L’Encyclopédie/1re édition/SYNOVIE

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SYNOVIE, (Physiolog. Médec.) en latin mucilago ; liqueur mucilagineuse qui sert, tant qu’elle est dans son état naturel, à oindre & à lubréfier les ligamens & les cartilages des jointures.

Clopton Havers est le premier des modernes qui ait exactement décrit l’origine & la nature de la synovie. Il nous a fait connoître que cette humeur onctueuse est composée de la matiere générale de la transpiration, & de l’huile médullaire qui vient des cellules situées aux jointures des os.

Cette liqueur mucilagineuse est fournie par des glandes disposées dans l’articulation, de maniere à pouvoir être légérement pressées, mais non point détruites par son mouvement. Toutes les fois que cette liqueur est la plus nécessaire, c’est-à-dire, que les mouvemens sont les plus fréquens, il s’en sépare une plus grande quantité. Ces glandes sont molles & mucilagineuses, sans être friables : elles sont pour la plûpart conglomérées, c’est-à-dire, qu’il se trouve un grand nombre de petites glandes enveloppées d’une membrane commune. Leurs conduits excrétoires empêchent les obstructions qui pourroient se former dans le corps de la glande, & facilitent le retour de cette liqueur, quand elle est en état d’être reçue par les vaisseaux absorbans, qui doivent se trouver dans les articulations aussi-bien que dans les autres cavités du corps.

On peut, en pressant ces glandes avec les doigts, faire sortir de leurs excrétoires la liqueur mucilagineuse, qui ressemble quelquefois au blanc d’œuf, ou à la sérosité du sang, & dont le goût est manifestement salé. Elle ne se coagule point à la chaleur, comme la sérosité ; mais elle devient plus claire, & ne laisse, après qu’elle s’est évaporée, qu’une pellicule déliée, d’un goût salé. Certains sels produisent le même effet sur elle que sur les autres liqueurs de notre corps, car les acides la coagulent, & les alkalis l’atténuent.

La quantité de cette liqueur mucilagineuse doit être considérable, si l’on en juge par l’écoulement de synovie qui accompagne les plaies ou les ulceres des articulations, & dont ce mucilage compose la plus grande partie.

Les vaisseaux qui fournissent les liqueurs dont ce mucilage se sépare, n’ont pas besoin de préparation pour être vus ; car on n’a pas plutôt injecté les arteres, que les glandes en paroissent toutes couvertes.

Ces glandes n’ont aucune sensibilité, tant qu’elles sont dans un état sain : mais on y sent des douleurs cruelles, lorsqu’elles s’enflamment & qu’elles viennent à suppuration, ce qui prouve qu’elles ont des nerfs.

Ces glandes mucilagineuses sont ordinairement logées dans une substance cellulaire, qui se trouve pareillement dans d’autres parties du sac formé par les ligamens des articulations, & contiennent une matiere onctueuse, qui doit nécessairement être atténuée, & poussée à travers les membranes qui l’enferment dans la cavité de l’articulation, par la pression qu’elles souffrent de la part des os qui se meuvent.

Cette matiere onctueuse de la substance cellulaire, mêlée avec la lymphe subtile qui s’écoule continuellement des petites artères distribuées dans les ligamens, est extremement propre à entretenir la fléxibilité des parties qui composent les articulations, à les faire glisser également les unes sur les autres, & à empêcher qu’elles ne s’échauffent, de même que le vieux-oing dont on graisse les roues des chariots, les empêchent de s’user & de s’échauffer. Après que cette liqueur des articulations a été suffisamment atténuée, elle rentre dans la masse du sang par les vaisseaux absorbans qu’ont les articulations.

S’il arrive par quelque cause que ce soit, que la synovie ne soit point dissipée, repompée ou suffisamment broyée entre les os, elle s’accumulera peu-à peu, remplira la cavité de la jointure, & ôtera aux os articulés la liberté du mouvement ; cependant la partie la plus subtile de ce mucilage se dissipera, & conséquemment le reste acquerra de la consistance. Comme le mouvement de la jointure est la cause principale de la dissipation de ce mucilage, après qu’il a rempli sa destination ; le mouvement étant gêné ou totalement détruit, le mucilage s’accumulera davantage, & le mal deviendra incurable, tant par l’épaississement de la liqueur, que par l’acrimonie qu’elle acquerra dans la stagnation, & qui rongera les surfaces cartilagineuses des os, & les ligamens dont les jointures sont entourées.

