L’Encyclopédie/1re édition/TOUPIE
TOUPIE, s. f. (Jeux) en latin turbo ; je ne parle pas ici de la toupie, pour dire seulement que c’est une espece de sabot qui a une pointe de fer sur laquelle il tourne quand on le fouette, après avoir lâché la corde qui étoit entortillée tout-autour ; mais ce dont je prie le lecteur, c’est de voir comme Virgile, Æneid. l. VII. v. 378. peint ce jeu d’enfant, auquel il compare les démarches de la reine Laurente, qui toute troublée court autour du palais, va, vient, s’arrête, & retourne sur ses pas.
Ceu quondam torto volitans sub verbere turbo,
Quem pueri magno in gyro, vacua atria circum
Intenti ludo exercent. Ille actus habena
Curvatis fertur spatiis : stupet inscia juxtà
Impubesque manus, mirata volubile buxum.
« La princesse parut alors semblable à ce jouet de l’enfance, qui tournant avec rapidité autour de son
centre, & traçant dans un vaste lieu plusieurs cercles
par son mouvement, est admiré de la jeune
troupe ignorante, qui l’entoure & qui le réveille
sans cesse à coups de fouet ». (D. J.)
Toupie, (Marine.) c’est un instrument inventé en Angleterre, pour observer sur mer l’horison, malgré le tengage & le roulis du vaisseau : c’est une toupie de métal couverte d’une glace très-haute ayant trois pouces de diametre. Elle a un creux en-dessous en forme de cône, qui reçoit l’extrémité d’une pointe d’acier, sur laquelle on la fait tourner : on la rend pesante par un cercle de métal. Pour la faire tourner on enveloppe un ruban autour d’une tige placée au-dessus de sa surface au milieu de la glace, & on tire ce ruban avec force, en retenant la toupie ou en l’empêchant de s’incliner. C’est dans une espece d’écuelle, au fond de laquelle s’éleve une pointe qui soutient la toupie, qu’on la fait tourner. On met au-dessus de cette écuelle un regle qu’on place comme un diametre : cette regle retient la toupie pendant qu’on tire le ruban qui passe à-travers par un trou, & on l’ôte aussi-tôt que le mouvement est donné ; plus on tire le ruban avec force, plus la toupie tourne vite : le ruban se dégage & on ôte la regle.
Cette toupie conserve ainsi son niveau : or, si pendant que le mouvement de la toupie est régulier on regarde un astre, on verra que son image ne changera point de place, quoiqu’on donne des secousses assez fortes à la toupie. Ainsi en observant avec l’octant (voyez Octant), on se penchera vers la toupie, & on fera concourir les deux images de l’astre sur la glace : la premiere image sera celle que donnera la toupie, & la seconde celle que donnera la glace de l’alidade.
Au-reste, lorsque ces deux images concourent, ou que la moitié de l’une convient parfaitement avec la moitié de l’autre, l’octant donne le double de la hauteur de l’astre, car il marque combien l’astre est réellement élevé au-dessus de son image, qu’on voit dans le miroir de la toupie. Il n’y aura donc qu’à prendre la moitié du nombre qu’on trouvera sur l’octant, pour avoir la hauteur véritable de l’astre.