L’Encyclopédie/1re édition/THYIADES

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THYIADES, (Mytholog.) mot formé du grec θύειν, courir avec impétuosité ; c’étoit des surnoms qu’on donnoit aux bacchantes, parce que dans les fêtes & les sacrifices de Bacchus, elles s’agitoient comme des furieuses, & couroient comme des folles. Les thyiades étoient quelquefois saisies d’enthousiasme ou vrai ou simulé, qui les poussoit même jusqu’à la fureur ; ce qui pourtant ne diminuoit en rien le respect du peuple à leur égard. En voici deux preuves historiques.

Plutarque me fournira la premiere. Après, dit-il, que les tyrans des Phocéens eurent pris Delphes, dans la guerre sacrée, les prêtresses de Bacchus, qu’on nomme thyiades, furent saisies d’une espece de fureur bacchique, & errant pendant la nuit, elles se trouverent sans le savoir à Amphisse ; là fatiguées de l’agitation que leur avoit causé cet enthousiasme, elles se coucherent & s’endormirent dans la place publique. Alors les femmes de cette ville confédérée des Phocéens, craignant que les soldats des tyrans ne fissent quelque insulte à ces thyiades consacrées à Bacchus, coururent au marché, se rangerent en cercle autour d’elles, afin que personne ne pût en approcher, gardant en même tems un profond silence pour ne point troubler leur sommeil. Quand les thyiades furent éveillées, & revenues de leur phrénésie, les Amphissiennes leur donnerent à manger, les traiterent avec honneur, & obtinrent permission de leurs maris de les reconduire jusqu’en lieu de sûreté. Seconde preuve.

Les Eléens avoient une compagnie de ces femmes consacrées à Bacchus, qu’on appelloit les seize, parce qu’elles formoient toujours ce même nombre. Dans le tems qu’Aristotime qui avoit occupé la tyrannie, traitoit ce peuple avec la derniere dureté, ils lui envoyerent les seize, dans le dessein d’obtenir de lui quelque grace. Chacune d’elles étoit ornée d’une des couronnes consacrées au dieu Bacchus. Le tyran se tenoit alors dans la grande place, entouré de soldats de sa garde, qui voyant arriver les thyiades, se rangerent par respect de côté & d’autre pour les laisser approcher d’Aristotime ; mais dès que le tyran eut appris le sujet de leur venue, il les fit chasser, & les condamna chacune à deux talens d’amende. Ce procédé indigna tellement les Eléens, qu’ils conspirerent sa perte, & se défirent de lui. (D. J.)