L’Encyclopédie/1re édition/TACHYGRAPHIE

TACHOSA  ►

TACHYGRAPHIE, s. f. (Littérat.) la tachygraphie ou tachéographie, parole composée des mots grecs ταχὺς, vite, & γραφὴ, écriture, est l’art d’écrire avec rapidité & par notes ; elle est aussi quelquefois nommée brachygraphie de βραχὺς, court, & γράφω, j’écris, en ce que pour écrire rapidement, il faut se servir de manieres abregées.

Aussi les Anglois qui sont ceux de tous les peuples du monde qui s’en servent le plus généralement & y ont fait le plus de progrès, l’appellent-ils de ce nom short-hand, main brieve, courte écriture ou écriture abregée.

Herman Hugo dans son traité, de primo scrib. origin. en attribue l’invention aux Hébreux, fondé sur ce passage du pseaume xliv. Lingua mea calamus scribæ velociter scribentis. Mais nous ferons voir, en parlant du notariacon, que leurs abréviations sont beaucoup plus modernes, purement Chaldaïques, & inventées par les rabins, long-tems après la destruction de Jérusalem.

Cependant les anciens n’ignoroient point cet art. Sans remonter aux Egyptiens, dont les hiéroglyphes étoient plutôt des symboles qui représentoient des êtres moraux, sous l’image & les propriétés d’un être physique. Nous trouvons chez les Grecs des tachéographes & semmeiographes, comme on le peut voir en Diogene Laërce & autres auteurs, quoiqu’à raison des notes ou caracteres singuliers dont ils étoient obligés de se servir, on les ait assez généralement confondus avec les cryptographes.

Les Romains qui avec les dépouilles de la Grece transporterent les arts en Italie, adopterent ce genre d’écriture, & cela principalement, parce que souvent les discours des sénateurs étoient mal rapportés & encore plus mal interpretés, ce qui occasionnoit de la confusion & des débats en allant aux voix.

C’est sous le consulat de Cicéron qu’on en voit les premieres traces. Tiron, un de ses affranchis, prit mot à mot la harangue que Caton prononçoit contre Catilina ; Plutarque ajoute qu’on ne connoissoit point encore ceux qui depuis ont été appellés notaires, & que c’est le premier exemple de cette nature.

Paul Diacre, cependant attribue l’invention des premiers 1100 caracteres à Ennius, & dit que Tiron ne fit qu’étendre & perfectionner cette science.

Auguste charmé de cette découverte, destina plusieurs de ses affranchis à cet exercice ; leur unique emploi étoit de retrouver des notes. Il falloit même qu’elles fussent fort arbitraires & dans le goût de celles des Chinois, puisqu’elles excédoient le nombre de cinq mille.

L’histoire nous a conservé le nom de quelques-uns de ces tachygraphes, tels que Perunius, Pilargirus, Faunius & Aquila, affranchis de Mécene.

Enfin Seneque y mit la derniere main en les rédigeant par ordre alphabétique en forme de dictionnaire ; aussi furent-elles appellées dans la suite les notes de Tiron & de Seneque.

Nous remarquerons à ce sujet contre l’opinion des savans, que les caracteres employés dans le pseautier, que Tritheme trouva à Strasbourg, & dont il donne un échantillon à la fin de sa polygraphie, ne sauroient être ceux de Tiron, non plus que le manuscrit qu’on fait voir au Mont Cassin, sous le nom de caracteres de Tiro. Ceci saute aux yeux, lorsqu’on examine combien ces caracteres sont composés, arbitraires, longs & difficiles à tracer, au lieu que Plutarque dit expressément en parlant de la harangue de Caton.

Hanc solam orationem Catonis servatam ferunt Cicerone consule velocissimos scriptores deponente at docente, ut per signa quæ dam & parvas brevesque notas multarum litterarum vim habentes dicta colligerent : c’est-à-dire qu’elle fût prise à l’aide de courtes notes, ayant la puissance ou valeur de plusieurs lettres. Or dans les figures que nous en a conservé Gruter, la particule ex, par exemple, est exprimée par plus de 70 signes différens, tous beaucoup plus composés, plus difficiles, & par conséquent plus longs à écrire que la proposition même. Ces vers d’Ausonne, au contraire, font voir qu’un seul point exprimoit une parole entiere.

