L’Encyclopédie/1re édition/TALARIUS, ludus

TALARIUS, ludus, (Littérat.) Je suis obligé de ne point mettre de mots françois, ne sachant comment on doit appeller dans notre langue le talarius ludus des Romains. Il est vrai seulement que c’étoit une sorte de dez d’or ou d’ivoire, qu’on remuoit comme les nôtres, dans une espece de cornet (pyrrus) avant que de les jetter ; mais il y avoit cette différence qu’au lieu que nos dez ont six faces, parce qu’ils sont cubiques, les tali des Romains n’en avoient que quatre, parce qu’il y en avoit deux opposées des six qu’ils auroient dû avoir, qui étoient arrondies en cone.

On s’en servoit, pour deviner aussi bien que pour jouer, & l’on en tiroit bon ou mauvais augure, selon ce qu’on amenoit. Comme on en jettoit d’ordinaire quatre à la fois, la plus heureuse chance étoit quand on amenoit les quatre points différens. Parce qu’on appelloit ces deux faces du nom de quelques animaux, comme le chien, le vautour, le basilic, ou de quelques dieux, comme Vénus, Hercule.

Il y a des auteurs qui ont cru qu’elles étoient marquées des figures de ces animaux, & non pas de nombres ni de points, comme nos dez. Mais si cela est, il faut que ces images fussent affectées à signifier chacune un certain nombre particulier ; car il est constant que de deux faces opposées l’une valoit un, & l’autre six ; & de deux autres opposées, l’une valoit trois, & l’autre quatre.

Ce jeu étoit bien ancien, puisque les amans de Pénelope y jouoient déja dans le temple de Minerve, car c’étoit la coutume de jouer dans les temples. C’étoit un jeu de vieillard chez les Romains, comme Auguste même le dit, & chez les Grecs un jeu d’enfant ; comme il paroit 1°. par la description d’un excellent tableau de Polyclete cité dans Pline ; 2°. par Apollodore qui y fait jouer Cupidon avec Ganymede ; 3°. par Diogene de Laërce, qui dit que les Ephésiens se moquoient d’Héraclite, parce qu’il y jouoit avec les enfans. (D. J.)