L’Encyclopédie/1re édition/TARGUM

TARGUM, (Critique sacrée.) c’est une paraphrase chaldaïque.

Les targums ou paraphrases chaldaïques sont des versions du vieux Testament, faites sur l’original, & écrites en chaldéen, qu’on parloit dans toute l’Assyrie, la Babylonie, la Mésopotamie, la Syrie & la Palestine. On se sert encore de cette langue dans les églises nestoriennes & maronites, comme on fait du latin dans celles des catholiques romains en Occident. Le mot targum ne veut dire autre chose que version en général ; mais parmi les Juifs ce terme est consacré, & marque toujours les versions chaldaïques, dont j’ai promis de parler avec recherche ; je vais remplir ma parole.

Ces versions furent faites à l’usage & pour l’instruction des juifs du commun, après le retour de la captivité de Babylone ; car quoique plusieurs des personnes de distinction eussent entretenu l’hébreu pendant cette captivité, & l’eussent enseigné à leurs enfans ; & que les livres de la sainte Ecriture qui furent écrits depuis ce retour, excepté quelques endroits de Daniel & d’Esdras, & le vers. 11. du x. ch. de Jérémie, fussent encore écrits dans cette langue : cependant le peuple en général à force de converser avec les Babyloniens, avoit appris leur langue, & oublié la sienne propre. Il arriva de-là que quand Esdras lut la loi au peuple (Néhém. viij. v. 4. 8.) il lui fallut plusieurs personnes, qui sachant bien les deux langues, expliquassent au peuple en chaldaïque ce qu’il leur lisoit en hébreu. Dans la suite, quand on eut partagé la loi en cinquante-quatre sections, & que l’usage se fut établi d’en lire une toutes les semaines dans les synagogues, on employa la même méthode de lire d’abord le texte en hébreu, & d’en donner immédiatement après l’explication ou la traduction en chaldaique. Dès que le lecteur avoit lu un verset en hébreu, un interprete, qui étoit auprès de lui, le mettoit en chaldaïque : & donnoit ainsi de verset en verset toute la traduction de la section au peuple.

Voilà ce qui fit faire les premieres traductions chaldaïques, afin que ces interpretes les eussent toutes prêtes. Et non-seulement on les trouva nécessaires pour les assemblées publiques dans les synagogues, mais très-commodes pour les familles, afin d’y avoir l’Ecriture dans une langue que le peuple entendît.

On ne fit d’abord des targums ou paraphrases chaldaïques que pour la loi, parce qu’on ne lisoit d’abord que la loi, ou les cinq livres de Moïse dans les synagogues ; ce qui dura jusqu’à la persécution d’Antiochus Epiphanes. Comme dans ce tems-là on commença à lire dans les synagogues les prophetes, il fallut nécessairement en faire des versions, tant pour l’usage public que pour celui des particuliers ; car puisque l’Ecriture est donnée aux hommes pour leur édification, il faut que les hommes l’aient dans une langue qu’ils entendent. De-là vient qu’à la fin toute l’Ecriture fut traduite en chaldaïque.

Cet ouvrage fut entrepris par différentes personnes & à diverses reprises par quelques-uns même dans des vues différentes ; car les unes furent faites comme des versions pures & simples, pour l’usage des synagogues ; & les autres, comme des paraphrases & des commentaires, pour l’instruction particuliere du peuple ; tout cela fit qu’il se trouva quantité de ces targums assez différens les uns des autres ; de même il se rencontra de la différence entre les versions de l’Ecriture, qui se firent en grec dans la suite, parce que les auteurs de ces versions se proposoient chacun un différent but, comme l’octaple d’Origene le montroit suffisamment. Sans doute qu’il y avoit aussi autrefois un bien plus grand nombre de ces targums, dont la plûpart se sont perdus, & dont il n’est pas même fait mention aujourd’hui. On ne sait pas s’il y en a eu quelqu’un de complet, ou qui ait été fait sur tout le vieux Testament par la même personne ; mais pour ceux qui nous restent, ils sont de différentes mains ; l’un sur une partie, & l’autre sur une autre.

