L’Encyclopédie/1re édition/TALC

◄  TALBE
TALCAN  ►

TALC, (Hist. nat.) talcum ; c’est le nom qu’on donne à une pierre, composée de feuilles très-minces, qui sont luisantes, douces au toucher, tendres, flexibles, & faciles à pulvériser ; l’action du feu le plus violent, n’est point capable de produire aucune altération sur cette pierre ; les acides les plus concentrés n’agissent point sur elle. Le talc varie pour les couleurs, pour la transparence, pour l’arrangement, & pour la grandeur des feuilles qui le composent.

M. Wallerius compte quatre especes de talcs ; 1°. Le talc blanc dont les feuillets sont demi-transparens ; on lui a donné les noms d’argyro damas, de talcum lunæ, stella terræ. 2°. Le talc jaune, composé de lames opaques ; on le nomme quelquefois talcum aureum. 3°. Le talc verdâtre, tel que celui que les François appellent très-improprement, craie de Briançon. Voyez cet article. 4°. Le talc en cubes, qui est octogone, & qui a la figure de l’alun. Voyez la minéralogie de Wallerius, tom. I. Ce savant auteur auroit pu y joindre un talc noir, qui, suivant Borrichius, se trouve en Norwége, & qui devient jaune lorsqu’il a été calciné. Il y a aussi du talc gris.

Il paroît que c’est à tort que M. Wallérius a distingué le mica du talc, & qu’il en a fait un genre particulier ; en effet le mica n’est autre chose qu’un talc jaune ou blanc, en particules plus ou moins déliées, qui quelquefois se trouve à la vérité répandu dans des pierres d’une autre nature, mais qui ne perd pas pour cela ses propriétés essentielles, qui sont les mêmes que celles du talc.

Il faut en dire autant du verre de Russie, qui est un talc en grands feuillets transparens, ainsi nommé parce qu’il tient lieu de vitres en plusieurs endroits de la Russie & de la Sibérie. Voyez l’article Verre de Russie.

Le talc est une des pierres sur laquelle les naturalistes ont raisonné avec le plus de confusion, & à laquelle ils ont le plus donné de noms différens. On croit que le mot talc vient du mot allemand talch, qui signifie du suif, parce que cette pierre paroît grasse au toucher comme du suif ; cependant comme il a été employé par Avicenne, on pourroit le croire dérivé de l’arabe. Cette pierre a été appellée par quelques auteurs, stella terræ, à cause de son éclat : d’autres ont cru que c’est le talc que Dioscoride a voulu désigner sous le nom de aphroselme & de sélénites ; ce que nous entendons par sélénite est une substance toute différente : Avicenne l’appelle pierre de lune ; les Allemands le nomment glimmer, lorsqu’il est en petites particules : on le nomme aussi or de chat, ou argent de chat, selon qu’il est jaune ou blanc. Quelques auteurs l’ont confondu avec la pierre spéculaire qui est une pierre gypseuse que l’action du feu change en plâtre. Voyez cet article. Enfin on le trouve désigné sous le nom de glacies mariæ, c’est un talc transparent comme du verre.

Ces différentes dénominations, & ces erreurs, viennent de ce que les anciens naturalistes n’avoient point recours aux expériences chimiques, pour s’assurer de la nature des pierres, & ils ne s’arrêtoient qu’à l’extérieur, & à des ressemblances souvent trompeuses. Le célebre M. Pott a suppléé à ce défaut, par un examen suivi qu’il a fait du talc ; le résultat de ses expériences est qu’il n’y a aucun acide qui agisse sur le talc, cependant l’eau régale concentrée, versée sur le talc noir calciné, ou sur le talc jaune, devient d’une belle couleur jaune, ce qui vient de ce qu’elle se charge d’une portion ferrugineuse, qui étoit jointe à ces talcs, & qui les coloroit ; c’est-là ce qui a donné lieu aux alchimistes de travailler sur le talc, pour y chercher cet or qu’ils croient voir par-tout. Après que cette extraction est faite, on retrouve le talc entierement privé de couleur.

