L’Encyclopédie/1re édition/THÉ
THÉ, s. m. (Bot. exot.) C’est une petite feuille désséchée, roulée, d’un goût un peu amer légérement astringent, agréable, d’une douce odeur, qui approche de celle du foin nouveau & de la violette.
L’arbrisseau qui porte le thé, s’appelle chaa par C. B. P. 147. thea frutex, bont. eronymo affinis, arbor orientalis, nucifera, flore roseo, Pluk. Phyt. mais cet arbrisseau est encore mieux défini par Kæmpfer : thea frutex, folio cerasi, flore rosæ sylvestris, fructu unicocco, bicocco, & ut plurimùm tricocco ; c’est-à-dire, qu’il a la feuille de cerisier, la fleur semblable à la rose des champs, & que son fruit n’a qu’une, ou deux, ou tout au plus trois coques : les Chinois le nomment theh, les Japonois tsjaa, ou tsjanoki.
Ce qu’il y a de plus commode dans une plante si débitée, c’est qu’elle n’occupe point de terrein qui puisse servir à d’autres ; ordinairement on en fait les bordures des champs de blé, ou de riz, & les endroits les plus stériles sont ceux où elle vient le mieux ; elle croît lentement, & s’éleve à la hauteur d’une brasse, & quelque chose de plus ; sa racine est noire, ligneuse, & jette irrégulierement ses branches ; la tige en fait de même de ses rameaux, & de ses rejettons ; il arrive assez souvent qu’on voit sortir ensemble du même tronc, plusieurs tiges si serrées l’une contre l’autre, & qui forment une espece de buisson si épais, que ceux qui n’y regardent pas d’assez près, croient que c’est un même arbrisseau ; au-lieu que cela vient de ce que l’on a mis plusieurs graines dans la même fosse.
L’écorce de cet arbrisseau est couverte d’une peau fort mince, qui se détache lorsque l’écorce devient seche ; sa couleur est de chataigne, grisâtre à la tige, & tirant sur le verdâtre ; son odeur approche fort de celle des feuilles du noisetier, excepté qu’elle est plus désagréable ; son goût est amer, dégoûtant, & astringent, le bois est dur, composé de fibres fortes & épaisses, d’une couleur verdâtre tirant sur le blanc, & d’une senteur fort rebutante quand il est verd ; la moëlle est fort adhérente au bois.
Les feuilles tiennent à une queue ou pédicule, court, gros, & vert, assez rond, & uni en-dessous, mais creux & un peu comprimé au côté opposé ; elles ne tombent jamais d’elles-mêmes, parce que l’arbrisseau est toujours verd, & il faut les arracher de force ; elles sont d’une substance moyenne, entre la membraneuse & la charnue, mais de différente grandeur ; les plus grandes sont de deux pouces de long, & ont un peu moins de deux pouces dans leur plus grande largeur : en un mot, lorsqu’elles ont toute leur crue, elles ont parfaitement la substance, la figure, la couleur, & la grandeur du griottier des vergers, que les botanistes nomment cerasus hortensis, fructu acido ; mais lorsqu’elles sont tendres, qui est le tems qu’on les cueille, elles approchent davantage des feuilles de ce qu’on appelle eronymus vulgaris fructu acido, excepté pour la couleur.
Ces feuilles, d’un petit commencement deviennent à-peu-près rondes, puis s’élargissent davantage, & enfin elles finissent en une pointe piquante ; quelques-unes sont de figure ovale, un peu pliées, ondées irrégulierement sur la longueur, enfoncées au milieu, & ayant les extrémités recourbées vers le dos ; elles sont unies des deux côtés, d’un verd sale & obscur, un peu plus clair sur le derriere, où les nerfs étant assez élevés, forment tout autant de sillons du côté opposé.
Elles sont dentelées ; la denture est un peu recourbée, dure, obtuse, & fort pressée, mais les pointes sont de différentes grandeurs ; elles sont traversées au milieu par un nerf fort remarquable, auquel répond du côté opposé un profond sillon, il se partage de chaque côté en six ou sept côtes de différentes longueurs, courbées sur le derriere ; près du bord des feuilles, de petites veines s’étendent entre les côtes traversieres.