Il y en a huit, 1°. celui d’Onkelos, sur les cinq livres de Moïse ; 2°. Jonathan Ben-Uzziel, sur les prophetes, c’est-à-dire, sur Josué, les Juges, Samuel, les Rois, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, & les xij. petits prophetes ; 3°. un autre sur la loi, attribué au même Jonathan Ben-Uzziel ; 4°. le targum de Jérusalem, aussi sur la loi ; 5°. le targum sur les cinq petits livres appellés megillotth ; c’est-à-dire, sur Ruth, Esther, l’Ecclésiaste, le cantique de Salomon & les lamentations de Jérémie ; 6°. le second targum sur Esther ; 7°. le targum de Joseph le borgne, sur Job, les pseaumes & les proverbes ; enfin, 8°. le targum sur les deux livres des chroniques.

Sur Esdras, Néhémie & Daniel, il n’y a point de targum. La raison qu’on en donne ordinairement, c’est qu’une grande partie de ces livres est déja en chaldaïque dans l’original, & n’a point par conséquent besoin de version chaldaïque. Et cela est vrai des livres de Daniel & d’Esdras ; mais il ne l’est pas de celui de Néhémie. Sans doute qu’autrefois il y avoit des versions de l’hébreu de ces livres, qui aujourd’hui sont perdues. On a cru long-tems qu’il n’y avoit point de targum sur les chroniques non-plus ; parce qu’on ne le connoissoit pas, jusqu’à ce que Beckius en a publié un à Augsbourg ; celui du premier livre, l’an 1680, & le targum du second, l’an 1683.

Comme le targum d’Onkélos est le premier en rang, parce qu’il est sur le pentateuque ; je crois que c’est aussi le premier composé, & le plus ancien de tous ceux qui sont parvenus jusqu’à nous. Le style de ce targum prouve aussi son antiquité ; car il approche le plus de tous de la pureté du chaldaïque de Daniel & d’Esdras, qui est ce que nous avons de plus ancien dans cette langue.

Le targum d’Onkélos est plutôt une version qu’une paraphrase ; en effet, il suit son original mot-à-mot, & le rend pour l’ordinaire fort exactement. C’est sans comparaison le meilleur ouvrage de cette espece. Aussi les juifs l’ont-ils toujours préféré de beaucoup à tous les autres ; & ont-ils pris la peine d’y mettre les mêmes notes de musique, qui sont à l’original hébreu ; de sorte qu’il se peut lire avec une espece de chant dans leurs synagogues, en même tems que l’original, & sur le même air, si cette espece de chant se peut appeller air. Elias le lévite nous apprend qu’on l’y lisoit alternativement avec le texte hébreu, de la maniere dont j’ai dit ci-dessus que cela se pratiquoit. Il faut remarquer que cet auteur est de tous les écrivains juifs qui ont traité de cette matiere, celui qui en parle le plus pertinemment. Au reste l’excellence & l’exactitude du targum d’Onkélos nous font juger que cet Onkélos étoit juif. Il ne falloit pas moins pour réussir, comme il a fait dans un ouvrage si pénible, qu’un homme élevé dès l’enfance dans la religion & dans la théologie des juifs, & long-tems exercé dans leurs cérémonies & leurs dogmes, & qui possédât aussi parfaitement l’hébreu & le chaldéen, que cela étoit possible à un juif de naissance.

Le targum qui suit celui d’Onkélos, est de Jonathan Ben-Uzziel sur les prophetes. C’est celui qui approche le plus du premier pour la pureté du style : mais il n’est pas fait sur le même plan ; car au lieu que le targum d’Onkélos est une version exacte qui rend l’hébreu mot-à-mot, Jonathan prend la liberté de paraphraser, d’étendre & d’ajouter tantôt une histoire & tantôt une glose, qui ne font pas toujours beaucoup d’honneur à l’ouvrage ; en particulier son travail sur les derniers prophetes est encore moins clair, plus négligé & moins littéral que ce qu’il a fait sur les premiers. On appelle premiers prophetes le livre de Josué, les Juges, Samuël & les Rois ; & derniers prophetes Isaïe, Jérémie, Ezéchiel & les xij. petits prophetes.