On reconnoît cette maladie par une tumeur à la jointure qui est d’abord molle, & qui s’étend peu-à-peu. L’articulation du genou y est plus sujette qu’une autre. Hippocrate dit, Aphor. 25. sect. 5. qu’on soulagera considérablement ceux qui ont des tumeurs & des douleurs aux jointures sans ulceres, en versant dessus une grande quantité d’eau froide. Des Médecins célébres ont adopté depuis peu cette pratique. Peut-être est-elle capable de produire des effets salutaires lorsque le mal commence, en resserrant subitement les parties par le froid qu’on leur communique, & en contraignant ainsi l’humeur qui s’accumule à se dissiper, pourvû qu’elle soit suffisamment fluide. Mais si l’humeur est déja épaisse ; si elle est en grande quantité, il n’est guere vraissemblable que l’eau froide puisse procurer un vrai soulagement.

On aura recours avec plus de succès aux frictions, au mouvement de la jointure affectée, aux fomentations pénétrantes de vin, de sel, de vinaigre & d’urine de personnes saines, avec une addition de plantes aromatiques, comme le marrube, le scordium & la rue, & aux cataplasmes préparés de substances semblables. Dans les cas opiniâtres, les embrocations d’eaux chaudes minérales, ou qu’on fera tomber lentement & de haut sur la partie affectée, soulageront beaucoup & guériront quelquefois radicalement. Au défaut d’eaux minérales, on se servira des fomentations pénétrantes, & l’on en usera même en forme d’embrocation.

Nous lisons dans le traité des maladies des Os, de M. Petit, qu’on obtiendra les mêmes effets avec l’eau de chaux vive, & une lessive de sel ammoniac versée de haut sur la partie affectée ; car l’eau de chaux vive & la lessive de sel ammoniac, donnent sur le champ un esprit de sel ammoniac très-pénétrant, qui passe avec raison pour un atténuant des plus énergiques. Mais si la quantité de la synovie accumulée est si grande, qu’elle ne puisse être dissipée par ces moyens ; M. Petit veut que l’on découvre la partie la plus basse de la tumeur avec une lancette, qu’on pénetre jusqu’à la cavité de l’articulation ; qu’on en fasse sortir la liqueur qu’elle contient, & qu’on acheve la cure avec les remedes dont nous venons de faire mention.

S’il arrive par quelque cause que ce soit, que les ligamens se roidissent, il y aura immobilité, quand même toutes les autres parties de la jointure seroient dans leur état naturel. Cette immobilité sera suivie d’une tumeur parce que la synovie accumulée dans la cavité de la jointure ne sera point dissipée par le mouvement, d’où il s’en suivra une ankilose parfaite. Toutes les causes capables de produire trop de roideur dans les fibres solides, ou même dans les vaisseaux, peuvent donner lieu à l’ankylose.

Aussi voyons-nous, que presque toutes les personnes fort âgées, ont de la roideur & de l’inflexibilité aux jointures ; ce qui provient en partie de la disette de l’huile grasse destinée à la lubréfication des os, en partie de la callosité, & quelquefois de l’ossification de ligamens. On remarque la même chose dans les hommes qui ont été occupés à des travaux violens, avant que d’arriver à un grand âge ; l’excès du mouvement musculaire a endurci en eux les parties fermes du corps. L’ankylose est encore assez fréquemment une suite des violentes inflammations aux ligamens maltraités ; ce qui donne lieu à la stagnation & à la coagulation du fluide dans les vaisseaux qui le contiennent. Ceux qui ont essuyé des attaques fréquentes de goutte, sont aussi quelquefois incommodés de l’immobilité des jointures. Passons aux autres vices de cette humeur onctueuse.

Lorsque la synovie devient trop âcre, elle ronge les os & les cartilages, & cela arrive souvent à ceux qui ont la vérole, le scorbut, les écrouelles, ou un spina ventosa. Lorsque la sécrétion de cette liqueur est trop petite, l’articulation devient roide, & lorsqu’on veut la mouvoir, on entend un craquement, ainsi que les vieillards l’éprouvent. Lorsque le mucilage & la lymphe abondent trop, & que les vaisseaux absorbans ne s’acquittent point autant qu’il faut de leur office, il peut en résulter une hydropisie des articles dont Hildanus a traité fort au long. Cette même cause relâche quelquefois si fort les ligamens, que les articulations en deviennent extrèmement foibles : de-là naissent des luxations, dont la réduction est plus aisée que la cure ; quelquefois enfin, quand cette liqueur s’épanche en trop grande quantité, elle occasionne plusieurs maux très-fâcheux ; tels que l’enflure, la douleur des jointures, des ulceres sinueux, des fistules, la carie des os, l’immobilité des articles, la maigreur, l’atrophie, des fievres ectiques & autres maladies semblables. Hippocrate a décrit avec beaucoup d’exactitude, la plûpart des symptomes qui proviennent du mauvais état de la synovie, & Hildanus en rapporte des exemples qu’il a vûs. (Le chevalier de Jaucourt.)