L’Encyclopédie/1re édition/TEPHRAMANCIE ou SPODOMANCIE
TEPHRAMANCIE ou SPODOMANCIE, (Div.) du grec τέφρα & σποδὸς qui signifient également de la cendre, & de μαντεία divination, espece de divination dans laquelle on se servoit de la cendre du feu, qui, dans les sacrifices avoit consumé les victimes : on la pratiquoit sur-tout, sur l’autel d’Apollon Ismenien ; c’est peut-être ce qui a fait donner à Sophocle dans sa tragédie d’Œdipe roi, le nom de devineresse à la cendre μαντεία σποδός. Delrio dit que de son tems on avoit encore en quelques endroits la superstition d’écrire sur de la cendre le nom de la chose qu’on prétendoit savoir ; qu’on exposoit ensuite cette cendre à l’air, & que selon que le vent effaçoit les lettres en enlevant la cendre ou les laissoit en leur entier, on auguroit bien ou mal pour ce qu’on vouloit entreprendre. Delrio, Disquisit. magic. lib. IV. cap. ij. quæst. vij. sect. 1. pag. 552.
On prétend que tous les Algonquins & les Abenaquis, peuples sauvages de l’Amérique septentrionale, pratiquoient autrefois une espece de tephramancie ou pyromancie dont voici tout le mystere. Ils réduisoient en poudre très-fine du charbon de bois de cèdre ; ils disposoient cette poudre à leur maniere, puis y mettoient le feu ; & par le tour que prenoit le feu en courant sur cette poudre, ils connoissoient, disoient-ils, ce qu’ils cherchoient. On ajoute que les Abenaquis, en se convertissant au christianisme, ont eu bien de la peine à renoncer à un usage qu’ils regardoient comme un moyen très-innocent de connoître ce qui se passoit loin de chez eux. Journal d’un voyage d’Amérique, par le P. Charlevoix, lettre xxv. page 363.