Quâ multa fandi copia
Punctis peracta singulis
Ut una vox absolvitur.

cependant punctis doit se prendre en général pour des signes ou caracteres abregés dont plusieurs à la vérité n’étoient que de simples points, comme on verra plus bas dans l’hymne sur la mort de S. Cassien.

On peut donc hardiment conclure d’après ces autorités, que les notes qu’on nous donne pour être de Tiro, & celles imprimées sous le titre de, de notis ciceronianis, ne sont point les notes de Tiro, ou au moins celles à l’aide desquelles cet affranchi a écrit la harangue de Caton.

Mais comme la Tachygraphie est une espece de cryptographie, il se pourroit très-bien que Tiro eût travaillé en l’un & l’autre genre, & que ce fût ces derniers caracteres qui nous eussent été conservés.

Ce qui paroît appuyer cette conjecture est un passage du maître de Tiro ; Ciceron à Atticus, liv. XIII. ép. xxxij. dit lui avoir écrit en chiffre : Et quod ad te decem legatis scripsi parum intellexisti credo, quia διὰ σημείων scripseram.

Saint Cyprien ajouta depuis de nouvelles notes à celles de Séneque, & accommoda le tout à l’usage du Christianisme, pour me servir de l’expression de Vigenere qui dans son traité des chiffres, ajoute que c’est une profonde mer de confusion, & une vraie gêne de la mémoire comme chose laborieuse infiniment.

En effet, de retenir cinq ou six mille notes, presque toutes arbitraires, & les placer sur le champ, doit être un très-laborieux & très-difficile exercice. Aussi avoit-on des maîtres ou professeurs en Tachygraphie, témoin l’hymne de Prudence sur la mort de S. Cassien martyrisé à coups de stile par ses écoliers.

Præfuerat studiis puerilibus, & grege multo.
Septus magister litterarum sederat
Verba notis brevibus comprendere cuncta peritus,
Raptimque punctis dicta præpetibus sequi.

Et quelques vers après,

Reddimus ecce tibi tam millia multa notarum,
Quam stando, stendo, te docente excepimus.
Non potes irasci, quod scribimus ipse jubebas,
Nunquam quietum dextera ut ferret stilum :

Non petimus toties, te præceptore, negatas,
Avare doctor, jam scholarum serias.
Pangere puncta libet, sulci que intexere sulcos,
Flexas catenis impedire virgulas.

Lib. Περὶ Στεφάνων. Hymn. IX.

Ceux qui exerçoient cet art, s’appelloient cursores (coureurs), quia notis cursim verba expediebant, à cause de la rapidité avec laquelle ils traçoient le discours sur le papier ; & c’est vraissembablement l’origine du nom que nous donnons à une sorte d’écriture que nous appellons courante, terme adopté dans le même sens par les Anglois, Italiens, &c.

Ces cursores ont été nommés depuis notarii, à cause des notes dont ils se servoient, & c’est l’origine des notaires, dont l’usage principal dans les premiers siecles de l’Eglise, étoit de transcrire les sermons, discours ou homélies des évêques. Eusebe, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte qu’Origènes souffrit à l’âge de soixante ans, que des notaires écrivissent ses discours, ce qu’il n’avoit jamais voulu permettre auparavant.

S. Augustin dit dans sa CLXIIIme épître, qu’il auroit souhaité que les notaires présens à ses discours, eussent voulu les écrire ; mais que comme pour des raisons à lui inconnues, ils s’y refusoient, quelques-uns des freres qui y assistoient, quoique moins expéditifs que les notaires, s’en étoient acquittés.

Et dans l’épître CLII, il parle de huit notaires assistans à ses discours ; quatre de sa part, & quatre nommés par d’autres, qui se relayoient, & écrivoient deux à deux, afin qu’il n’y eût rien d’obmis ni rien d’alteré de ce qu’il proferoit.

S. Jérôme avoit quatre notaires & six libraires : les premiers écrivoient sous sa dictée par notes, & les seconds transcrivoient au long en lettres ordinaires ; telle est l’origine des libraires.