Les feuilles, lorsqu’elles sont fraîches, n’ont aucune senteur, & ne sont pas absolument aussi désagréables au goût que l’écorce, quoiqu’elles soient astringentes, & tirant sur l’amer ; elles different beaucoup les unes des autres en substance, en grandeur, & en figure ; ce qui se doit attribuer à leur âge, à leur situation, & à la nature du terroir où l’arbrisseau est planté : de-là vient qu’on ne peut juger de leur grandeur, ni de leur figure, lorsqu’elles sont séchées & portées en Europe. Elles affecteroient la tête si on les prenoit fraîches, parce qu’elles ont quelque chose de narcotique qui attaque les nerfs, & leur cause un tremblement convulsif ; cette mauvaise qualité se perd quand elles sont séchées.
En automne, les branches de cet arbrisseau sont entourées d’un grand nombre de fleurs, qui continuent de croître pendant l’hiver ; elles sortent une à une, ou deux à deux des aîles des feuilles, & ne ressemblent pas mal aux roses sauvages ; elles ont un pouce ou un peu plus de diametre, & sont composées de six pétales, ou feuilles, dont une ou deux se retirent, & n’approchent pas de la grandeur & de la beauté des autres ; ces pétales, ou feuilles, sont rondes & creuses, & tiennent à des pédicules de demi-pouce de long, qui d’un commencement petit & délicat, deviennent insensiblement plus grands ; leur extrémité se termine en un nombre incertain, ordinairement de cinq ou six enveloppes, petites & rondes, qui tiennent lieu de calice à la fleur.
Ces fleurs sont d’un goût désagréable, tirant sur l’amer : on voit au fond de la fleur un grand nombre d’étamines blanches, extrèmement petites, comme dans les roses ; le bout en est jaune, & ne ressemble pas mal à un cœur. Kæmpfer nous assure qu’il a compté deux cens trente de ces étamines dans une seule fleur.
Aux fleurs succédent les fruits en grande abondance ; ils sont d’une, de deux, & plus communément de trois coques, semblables à celles qui contiennent la semence du riem, composées de trois autres coques rondes, de la grosseur des prunes sauvages qui croissent ensemble à une queue commune, comme à un centre, mais distinguées par trois divisions assez profondes.
Chaque coque contient une gousse, une noisette, & la graine ; la gousse est verte, tirant sur le noir lorsqu’elle est mûre ; elle est d’une substance grasse, membraneuse, & un peu ligneuse, s’entr’ouvrant au-dessus de sa surface, après qu’elle a demeuré une année sur l’arbrisseau, & laissant voir la noisette qui y est renfermée ; cette noisette est presque ronde, si ce n’est du côté où les trois coques se joignent, elle est un peu comprimée ; elle a une écaille mince, un peu dure, polie, de couleur de chataigne, qui étant cassée fait voir un pepin rougeâtre, d’une substance ferme comme celle des avelines, d’un goût douceâtre, assez désagréable au commencement, devenant dans la suite plus amer, comme le fruit du noyau de cerise ; ces pepins contiennent beaucoup d’huile, & rancissent fort aisément, ce qui fait qu’à peine deux entre dix germent lorsqu’ils sont semés. Les Japonois ne font aucun usage ni des fleurs ni des pepins.
Ce n’est pas une chose fort aisée que la récolte du thé : voici de quelle façon elle se fait au Japon. On trouve pour ce travail des ouvriers à la journée, qui n’ont point d’autres métiers ; les feuilles ne doivent point être arrachées à pleines mains, il les faut tirer avec beaucoup de précaution une à une, & quand on n’y est pas stylé, on n’avance pas beaucoup en un jour : on ne les cueille pas toutes en même tems, ordinairement la récolte se fait à deux fois, assez souvent à trois ; dans ce dernier cas, la premiere récolte se fait vers la fin du premier mois de l’année japonoise, c’est-à-dire les premiers jours de Mars ; les feuilles alors n’ont que deux ou trois jours, elles sont en petit nombre, fort tendres, & à peine déployées ; ce sont les plus estimées, & les plus rares ; il n’y a que les princes & les personnes aisées qui puissent en acheter, & c’est pour cette raison qu’on leur donne le nom de thé impérial : on l’appelle aussi fleur de thé.