Le talc ayant été exposé pendant quarante jours au feu d’un fourneau de verrerie, n’y a éprouvé aucune altération ; le grand feu ne diminue ni son éclat, ni son poids, ni son onctuosité ; il ne fait que le rendre un peu plus friable, & plus aisé à partager en feuillets ; mais on prétend que le miroir ardent fait entrer le talc en fusion, & le change en une matiere vitrifiée ; il reste encore à savoir si c’est véritablement du talc qui a été employé dans cette expérience, rapportée par Hofmann & Neumann. Ainsi Morhoff & Boyle se sont trompés doublement, lorsqu’ils ont dit que le talc se changeoit en une heure de tems, & à un feu doux en chaux ; ils auront pris de la pierre spéculaire, ou du gypse feuilleté, pour du talc, & du plâtre pour de la chaux. M. Pott a combiné le talc avec un grand nombre de sels & d’autres substances, ce qui lui a donné différens produits. Voyez la traduction françoise de la lithogeognosie, tom. I. Le même auteur a observé que le talc uni avec des terres argilleuses, forme une masse d’une très grande dureté, & l’on peut se servir de ce mélange pour faire des vaisseaux très-propres à soutenir l’action du feu, & des creusets capables de contenir le verre de plomb, qui est si sujet à traverser les creusets ordinaires. Les Chinois se servent d’un talc très-fin, jaune ou blanc, pour faire ces papiers peints en figures ou en fleurs, dont le fond paroît être d’or ou d’argent.

On mêle aussi du talc fin dans les poudres brillantes dont on se sert pour répandre sur l’écriture.

Le talc se trouve en beaucoup d’endroits de l’Europe ; mais on n’en connoit point de plus beau que celui de Russie & de Sibérie, que l’on nomme verre de Russie. Voyez cet article.

Comme l’action du feu ne peut rien sur cette pierre, il est très-difficile de connoître la nature de la terre qui lui sert de base ; toutes les conjectures qui ont été faites là-dessus, sont donc très-douteuses & hasardées. Les grenats & les mines d’étain sont ordinairement accompagnés de pierres talqueuses, qui leur servent de matrices ou de minieres. (—)

Talc, huile de, (Chimie cosmétique.) c’est une liqueur fort vantée par quelques anciens chimistes, qui lui attribuoient des qualités merveilleuses & incroyables, pour blanchir le teint, & pour conserver aux femmes la fraîcheur de la jeunesse, jusque dans l’âge le plus avancé. Malheureusement ce secret, s’il a jamais existé, est perdu pour nous : on prétend que son nom lui vient de ce que la pierre que nous appellons talc, étoit le principal ingrédient de sa composition.

M. de Justi, chimiste allemand, a cherché à faire revivre un secret si intéressant pour le beau sexe : pour cet effet il prit une partie de talc de Venise, & deux parties de borax calciné ; après avoir parfaitement pulvérisé & mêlé ces deux matieres, il les mit dans un creuset, qu’il plaça dans un fourneau à vent, après l’avoir fermé d’un couvercle ; il donna pendant une heure un feu très-violent ; au bout de ce tems il trouva que le mélange s’étoit changé en un verre d’un jaune verdâtre ; il réduisit ce verre en poudre, puis il le mêla avec deux parties de sel de tartre, & fit refondre le tout de nouveau dans un creuset ; par cette seconde fusion il obtint une masse, qu’il mit à la cave sur un plateau de verre incliné, au dessous duquel étoit une soucoupe ; en peu de tems la masse se convertit en une liqueur dans laquelle le talc se trouvoit totalement dissout.

On voit que par ce procedé, l’on obtient une liqueur de la nature de celle qui est connue sous le nom d’huile de tartre par défaillance, qui n’est autre chose que de l’alkalisixe, que l’humidité a mis en liqueur. Il est très-douteux que le talc entre pour quelque chose dans ses propriétés, ou les augmente ; mais il est certain que l’alkali fixe a la propriété de blanchir la peau, de la nétoyer parfaitement, & d’emporter les taches qu’elles peut avoir contractées ; d’ailleurs il paroît que cette liqueur peut être appliquée sur la peau sans aucun danger. Voyez les œuvres chimiques de M. de Justi. (—)

Talc de verre de Venise, (Verrerie.) nom qu’on donne au verre de Venise dont on a soufflé un globe très-mince, & qu’on a ensuite réduit en poudre. Les Emailleurs vendent cette poudre brillante toute préparée. (D. J.)