Enfin, le pape Fabien jugeant l’écriture des notaires trop obscure pour l’usage ordinaire, ajouta aux sept notaires apostoliques sept soudiacres, pour transcrire au long ce que les notes contenoient par abréviations.

Ceux qui voudront connoître plus particulierement leurs fonctions & distinctions, pourront recourir à l’article Notaire.

Il paroît par la 44me novelle de Justinien, que les contrats d’abord minutés en caracteres & abregés par les notaires ou écrivains des tabellions, n’étoient obligatoires que lorsque les tabellions avoient transcrit en toutes lettres ce que les notaires avoient tracé tachygraphiquement Enfin il fut défendu par le même empereur, d’en faire du-tout usage à l’avenir dans les écritures publiques, à cause de l’équivoque qui pouvoit naître par la ressemblance des signes.

Le peu de littérature des siecles suivans les fit tellement tomber dans l’oubli, que le pseautier tachygraphique cité par Tritheme, étoit intitulé dans le catalogue du couvent, pseautier en langue arménienne. Ce pseautier, à ce que l’on prétend, se conserve actuellement dans la bibliotheque de Brunswick.

Il nous reste à parler d’un autre genre de Trachygraphie qui s’opere par le retranchement de quelques lettres, soit des voyelles comme dans l’hébreu, & supprimant quelquefois des consonnes ; ce qui est assez suivi par ceux qui écrivent dans les classes, comme sed. pour secundùm, &c. sur quoi on peut voir l’article Abréviation.

De cette espece est le notariacon, troisieme partie de la cabale judaïque, qui consiste à ne mettre qu’une lettre pour chaque mot. Les rabbins le distinguent en rasche theboth, chefs de dictions, lorsque c’est la lettre initiale, & sophe theboth, fin des mots, lorsque c’est la derniere.

Ils en composent aussi des paroles techniques & barbares, comme par exemple, ramban pour rabbi ; moïse bar Maiemon, c’est-à-dire, fils de Maiemon. Ceux qui voudront connoître plus particulierement ces abréviations, en trouveront plus de mille au commencement de la Bibliotheque rabbinique de Buxtorf : ils peuvent aussi consulter les Recueils de Mercerus, David de Pomis & Schinder. Les rabbins cabalistiques vont bien plus loin : ils prétendent que presque toute l’Ecriture sainte est susceptible de cette interprétation, & qu’en cela & la gémare consiste la vraie intelligence ou l’esprit de la loi.

Ainsi dans la premiere parole de la Genese, au commencement, ils ont trouvé : bara rackia-ares schamaim jam theomoth, il créa au commencement les cieux & la terre & l’abîme.

Il est facile d’appercevoir que le but des rabbins, par ces interprétations forcées, étoit d’éluder les passages les plus formels des prophetes sur l’avénement du Messie ; prophéties accomplies littéralement dans la personne de Jesus-Christ.

Les Grecs ont ainsi trouvé dans le nom d’Adam les quatre parties du monde, ἀνατολὴ, orient ; δύσις, occident ; ἄρκτος, nord ; μεσημβρία, midi ; & il y a beaucoup d’apparence que le fameux abraxadabra & autres noms barbares qui se trouvent sur les talismans & autres monumens des bassilidiens & gnostiques, noms qui ont donné la torture à tant de savans, ne sont que des mots techniques qui renferment plusieurs paroles. Ce qui donne plus de probabilité à cette conjecture, est qu’un grand nombre de caracteres qui se trouvent sur les talismans & dans les œuvres des démonographes sont visiblement des monogrammes. On voit dans Agrippa les noms des anges Michaël, Gabriel, & Raphaël, exprimés de cette maniere & à l’aide de la figure quadrilinéaire ou chambrée, rapportée par le même auteur.

On en peut résoudre un très-grand nombre en leurs lettres constituantes. Il ne seroit donc pas surprenant que ceux qui se sont étudiés à combiner tous les élémens d’un mot dans une seule lettre, eussent réuni les lettres initiales dans une seule parole.