Le troisieme targum, dans l’ordre où je l’ai placé, est celui qu’on attribue au même Jonathan Ben-Uzziel sur la loi ; mais le style de cet ouvrage prouve clairement qu’il n’est pas de lui ; car il est fort différent de celui de son véritable targum sur les prophetes que tout le monde lui donne ; & pour s’en convaincre, il n’y a qu’à comparer l’un avec l’autre avec un peu d’attention. Outre cela cette paraphrase s’étend bien davantage ; & est encore plus chargée de gloses, de fables, de longues explications, & d’autres additions, que n’est celle de Jonathan sur les prophetes. Mais ce qui prouve clairement que cette paraphrase est plus moderne, c’est qu’il est parlé de diverses choses dans ce targum, qui n’existoient pas encore du tems de Jonathan, ou qui n’avoient du moins pas encore le nom qui leur est donné dans ce targum. Par exemple, on y voit les six ordres ou livres de la Misna, près de deux cens ans avant qu’elle fût composée par R. Judah. On y trouve aussi Constantinople & la Lombardie, dont les noms ne sont nés que plusieurs siecles après Jonathan.

On ne sait pas qui est le véritable auteur de ce targum, ni quand il a été composé. Il faut qu’il ait été long-tems dans l’obscurité parmi les juifs eux-mêmes ; car Elias le lévite, qui a fait le traité le plus étendu sur les paraphrases chaldaïques, ne l’a point connu ; puisqu’il parle de tous les autres, sans dire un seul mot de celui-ci ; & jamais on n’en avoit oui parler avant qu’il parût imprimé à Venise, il y a environ deux siecles. Apparemment qu’on n’y mit le nom de Jonathan que pour lui donner du relief, & faire que l’ouvrage se débitât mieux.

Le quatrieme targum est aussi sur la loi, & écrit par un inconnu ; personne ne sait ni qui en est l’auteur, ni quand il a été composé. On l’appelle le targum de Jérusalem ; apparemment par la même raison qui a fait donner ce nom à un des talmuds ; c’est-à-dire, parce que c’est le dialecte de Jérusalem, car le chaldéen ou la langue d’Assyrie avoit trois dialectes. Le premier étoit celui de Babylone, la capitale de l’empire d’Assyrie. Le second dialecte est celui de Comagene ou d’Antioche, qu’on parloit dans toute l’Assyrie ; c’étoit dans ce dialecte qu’étoient écrites les versions de l’Ecriture & les liturgies des chrétiens de Syrie & d’Assyrie d’autrefois, & de ceux d’aujourd’hui-même ; sur-tout des Maronites, qui demeurent sur le Mont-Liban, où le syriaque est encore la langue vulgaire du pays. Le troisieme de ces dialectes est celui de Jérusalem, ou celui que parloient les juifs à leur retour de la captivité. Celui de Babylone & celui de Jérusalem s’écrivoient avec les mêmes caracteres : mais les caracteres d’Antioche étoient différens ; & ce sont ceux que nous appellons syriaques.

Ce targum de Jérusalem n’est pas au reste une paraphrase suivie, comme le sont tous les autres. Elle n’est que sur quelques passages détachés, que l’auteur a cru avoir plus besoin d’explication que les autres. Tantôt il ne prend qu’un verset, ou même une partie de ce verset ; tantôt il en paraphrase plusieurs à la fois ; quelquefois il saute des chapitres entiers ; quelquefois il copie mot à mot le targum qui porte le nom de Jonatham sur la loi ; ce qui a fait croire à Drusius, que c’étoit le même targum.

