L’Encyclopédie/1re édition/TAURESIUM
TAURESIUM, (Géog. anc.) ville de la Dardanie européenne, au-delà du territoire de Duras, proche du fort de Bédériane, selon Procop. Ædit. l. IV. c. j. C’est de cette ville, ajoute-t-il, d’où Justinien, le réparateur de l’empire, a tiré sa naissance. Il la fit clore d’une muraille en quarré, éleva quatre tours aux quatre coins, & fonda tout proche une autre ville, qu’il nomma la premiere Justiniene. Tauresium est donc la patrie de Justinien ; & voici le tableau de son regne, par l’auteur de la grandeur & de la décadence des Romains.
Quoique Bélisaire eût envahi l’Afrique, repris Carthage, Rome & Ravenne sur les ennemis, la mauvaise conduite de l’empereur, ses profusions, ses vexations, ses rapines, sa fureur de bâtir, de changer, de réformer, son inconstance dans ses desseins, un regne dur & foible devenu plus incommode par une longue vieillesse, furent des malheurs réels, mêlés à des succès inutiles & une gloire vaine.
Les conquêtes de Bélisaire qui avoient pour cause non la force de l’empire, mais de certaines circonstances particulieres, perdirent tout. Pendant qu’on y occupoit les armées, de nouveaux peuples passerent le Danube, désolerent l’Illyrie, la Macédoine & la Grece ; & les Perses, dans quatre invasions, firent à l’Orient des plaies incurables. Plus ces conquêtes furent rapides, moins elles eurent un établissement solide ; l’Italie & l’Afrique furent à peine conquises, qu’il fallut les reconquérir.
Justinien avoit pris sur le théatre une femme qui s’y étoit long-tems prostituée : elle le gouverna avec un empire qui n’a point d’exemple dans les histoires ; & mettant sans cesse dans les affaires les passions & les fantaisies de son sexe, elle corrompit les victoires & les succès les plus heureux.
Le gouvernement de ce prince n’étoit pas seulement peu sensé, mais cruel. Justinien non-content de faire à ses sujets une injustice générale en les accablant d’impôts excessifs, les désoloit par toutes sortes de tyrannies dans leurs affaires particulieres.
Enfin ce qui mit le comble à l’injustice de son gouvernement, c’est d’avoir détruit par l’épée ou par ses lois les sectes qui ne dominoient pas, c’est-à-dire des nations entieres. Quant aux forts qu’il fit bâtir, dont la liste couvre des pages dans Procope, ce ne sont que des monumens de la foiblesse de l’empire sous le regne de ce prince. Il mourut l’an 566 de Jesus-Christ à 84 ans, après en avoir regné 38. (D. J.)