Les Romains se servoient aussi de lettres initiales pour désigner certaines formules usitées dans les inscriptions long-tems avant Cicéron, comme S. P. Q. R. pour senatus populusque romanus ; D. M. dis manibus, &c. dont Gruter nous a donné une ample collection dans son traité de Inscriptionibus veterum. On peut aussi consulter Mabillon de re diplomaticâ, ainsi que Sertorius, Ursatus, Valerius-Probus, Goltzius, &c. qui nous ont laissé des catalogues d’abréviations usitées dans les inscriptions, les médailles & les procédures. Cet usage qui ne laisse pas de charger la mémoire, & ne s’étend qu’à un petit nombre des mots ou formules, a lieu dans presque toutes les langues. Voyez Abréviation.

Quant aux caracteres tachygraphiques qui sont plus immédiatement de notre sujet, il y en a d’universels : tels sont les caracteres numériques, algébriques, astronomiques, chimiques, & ceux de la Musique, dont on peut voir les exemples sous leurs articles respectifs & particuliers, telles sont l’écriture chinoise, quelques traités françois manuscrits à la bibliotheque du roi, & la tachygraphie angloise.

Les Anglois enfin, ont perfectionné ce genre d’écriture ; & c’est parmi eux ce que peut-être étoit l’ἐπιθολογραφική. Chez les Egyptiens, ils l’ont poussé au point de suivre facilement l’orateur le plus rapide ; & c’est de cette façon qu’on recueille les dépositions des témoins dans les procès célebres, les harangues dans les chambres du parlement, les discours des prédicateurs, &c. de sorte qu’on n’y peut rien dire impunément même dans une compagnie, pour peu que quelqu’un se donne la peine de recueillir les paroles.

Cet art y est fondé sur les principes de la langue & de la Grammaire ; ils se servent pour cet effet d’un alphabet particulier, composé des signes les plus simples pour les lettres qui s’emploient le plus fréquemment, & de plus composés pour celles qui ne paroissent que rarement.

Ces caracteres se peuvent aussi très-facilement unir les uns aux autres, & former ainsi des monogrammes qui expriment souvent toute une parole ; tels sont les élémens des tachéographes anglois, qui depuis un siecle & demi ont donné une quarantaine de méthodes, dont nous donnons le titre des principales au-bas de cet article. Elles se trouvent actuellement réduites à deux, qui sont les seules usitées aujourd’hui ; savoir celle de Macaulay & celle de Weston ; nous nous bornerons à donner ici une légere idée de la méthode de ce dernier, comme la plus généralement suivie, & parce qu’on trouve plusieurs livres imprimés dans ses caracteres ; entre autres, une grammaire, un dictionnaire, les pseaumes, le nouveau-Testament, & plusieurs livres d’église.

Le docteur Wilkins & quelques autres, vouloient à l’aide de ce genre d’écriture, former un langage ou plutôt une écriture universelle, c’est-à-dire, que le même caractere qui signifie cheval, le françois le lût cheval ; l’anglois, horse ; l’allemand, pferd ; l’italien, cavallo ; le latin, equus ; & ainsi des autres.

Mais en outre, la différence de construction dans les différentes langues qui seroit un grand obstacle, & la forme des verbes auxiliaires qui dans l’allemand & l’anglois, different totalement de celle usitée en françois & en latin, on retomberoit dans l’inconvénient de la méthode de Tiro, qui requéroit presque autant de signes différens qu’il y avoit d’objets à présenter. Un anglois, par exemple, n’aura pas de peine à comprendre que n signifie horse, parce que ce signe est composé de la particule or suivi d’une s, c’est-à-dire, les trois seules lettres qui se prononcent, l’h tenant lieu d’une simple aspiration, & l’e muet final ne servant qu’à prolonger le son ; mais ces trois lettres orz ne communiquent à aucune autre nation l’idée d’un cheval.

En attendant qu’on trouve quelque chose de mieux, il y auroit peut-être une méthode simple & facile à proposer, à l’aide de laquelle, sur le champ, & sans étude, un chacun pourroit se faire entendre, & entendre les autres, sans savoir d’autres langues que la sienne.