Le cinquieme targum, est la paraphrase sur les livres qu’on appelle mégilloth : le sixieme, est la seconde paraphrase sur Esther : & le septieme, est la paraphrase sur Job, les Pseaumes & les Proverbes. Ces trois targums sont du style le plus corrompu du dialecte de Jérusalem. On ne nomme point les auteurs des deux premiers ; mais on prétend que pour le troisieme, il a été composé par Joseph le borgne, sans nous apprendre pourtant quand a vécu ce Joseph, ni quel homme c’étoit. Quelques juifs même assurent, que l’auteur de celui-ci est tout aussi peu connu que le sont ceux des deux précédens. Le second targum sur Esther est une fois aussi long que le premier, & semble avoir été écrit le dernier de tous ceux-ci, à en juger par la barbarie du style. Celui qui est sur le mégilloth, dont le premier sur Esther fait partie, parle de la misna & du talmud, avec l’explication. Si par-là il entend le talmud de Babylone, comme il n’y a pas lieu d’en douter, ce targum est écrit depuis le talmud dont il parle, c’est-à-dire, depuis l’an 500, qui est la plus grande antiquité qu’on puisse donner à la compilation du talmud de Babylone.

Le huitieme & dernier de ces targums, dans l’ordre où nous les avons mis, est celui qui est sur deux livres des chroniques ; & c’est celui qui a paru le dernier : car il n’étoit point connu jusqu’en l’an 1680, que Beckius en publia la premiere partie à Augsbourg sur un vieux manuscrit, & trois ans après la seconde. Jusques-là tous ceux qui avoient parlé des paraphrases chaldaïques, avoient insinué qu’il n’y en avoit jamais eu sur ces deux livres, excepté Walton, qui marque avoir oui-dire, qu’il y avoit un targum manuscrit sur les chroniques dans la bibliotheque de Camdbrige ; mais cet avis ne lui vint qu’après que sa polyglotte fut achevée ; & cela fit qu’il ne se donna pas la peine de l’aller déterrer. On sait qu’effectivement parmi les livres d’Erpenius, dont le duc de Buckingham a fait présent à l’université d’Oxford, il y a une bible hébraïque manuscrite en trois volumes, qui a un targum ou paraphrase chaldaïque sur les chroniques ; mais cette paraphrase ne va pas plus loin que le 6. v. du ch. 23. du premier liv. & n’est pas trop suivie ; ce sont seulement quelques courtes gloses qu’on a mises par-ci par-là à la marge. Ce manuscrit a été écrit l’an 1347, comme cela paroît par un mémoire qui est à la fin ; mais il n’y a rien dans ce mémoire qui marque quand cette glose chaldaïque a été composée, ni par qui.

Les juifs & les chrétiens s’accordent à croire, que le targum d’Onkélos sur la loi, & celui de Jonathan sur les prophetes, sont du-moins aussi anciens que la venue de Jesus-Christ au monde. Les historiens juifs le disent positivement, quand ils rapportent que Jonathan étoit l’éleve le plus considérable que forma Hillel ; car Hillel mourut à-peu-près dans le tems de la naissance de N. S. & qu’Onkélos étoit contemporain de Gamaliel le vieux, sous qui saint Paul fit ses études. D’ailleurs ce témoignage est soutenu par le style de ces deux ouvrages, qui est le plus pur de tout ce qu’on a du dialecte de Jérusalem, & sans mélange des mots étrangers que les juifs de Jérusalem & de Judée adopterent dans la suite. Il est donc vraissemblable que l’un & l’autre targum ont été composés avant la venue de N. S. & que celui d’Onkélos est le plus ancien, parce que c’est le plus pur des deux.

La seule objection qu’on peut faire contre l’antiquité des targums d’Onkélos & de Jonathan, c’est que ni Origene, ni saint Epiphane, ni saint Jérôme, ni finalement aucun des anciens peres de l’Eglise n’en ont parlé ; mais cet argument négatif ne prouve rien, parce que les Juifs d’alors cachoient leurs livres & leur science autant qu’il leur étoit possible. Les rabins même qui enseignerent l’hébreu à saint Jérôme, le seul des Peres qui ait étudié le chaldaïque, ne venoient chez lui qu’en cachette, & toujours de nuit, comme Nicodeme à J. C. craignant de s’exposer au ressentiment de leurs freres. Enfin les chrétiens ont été plus de mille ans sans connoître ces deux targums ; & à peine y a-t-il trois cens ans qu’ils sont un peu communs parmi nous.

