L’Encyclopédie/1re édition/TORT, INJURE
TORT, INJURE, (Synonymes.) le tort regarde particulierement les biens & la réputation ; il ravit ce qui est dû. L’injure regarde proprement les qualités personnelles ; elle impute des défauts. Le premier nuit, la seconde offense.
Le zèle imprudent d’un ami fait quelquefois plus de tort que la colere d’un ennemi. La plus grande injure qu’on puisse faire à un honnête homme, est de le calomnier. (D. J.)
Tort, (Droit moral.) on peut définir le tort, injuria, une action libre qui ôte son bien au possesseur.
S’il n’y avoit point de liberté, il n’y auroit pas de crime réel. S’il n’y avoit point de droit légitime, il n’y auroit point de torts faits. L’injustice suppose donc un droit contre lequel on agit librement.
Or il y en général deux especes de droits ; l’un naturel, gravé dans le cœur de tous les hommes ; l’autre civil, qui astreint tous les citoyens d’une même ville, d’une même république, tous les sujets d’un même royaume, à faire ou à ne pas faire certaines choses, pour le repos & l’intérêt commun. On ne peut violer cette loi sans être mauvais citoyen. On ne peut violer la loi naturelle, sans offenser l’humanité.
Or l’injustice qu’on fait à quelqu’un, le blesse & l’irrite ordinairement jusqu’au fond de l’ame ; c’est pourquoi Métellus fut si piqué de voir qu’on lui donnoit Marius pour successeur en Numidie ; c’est ce qu’à l’égard de Junon Virgile peint par ces mots, manet altâ mente repostum, expression qui pour l’énergie, n’a point d’équivalent dans notre langue. C’est ainsi que Salluste dit du tort qu’on fait par de simples paroles : Quod verbum in pectus Jugurthæ altiùs quàm quisquam ratus erat, descendit ; & Séneque : natura comparatum est ut altiùs injuriæ quàm beneficia descendant, & illa cito defluant, has tenax memoria retineat. Voyez Injure. (D. J.)