Il s’agiroit de numéroter les articles d’un dictionnaire en un idiome quelconque, & que chaque peuple mît le même chiffre après le même terme dans leurs dictionnaires respectifs. Ces dictionnaires devroient être composés de deux parties ; l’une à l’ordinaire, suivant l’ordre alphabétique ; l’autre, suivant l’ordre numérique.

Ainsi je suppose un françois à Londres ou à Rome, qui voudroit dire je viendrai demain ; ignorant la langue du pays, il cherchera dans la partie alphabétique de son dictionnaire je, que je suppose comme premiere personne désignée par le n°. 1. venir, par 2800, demain, par 664.

Il écrira 1. 664. 2800. l’anglois ou l’italien cherchant suivant l’ordre numérique, liront, J come tomorrou, jo venire domani.

Et répondront par d’autres chiffres, dont le françois trouvera l’explication en cherchant le numéro.

Je n’ai mis ici que l’infinitif du verbe pour suivre l’ordre des dictionnaires ; mais il seroit aisé d’y ajouter un signe ou point qui en déterminât le tems.

Nous avons aussi quelques auteurs françois qui se sont exercés sur la Tachygraphie ; telle est la plume volante, & quelques manuscrits dans la bibliotheque du roi ; mais ils ne se sont point appliqués à simplifier leurs signes, ni à en généraliser l’usage, ni cette attention suffisante au génie de la langue ; & au lieu de recourir aux racines de l’idiome, ils se sont pris aux branches.

Il ne seroit cependant pas impossible de rendre à la langue françoise le même service qu’à l’angloise ; ce seroit une très-grande obligation que le public auroit à messieurs de l’académie françoise, si à la suite de leur dictionnaire, ils compiloient une méthode facile & analogue à la langue. Il ne faut cependant pas se flatter qu’elle puisse être aussi simple, ni consister en aussi peu de caracteres que pour l’anglois, qui n’ayant point de genre, le même article exprime le masculin & le féminin, & le singulier & le pluriel. De plus, les terminaisons des verbes auxiliaires ne variant guere que dans le présent, occasionne une bien plus grande facilité.

La méthode de Weston est fondée sur cinq principes.

1°. La simplicité des caracteres.

2°. La facilité de les joindre, insérer, & combiner les uns aux autres.

3°. Les monogrammes.

4°. La suppression totale des voyelles, comme dans les langues orientales.

5°. D’écrire comme l’on prononce ; ce qui évite les aspirations, les lettres doubles & lettres muettes. Les caracteres sont en tout au nombre de 72, dont 26 comprennent l’alphabet, y ayant quelques lettres qui s’écrivent de différentes façons, suivant les circonstances ; & cela pour éviter les équivoques que la combinaison pourroit faire naître. Les 46 caracteres restans sont pour les articles, pronoms, commencemens, & terminaisons qui se répetent fréquemment, & pour quelques adverbes & propositions.

Pour se rendre cette méthode familiere, on commence par écrire en entier les paroles dans le nouveau caractere, à l’exception des voyelles que l’on supprime ; mais le lieu où commence la lettre suivante l’indique, c’est-à-dire, si le commencement de cette lettre est au niveau du haut de la lettre précédente, cela marque la voyelle a ; si c’est au pié, c’est un u ; si c’est au milieu, c’est un i ; un peu plus haut ou un peu plus bas désigne l’e & l’o.

On croiroit d’abord que cette précision de placer les lettres empêcheroit d’aller vîte ; mais cela ne retarde aucunement ; car le sens fournit naturellement la voyelle au lecteur comme dans les lettres missives ou phrases, dont la plûpart des élémens pris séparément, pourroient à peine se déchiffrer ; ce qui n’empêche pas qu’on n’en lise la totalité très-vîte.

Comme rien ne nuit davantage à la célérité de l’écriture que de détacher la plume de dessus le papier, la personne se joint au verbe, comme dans l’hébreu celui-ci est uni inséparablement avec son verbe auxiliaire, & ordinairement avec son adverbe ; ce qui loin d’apporter de la confusion, donne de la clarté, en ce que par l’étendue & forme de ce grouppe de caracteres, on voit tout-d’un-coup que c’est un verbe dans un tems composé.