Le thé impérial, quand il a toute sa préparation, s’appelle ticki tsjaa, c’est-à-dire thé moulu, parce qu’on le prend en poudre dans de l’eau chaude : on lui donne aussi le nom d’udsi tsjaa, & de tacke sacki tsjaa, de quelques endroits particuliers, où il croît ; le plus estimé en Japon, est celui d’Udsi, petite ville assez proche de Méaco. On prétend que le climat y est le plus favorable de tous à cette plante.
Tout le thé qui sert à la cour de l’empereur & dans la famille impériale, doit être cueilli sur une montagne qui est proche de cette ville ; aussi n’est-il pas concevable avec quel soin & quelle précaution on le cultive : un fossé large & profond environne le plan, les arbrisseaux y sont disposés en allées, qu’on ne manque pas un seul jour de balayer : on porte l’attention jusqu’à empêcher qu’aucune ordure ne tombe sur les feuilles ; & lorsque la saison de les cueillir approche, ceux qui doivent y être employés, s’abstiennent de manger du poisson, & de toute autre viande qui n’est pas nette, de peur que leur haleine ne corrompe les feuilles ; outre cela, tant que la récolte dure, il faut qu’ils se lavent deux ou trois fois par jour dans un bain chaud, & dans la riviere ; & malgré tant de précautions pour se tenir propre, il n’est pas permis de toucher les feuilles avec les mains nues, il faut avoir des gants.
Le principal pourvoyeur de la cour impériale pour le thé, a l’inspection sur cette montagne, qui forme un très-beau point de vue ; il y entretient des commis pour veiller à la culture de l’arbrisseau, à la récolte, & à la préparation des feuilles ; & pour empêcher que les bêtes & les hommes ne passent le fossé qui environne la montagne ; pour cette raison on a soin de le border en plusieurs endroits d’une forte haie.
Les feuilles ainsi cueillies & préparées de la maniere que nous dirons bientôt, sont mises dans des sacs de papier, qu’on renferme ensuite dans des pots de terre ou de porcelaine, & pour mieux conserver ces feuilles délicates, on acheve de remplir les pots avec du thé commun. Le tout ainsi bien empaqueté, est envoyé à la cour sous bonne & sûre garde, avec une nombreuse suite. De-là vient le prix exorbitant de ce thé impérial ; car en comptant tous les frais de la culture, de la récolte, de la préparation, & de l’envoi, un kin monte a 30 ou 40 thaels, c’est-à-dire à 42 ou 46 écus, ou onces d’argent.
Le thé des feuilles de la seconde espece, s’appelle, dit Kæmpfer, tootsjaa, c’est-à-dire thé chinois, parce qu’on le prépare à la maniere des Chinois. Ceux qui tiennent des cabarets à thé, ou qui vendent le thé en feuilles, sous-divisent cette espece en quatre autres, qui different en bonté & en prix ; celles de la quatrieme sont ramassées pêle-mêle, sans avoir égard à leur bonté, ni à leur grandeur, dans le tems qu’on croit que chaque jeune branche en porte dix ou quinze au plus ; c’est de celui-là que boit le commun peuple. Il est à observer que les feuilles, tout le tems qu’elles demeurent sur l’arbrisseau, sont sujettes à de prompts changemens, eû égard à leur grandeur & à leur bonté, de sorte que si on néglige de les cueillir à propos, elles peuvent perdre beaucoup de leur vertu en une seule nuit.
On appelle ban-tsjaa, celles de la troisieme espece ; & comme elles sont pour la plûpart fortes & grosses, elles ne peuvent être préparées à la maniere des Chinois, c’est-à-dire séchées sur des poëles & frisées ; mais comme elles sont abandonnées aux petites gens, il n’importe de quelle maniere on les prépare.
Dès que les feuilles de thé sont cueillies, on les étend dans une platine de fer qui est sur du feu, & lorsqu’elles sont bien chaudes, on les roule avec la paume de la main, sur une natte rouge très-fine, jusqu’à ce qu’elles soient toutes frisées ; le feu leur ôte cette qualité narcotique & maligne dont j’ai parlé, & qui pourroit offenser la tête ; on les roule encore pour les mieux conserver, & afin qu’elles tiennent moins de place ; mais il faut leur donner ces façons sur le champ, parce que si on les gardoit seulement une nuit, elles se noirciroient & perdroient beaucoup de leur vertu : on doit aussi éviter de les laisser long-tems en monceaux, elles s’échaufferoient d’abord & se corromproient. On dit qu’à la Chine, on commence par jetter les feuilles de la premiere récolte dans l’eau chaude, où on les tient l’espace d’une demi-minute, & que cela sert à les dépouiller plus aisément de leur qualité narcotique.
