L’Encyclopédie/1re édition/TERRASSE

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TERRASSE, s. f. (Art milit.) c’étoit dans les sieges des anciens, un épaulement environnant sur le bord du fossé, tout semblable à nos tranchées, où les archers & les frondeurs tiroient à couvert & sans cesse contre les défenses de la ville, pendant qu’on insultoit de toutes parts. Les terrasses servoient aussi de contrevallation pour brider, & resserrer de plus près ceux de la place. On appelloit aussi terrasse, un cavalier élevé fort haut pour dominer les murs d’une ville.

On commençoit la terrasse sur le bord du fossé, ou du-moins fort près, & elle formoit un quarré long. On la formoit à la faveur des mantelets, qu’on élevoit fort haut, derriere lesquels les soldats travailloient à couvert des machines des assiégés. Les terrasses qu’Alexandre fit élever aux sieges du roc de Coriénez & d’Aorne, & celle de Massada, dont Josephe donne la description, sont fameuses dans l’histoire.

Terrasse se prend aussi pour le comblement du fossé des places assiegées ; mais on ne doit pas confondre ces sortes de terrasses, avec les cavaliers ou terrasses élevées sur le bord du fossé pour dominer les murailles, & voir ce qui se passoit sur le parapet. Les traducteurs & les commentateurs tombent souvent dans cette erreur. Il est aisé de distinguer les terrasses considerées comme comblement, & les terrasses considerées comme cavaliers ; car lorsqu’on s’apperçoit qu’il y a de beliers sur la terrasse, il ne faut pas douter que l’auteur ne veuille parler du comblement de fossé ; s’il paroit que ces beliers sont sur un cavalier, il faut décider que l’historien est un ignorant qui ne sait ce que c’est que la guerre. Polybe, commenté par Folard, tom. II. (D. J.)

Terrasse, (Jardin.) ouvrage de terre élevé & revêtu d’une forte muraille, pour raccorder l’inégalité du terrein. La maçonnerie n’est pas cependant toujours nécessaire pour faire une terrasse. Quand la terre est forte, on se contente de faire des taluds & des glacis, qu’on coupe à chaque extrémité. On laisse une pente douce sur la terrasse, pour l’écoulement des eaux, d’environ un pouce & demi par toise, selon la grandeur de la terrasse ; & cette pente se prend toujours sur sa longueur. On orne les terrasses d’arbrisseaux, d’ifs & de charmilles à hauteur d’appui, avec des vases, des caisses & des pots de fleurs, posés sur des dés de pierre. Les figures & les fontaines contribuent encore beaucoup à leur décoration. Malgré ces ornemens, les terrasses n’embélissent pas beaucoup un jardin ; aussi en doit-on faire le moins qu’on peut, & les éloigner toujours les unes des autres. Voyez des modeles de terrasse dans la théorie & la pratique du jardinage.

On appelle contre-terrasse, une terrasse élevée au-dessus d’une autre, pour quelque raccordement de terrein, ou élévation de parterre. (D. J.)

Terrasse. (Joaillerie.) ce terme se dit en style d’ouvriers lapidaires, de quelques parties dans une pierre précieuse qui ne peuvent souffrir le poliment.

Terrasse, (Peint.) on appelle terrasse en Peinture, un espace de terre qu’on place d’ordinaire sur le devant du tableau. Les terrasses doivent être spacieuses & bien ouvertes ; on peut y représenter quelque verdure, ou même des cailloutages qui s’y trouvent comme par accident. (D. J.)

Terrasse, (Sculpt.) c’est le dessus de la plinthe en pente sur le devant, où on pose une figure, une statue, un grouppe, &c. (D. J.)

Terrasse, terme de Tireur d’or, c’est une espece de vaisseau, fait en forme de cuvette un peu longue, formé de brique ou de pavé de grais, avec de hauts rebords, dans lequel ces ouvriers font chauffer le gros fil d’argent qu’ils veulent dorer, avant de le passer aux filieres. Savary. (D. J.)

Terrasse de bâtiment, (Archit.) c’est la couverture d’un bâtiment, en plate-forme. On la fait de plomb, ou de dales de pierre. Telles sont les terrasses du péristile du Louvre & de l’observatoire. Celle-ci est pavée de pierres à fusil, à bain de mortier de ciment & de chaux. (D. J.)

Terrasse de marbre, (Archit.) c’est un tendre, c’est-à-dire un défaut dans les marbres, qu’on appelle bouzin dans les pierres. On corrige ce défaut avec de petits éclats, & de la poudre du même marbre, mêlée avec du mastic de pareille couleur. (D. J.)