L’Encyclopédie/1re édition/TOURLOUROU

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TOURLOUROU, s. m. (Hist. nat.) sorte de crabe terrestre de la petite espece, dont le corps est à-peu-près de la largeur d’un écu de six francs ; le dessus de son écaille est d’un violet foncé tirant sur le noir, & bordé tout-au-tour d’une bande rouge assez vive, dont la couleur s’affoiblit insensiblement en s’étendant sous le ventre de l’animal.

Il a dix pattes, cinq de chaque côté ; les deux de devant sont armées de tenailles ou mordans plus forts que ceux des écrevisses ordinaires ; s’il est saisi par un de ces mordans, peu lui importe de l’abandonner pour se sauver, puisqu’au bout d’un an, il reparoît avec un nouveau membre aussi-bien formé que le premier.

Les tourlouroux se tiennent ordinairement dans les montagnes ; ils creusent des trous en terre pour se loger, & ne sortent que pour leurs besoins, ou sur la fin d’une pluie abondante, de peur d’être inondés ; c’est alors qu’on les rencontre par milliers dans certains cantons ; la terre en est quelquefois si couverte, qu’on est contraint de les écarter avec un bâton pour se frayer un passage.

Les tourlouroux par leur petitesse contiennent peu de substance charnue ; mais leur graisse qu’on nomme taumalin, est délicieuse ; c’est une espece de farce naturelle d’un goût exquis ; les femelles quelque tems avant leur ponte, renferment dans l’intérieur de leur corps deux pelotons gros comme le bout du doigt, d’une substance jaune, tirant sur le rouge, un peu ferme & de très-bon goût ; ce sont les œufs qui ne sont pas encore formés.

Le taumalin ou graisse des tourlouroux peut se manger seul comme celui des crabes ; on en compose aussi avec la farine de magnoc un fort bon mets que les Créols appellent matoutou. Les étrangers ne sont pas long-tems à s’y accoutumer, & le trouvent délicieux ; les bisques aux tourlouroux sont parfaites, & surpassent de beaucoup par la finesse de leur goût, celles qui se font avec les crabes & les écrevisses.