Ce qui est certain, c’est que cette premiere préparation demande un très-grand soin : on fait chauffer d’abord la platine dans une espece de four, où il n’y a qu’un feu très moderé ; quand elle a le degré convenable de chaleur, on jette dedans quelques livres de feuilles que l’on remue sans cesse ; quand elles sont si chaudes que l’ouvrier a peine à y tenir la main, il les retire & les répand sur une autre platine pour y être roulées.
Cette seconde opération lui coûte beaucoup, il sort de ces feuilles roties un jus de couleur jaune, tirant sur le verd, qui lui brûle les mains, & malgré la douleur qu’il sent, il faut qu’il continue ce travail jusqu’à ce que les feuilles soient refroidies, parce que la frisure ne tiendroit point si les feuïlles n’étoient pas chaudes, de sorte qu’il est même obligé de les remettre deux ou trois fois sur le feu.
Il y a des gens délicats qui les y font remettre jusqu’à sept fois, mais en diminuant toujours par degrés la force du feu, précaution nécessaire pour conserver aux feuilles une couleur vive, qui fait une partie de leur prix. Il ne faut pas manquer aussi de laver à chaque fois la platine avec de l’eau chaude, parce que le suc qui est exprimé des feuilles, s’attache à ses bords, & que les feuilles pourroient s’en imbiber de nouveau.
Les feuilles ainsi frisées, sont jettées sur le plancher, qui est couvert d’une natte, & on sépare celles qui ne sont pas si bien frisées, ou qui sont trop roties ; les feuilles de thé impérial doivent être roties à un plus grand degré de sécheresse, pour être plus aisément moulues & réduites en poudre ; mais quelques unes de ces feuilles sont si jeunes & si tendres, qu’on les met d’abord dans l’eau chaude, ensuite sur un papier épais, puis on les fait sécher sur les charbons sans être roulées, à cause de leur extrême petitesse. Les gens de la campagne ont une méthode plus courte, & y font bien moins de façons ; ils se contentent de rotir les feuilles dans des chaudieres de terre, sans autre préparation ; leur thé n’en est pas moins estimé des connoisseurs, & il est beaucoup moins cher.
C’est par tout pays que les façons même les plus inutiles font presque tout le prix des choses, parmi ceux qui n’ont rien pour se distinguer du public que la dépense. Il paroît même que ce thé commun doit avoir plus de force que le thé impérial, lequel après avoir été gardé pendant quelques mois, est encore remis sur le feu pour lui ôter, dit-on, une certaine humidité qu’il pourroit avoir contractée dans la saison des pluies ; mais on prétend qu’après cela il peut être gardé long-tems, pourvû qu’on ne lui laisse point prendre l’air ; car l’air chaud du Japon en dissiperoit aisément les sels volatils, qui sont d’une grande subtilité. En effet tout le monde convient que ce thé, & à proportion tous les autres, les ont presque tous perdus quand ils arrivent en Europe, quelque soin qu’on prenne de les tenir bien enfermés. Kæmpfer assure qu’il n’y a jamais trouvé hors du Japon, ni ce goût agréable, ni cette vertu modérément rafraîchissante qu’on y admire dans le pays.
Les Japonois tiennent leurs provisions de thé commun dans de grands pots de terre, dont l’ouverture est fort étroite. Le thé impérial se conserve ordinairement dans des vases de porcelaine, & particulierement dans ceux qui sont très-anciens, & d’un fort grand prix. On croit communément que ces derniers non-seulement conservent le thé, mais qu’ils en augmentent la vertu.
