant le cordeau de piquet en piquet à la distance de deux piés l’un de l’autre sans y comprendre la largeur des sentiers, ce qui separera tout le terrein en rigoles ou en planches.

Tracer, (Peinture.) marquer avec un crayon, une pointe de fer, &c. le dessein de quelques chose. On dit tracer un plan, tracer une perspective, un profil. Je n’ai que tracé telle chose. Voyez Trait.

Tracer ne se dit guerre en peinture qu’en parlant de l’architecture qui est dans un tableau ; je viens de tracer mon architecture. A l’égard des autres objets, on dit dessiner.

Tracer la natte, (Nattier.) les nattiers en paille, disent tracer la natte, pour signifier passer alternativement les unes sur les autres, les trois branches de paille dont chaque cordon est composé. (D. J.)