L’Encyclopédie/1re édition/TOCKENBOURG
TOCKENBOURG, (Géog. mod.) comté de la Suisse, dépendant de l’abbaye de S. Gall. C’est un pays étroit entre de hautes montagnes, & qui avoit autrefois des seigneurs particuliers avec titre de comte. Le dernier, nommé Frideric, accorda par grandeur d’ame à ses sujets, au commencement du quinzieme siecle de si grands privileges, qu’il les rendit en quelque maniere peuple libre.
Le Tockenbourg est considéré dans la Suisse comme un territoire important par sa situation, ses voisins, & le peuple qui l’habite. Il est séparé au nord du canton d’Appenzel par de hautes montagnes presque inaccessibles ; à l’orient & au couchant, par les terres du canton de Zurich. Il peut avoir en longueur cinq milles d’Allemagne, ou dix heures de chemin, & moitié en largeur. On distingue le pays en province supérieure & province inférieure, & chaque province est divisée en divers districts. Les habitans sont catholiques romains & réformés, & font ensemble environ neuf mille hommes, dont les deux tiers sont protestans.
Les deux religions sont réunies par un serment solemnel, que tous les Tockenbourgeois sont tenus de faire, savoir de conserver ensemble une concorde mutuelle. Ce serment précede même celui par lequel ils jurent le traité d’alliance & de combourgeoisie avec les cantons de Schwitz & de Glaris, alliance qui dure depuis 1440. Le terroir du pays abonde en graines, en prairies & en pâturages.
Le gouvernement est composé de membres en partie protestans & en partie catholiques, tirés des communautés de chaque religion. Dans les endroits où se fait l’exercice des deux religions, les Réformés & les Catholiques élisent conjointement les membres de leur grand-conseil, sans avoir égard à l’alliance ou à la parenté. Ce grand-conseil est le conservateur de la liberté publique. Dans les affaires de conséquence, il convoque l’assemblée générale du peuple qui en décide souverainement. Dans les petits conseils qui sont chargés d’examiner les affaires criminelles & les causes de peu d’importance, le grand-conseil en nomme les membres, & les tire également de chaque religion. Dans les justices inférieures du pays, il y a quelques communautés qui ont le droit d’élire leur amman. Dans d’autres, l’abbé de S. Gall nomme deux des chefs, & les habitans choisissent les autres. Enfin les Tockenbourgeois ont un gouvernement des plus sages & des mieux entendus pour leur bien-être. (D. J.)