Quant aux autres targums, ils sont incontestablement plus nouveaux que ceux dont nous venons de parler ; le style barbare le prouve en général ; & les fables tamuldiques dont ils sont remplis, justifient qu’ils n’ont paru qu’après le talmud de Jérusalem, ou même le talmud de Babylone, c’est-à-dire, depuis le commencement du quatrieme siecle, ou plutôt vers le commencement du sixieme.

Je ne saurois décider si ces targums d’Onkélos & de Jonathan étoient déja reçus & autorisés du tems de Notre Seigneur ; mais il est bien sûr qu’il y en avoit déja dont on se servoit, & en public, & en particulier, pour l’instruction du peuple, & qu’il y en avoit non-seulement sur la loi & sur les prophetes, mais sur tout le reste du vieux Testament, car les Juifs n’avoient jamais pratiqué la maxime de ne donner au peuple la parole de Dieu, que dans une langue inconnue. Dispersés parmi les Grecs, ils la lui donnoient en grec : dans les pays où le chaldéen étoit la langue vulgaire, ils l’avoient en chaldéen. Quand on fit lire à J. C. la seconde leçon dans la synagogue de Nazareth, dont il étoit membre, il y a beaucoup d’apparence que ce fut un targum qu’il eut : car le passage d’Isaïe, lxj. 1. tel qu’il se trouve dans S. Luc, iv. 18. n’est exactement ni l’hébreu, ni la version des septante : d’où l’on peut fort bien conclure, que cette différence venoit uniquement de la version chaldaïque dont on se servoit dans cette synagogue. Et quand sur la croix il prononça le pseaume xxij. v. j. eli, eli, lama sabachthani ? mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous délaissé ? ce ne fut pas l’hébreu qu’il prononça, ce fut le chaldéen ; car en hébreu il y a, eli, eli, lama azabtani ? & le mot sabachthani ne se trouve que dans la langue chaldaïque.

Les targums sont fort anciens parmi les Juifs après l’Ecriture sainte. Cela est bien certain par rapport à celui d’Onkélos & de Jonathan ; & quoique les autres ne soient pas, à beaucoup près, si anciens, il est pourtant vrai qu’ils sont presque tous tirés d’autres anciennes gloses, ou paraphrases chaldaïques, dont on s’étoit servi fort long-tems avant que ceux-ci reçûssent la forme qu’ils ont aujourd’hui.

Il faut convenir que tous les targums en général servent à expliquer quantité de mots & de phrases hébraïques, qui, sans ce secours, embarrasseroient beaucoup aujourd’hui. Enfin ils nous transmettent plusieurs anciens usages & coutumes des Juifs, qui éclaircissent extrèmement les livres sur lesquels ils ont travaillé.

La meilleure édition des targums, est la seconde grande bible hébraïque de Buxtorf le pere à Bâle en 1620. Cet habile homme s’y est donné beaucoup de peine, non-seulement à publier le texte chaldaïque correct, mais il a poussé l’exactitude jusqu’à en corriger avec soin les points qui servent de voyelles. Ces targums s’écrivoient d’abord, aussi-bien que toutes les autres langues orientales, sans points-voyelles. Dans la suite, quelques juifs s’aviserent d’y en mettre ; mais comme ils s’en étoient assez mal acquittés, Buxtorf entreprit de les corriger, suivant les regles qu’il se fit sur la ponctuation de ce qu’il y a de chaldaïque dans Daniel & dans Esdras. Quelques critiques prétendent que c’est trop peu que ce qui est dans ces deux livres, pour en former des regles pour toute la langue ; & que Buxtorf auroit mieux fait de n’y point toucher, & de les faire imprimer sans points : ensorte qu’on n’eût pour guide que les letrres alep, he, vau & jod, qu’on appelle matres lectionis. Mais Buxtorf connoissoit mieux ce qu’il falloit que ceux qui se mêlent de le critiquer. C’est l’homme de son siecle à qui le public ait le plus d’obligation en ce genre. Ses ouvrages sont savans & judicieux ; & son nom mérite d’être transmis avec honneur à la postérité. (Le chevalier de Jaucourt.)