Quand on est parvenu à écrire ainsi couramment, on apprend les abréviations ; car chaque lettre isolée signifie un pronom, adverbe, ou proposition, &c.

Chaque union de deux lettres ab, ac, ad, par exemple, en exprime aussi un mot relatif aux élémens qui la composent. Il y a aussi quelques autres regles d’abréviations générales, comme au lieu de répéter une parole ou une phrase, de tirer une ligne dessous ; quand une consonne se trouve répétée dans la même syllabe, de la faire plus grande, par exemple même, non-pape où l’m n, & le p, sont la double de leur grandeur naturelle, en ce qu’ils représentent deux m, deux n, deux p ; ceux-ci sont ordinairement des commencemens de mots, y en ajoutant les terminaisons finales, on fait les paroles mémoire -nonain papauté | : ciseaux. Ainsi pour les terminaisons, toutes les paroles qui s’unissent en son ou en sion, s’expriment par un point dans la lettre, exemple, hameçon en le décomposant on trouve un a & un m avec un point au milieu de l’a coction .

Les terminaisons ation, étion, ition, otion, ution, s’écrivent avec deux points placés à l’endroit de la voyelle, par exemple, nation : notion pétition passion, la marque du pluriel quand on l’exprime, se fait par un point derriere la derniere, exemple, passions. la terminaison ment, s’exprime par un t final redoublé, exemple, parlement sciemment, humainement  : ces regles peuvent s’appliquer indifféremment à toutes les langues.

Nous avons dit que la Tachygraphie angloise n’exprime que les sons, sans avoir égard à l’ortographe, par exemple, si on veut écrire de cette façon en françois ils aiment, on retranche l’nt final comme superflu, dès que le verbe est précédé du signe de la troisieme personne du pluriel ; ce qui abrégeroit la parole d’un tiers, & seroit aime, comme on ne prononce dans cette parole que l’m seule ; on écriroit en Tachygraphie ils m. De plus, comme pour former l’m, il faut 7 traits, savoir trois lignes droites, & quatre lignes courbes, & que l’m est fréquemment usité ; la Tachygraphie l’admet parmi ses caracteres simples, & réduit les sept lignes à une simple diagonale, & y joignant le caractéristique de la troisieme personne du pluriel, ils aiment, s’écriroit aussi en françois composé de deux traits, au lieu de 28 que nous employons. En anglois, ce seroit différent ; car aimer se disant to love, on se sert de l au lieu d’m ; & ils aiment s’écriroit ils aimoient , aima ntaimer qui dérive du substantif love amosar, ainsi que amant loveless sans lovely omour aimable lovelyness, substantif d’aimable, & qui ne se pourroit rendre en françois que par le terme d’amabilité.

Quand on suit un orateur rapide, on peut supprimer entierement les articles qui se placent ensuite en relisant le discours.

Il y a apparence que l’écriture chinoise, où chaque parole s’exprime par un caractere particulier, n’est pas essentiellement différent de notre Tachygraphie, & que les 400 clés sont 400 caracteres élémentaires dont tous les autres sont formés, & dans lesquels ils peuvent se résoudre. En cela la Tachéographie angloise lui seroit fort préférable, à cause de son petit nombre de caracteres primitifs, qui par la même raison, doivent être infiniment moins composés que dans un plus grand nombre qui supposent nécessairement une multiplicité de traits.

Pour n’avoir rien à desirer sur cette matiere, il faut se procurer l’alphabet de Weston, avec ses 26 caracteres, & 46 abréviations, l’abrége du dictionnaire & des regles, & y joindre l’oraison dominicale, le symbole des apôtres, & les dix commandemens écrits suivant ces principes.

En outre des méthodes de Weston & de Macaulay, on peut consulter les suivantes, qui ont eu cours en différens tems.

Steganographia, or the art of short writing, by Addy.

Willis’s abbreviation, or writing by characters, London 1618.

Sheltons, art of short hand writing, Lond. 1659.

Mercury, or the secret and swift messengers, by Wilkins, 1641.

Rich’s short hand.

Masons, art of short writing, London 1672.

Easy method of short hand writing, Lond. 1681.