L’arbrisseau de la Chine qui porte le thé differe peu de celui du Japon ; il s’éleve à la hauteur de trois, de quatre ou de cinq piés tout-au-plus ; il est touffu & garni de quantité de rameaux. Ses feuilles sont d’un verd foncé, pointues, longues d’un pouce, larges de cinq lignes, dentelées à leur bord en maniere de scie ; ses fleurs sont en grand nombre, semblables à celles du rosier sauvage, composées de six pétales blanchâtres ou pâles, portées sur un calice partagé en six petits quartiers ou petites feuilles rondes, obtuses, & qui ne tombent pas. Le centre de ces fleurs est occupé par un nombreux amas d’étamines, environ deux cens, jaunâtres. Le pistil se change en un fruit sphérique tantôt à trois angles & à trois capsules, souvent à une seule. Chaque capsule renferme une graine qui ressemble à une aveline par sa figure & sa grosseur, couverte d’une coque mince, lisse, roussâtre, excepté la base qui est blanchâtre. Cette graine contient une amande blanchâtre, huileuse, couverte d’une pellicule mince & grise, d’un goût douçâtre d’abord, mais ensuite amer, excitant des envies de vomir, & enfin brûlant & fort desséchant. Ses racines sont minces, fibreuses & répandues sur la surface de la terre. On cultive beaucoup cette plante à la Chine ; elle se plaît dans les plaines tempérées & exposées au soleil, & non dans des terres sablonneuses ou trop grasses.
On apporte beaucoup de soin & d’attention pour le thé de l’empereur de la Chine, comme pour celui de l’empereur du Japon, on fait un choix scrupuleux de ses feuilles dans la saison convenable. On cueille les premieres qui paroissent au sommet des plus tendres rameaux ; les autres feuilles sont d’un prix médiocre. On les seche toutes à l’ombre, & on les garde sous le nom de thé impérial ; parmi ces feuilles, on sépare encore celles qui sont plus petites de celles qui sont plus grandes ; car le prix varie selon la grandeur des feuilles, plus elles sont grandes, plus elles sont cheres.
Le thé roux, que l’on appelle thé bohéa, est celui qui a été plus froissé & plus rôti : c’est de-là que vient la diversité de la couleur & du goût.
Les Chinois, dont nous suivons la méthode, versent de l’eau bouillante sur les feuilles entieres de thé que l’on a mises dans un vaisseau destiné à cet usage, & ils en tirent la teinture ; ils y mêlent un peu d’eau claire pour en tempérer l’amertume & la rendre plus agréable, ils la boivent chaude. Le plus souvent en bûvant cette teinture, ils tiennent du sucre dans leur bouche, ce que font rarement les Japonois ; ensuite ils versent de l’eau une seconde fois, & ils en tirent une nouvelle teinture qui est plus foible que la premiere ; après cela ils jettent les feuilles.
Les Chinois & les Japonois attribuent au thé des vertus merveilleuses, comme il arrive à tous ceux qui ont éprouvé quelque soulagement ou quelque avantage d’un remede agréable ; il est du-moins sûr que dans nos pays, si l’on reçoit quelque utilité de cette boisson, on doit principalement la rapporter à l’eau chaude. Les parties volatiles du thé qui y sont répandues, peuvent encore contribuer à atténuer & résoudre la lymphe quand elle est trop épaisse, & à exciter davantage la transpiration ; mais en même tems l’usage immodéré de cette feuille infusée perpétuellement dans de l’eau chaude, relâche les fibres, affoiblit l’estomac, attaque les nerfs, & en produit le tremblement ; de sorte que le meilleur, pour la conservation de la santé, est d’en user en qualité de remede, & non de boisson agréable, parce qu’il est ensuite très-difficile de s’en priver. Il faut bien que cette difficulté soit grande, puisqu’il se débite actuellement en Europe par les diverses compagnies environ huit à dix millions de livres de thé par an, tant la consommation de cette feuille étrangere est considérable. (Le chevalier de Jaucourt.)
Thé des Antilles, (Botan.) plante de deux ou trois piés de hauteur extrèmement commune dans toutes les îles Antilles ; elle croît abondamment entre les fentes des rochers, sur les vieilles murailles, dans les savanes, sur les chemins, enfin par-tout ; ses branches sont chargées de petites feuilles d’un verd foncé, longues, étroites, terminées en pointe & dentelées sur les bords, comme celles du thé de la Chine ; à quoi cependant cette plante n’a aucun autre rapport, malgré l’opinion du R. P. Labat jacobin, qui, faute de connoissances en histoire naturelle, s’est fréquemment trompé dans ses décisions. Le prétendu thé des îles n’est d’aucun usage universellement connu dans le pays, on l’arrache comme une mauvaise herbe nuisible dans les savanes & dans les jardins. Article de M. le Romain.