L’Encyclopédie/1re édition/TÉCUITLES

TÉCUITLES, s. m. pl. (Hist. mod.) c’est ainsi que les Mexiquains nommoient ceux qui avoient été reçus dans une espece d’ordre de chevalerie, où l’on n’étoit admis qu’après un noviciat très-rude & très bizarre. Cet honneur ne s’accordoit pourtant qu’aux fils des principaux seigneurs de l’empire. Le jour de la réception, le récipiendaire accompagné de ses parens & des anciens chevaliers se rendoit au temple ; après s’être mis à genoux devant l’autel, un prêtre lui perçoit le nez avec un os pointu ou avec un ongle d’aigle ; cette douloureuse cérémonie étoit suivie d’un discours dans lequel le prêtre ne lui épargnoit point les injures ; il finissoit par lui faire toute sorte d’outrages, & par le dépouiller de ses habits. Pendant tout ce tems, les anciens chevaliers faisoient un festin pompeux aux dépens du récipiendaire, auquel on affectoit de ne faire aucune attention ; le repas étant fini, les prêtres lui apportoient un peu de paille pour se coucher, un manteau pour se couvrir, de la teinture pour se frotter le corps, & des poinçons pour se percer les oreilles, les bras & les jambes. On ne lui laissoit pour compagnie que trois vieux soldats chargés de troubler sans cesse son sommeil pendant quatre jours, ce qu’ils faisoient en le piquant avec des poinçons, aussitôt qu’il paroissoit s’assoupir. Au milieu de la nuit il devoit encenser les idoles, & leur offrir quelques gouttes de son sang, ce qui étoit suivi de quelques autres cérémonies superstitieuses. Les plus courageux ne prenoient aucune nourriture pendant ces quatre jours ; les autres ne mangeoient qu’un peu de maïz, & ne buvoient qu’un verre d’eau. Au bout de ce tems le récipiendaire prenoit congé des prêtres, pour aller renouveller dans les autres temples des exercices moins rudes à la vérité, mais qui duroient pendant un an ; alors on le remenoit au premier temple où on lui donnoit des habits somptueux ; le prêtre lui faisoit un grand discours rempli des éloges de son courage ; il lui recommandoit la défense de la religion & de la patrie, & la fête se terminoit par des festins & des réjouissances. Les Técuiltes se mettoient de l’or, des perles ou des pierres prétieuses dans les trous qu’on leur avoit faits au nez, ce qui étoit la marque de leur éminente dignité.