L’Encyclopédie/1re édition/SULMO

SULMO, (Géog. anc.) premiere ville d’Italie. C’est une de celles que Ptolomée, l. III. donne aux Peligni. Cesar fait mention de cette ville au premier livre de la guerre civile, c. xviij. Il la connoît seulement sous le nom de ses habitans qu’il nomme Salmonenses, & il ajoute qu’elle est à sept milles de Corfinium. Silius Italicus l. viij. v. 510, donne à Sulmo l’épithéte de gelidus, à cause de sa situation près des deux rivieres dont les eaux sont très-froides.

Cette ville devint par la suite colonie Romaine ; car on lit dans Frontin : Sulmona eâ lege est adsignata, & ager Eserniæ : or Eserniæ, selon le même auteur ne fut colonie Romaine que sous Neron. Cette ville subsiste encore présentement. On la nomme Sulmona.

C’est la patrie d’Ovide, comme il nous l’apprend lui-même. Trist. l. IV. Eleg. 9.


Sulmo mihi patria, & gelidis uberrimus undis.

Ovidius Nason (Publius) chevalier romain, a été le poëte le plus galant de l’antiquité. Il ne se contenta pas de faire des conquêtes de galanterie, il apprit aussi au public l’art d’aimer, & l’art de se faire aimer ; c’est-à-dire qu’il réduisit en système une science pernicieuse, & qui n’a pour but que le deshonneur des familles. Auguste le relégua fort loin, à Tomer dans la basse-Moësie, pour des raisons qui nous sont inconnues, & que personne n’a pu deviner. Il mourut dans son triste exil âgé de 60 ans, étant né l’an de Rome 711. Il paroît que la meilleure édition de ses œuvres est celle de M. Burman. Lugd. Bathv. 1722. 4. vol. in-4°.

Le plus bel ouvrage de ce poëte, dont nous entretiendrons ici le lecteur, est celui des Métamorphoses, & c’est aussi de cet ouvrage que l’auteur espéroit principalement l’immortalité de son nom. Il prédit qu’il résistera au fer & au feu, à la foudre & aux injures du tems. On sait par cœur les neuf vers qui en font la conclusion.

Jamque opus exegi, quod nec Jovis ira, nec ignes,
Nec poterit ferrum, nec edax abolere vetustas ;…
Ore legar populi : perque omnia sæcula famâ,
Si quid habent veri vatum præsagia, vivam.

Cette prédiction n’a point été démentie, & ne le sera que quand le monde tombera dans la barbarie. Il faut croire que la traduction en prose de l’abbé Banier, & ce qui vaut mieux, celle de Dryden & de Garth en vers subsisteront encore longtems ; mais il faudroit être bien dupe pour s’imaginer qu’un certain poëme intitulé de Vetulâ, est un ouvrage d’Ovide ; ce poëme a paru à Wolfembutel l’an 1662, & sa premiere édition est de 1534 ; cet ouvrage barbare est vraisemblablement la production d’un chrétien du bas Empire.

Ovide avoit composé ses métamorphoses avant le tems de sa disgrace ; se voyant condamné au bannissement, il les jetta dans le feu, soit par dépit, soit parce qu’il n’y avoit pas encore mis la derniere main, comme il nous l’apprend lui-même. Trist. l. I. Eleg. 7. v. 13. Quelques copies qu’on avoit déja tirées de ce bel ouvrage, ont été cause qu’il n’a point péri.

L’auteur souhaita qu’en cas qu’il mourût au pays des Getes, ses cendres fussent portées à Rome, & que l’on mît sur son tombeau l’épitaphe qu’il se fit lui-même ; en voici la fin, Trist. l. III. Eleg. 3. v. 59.

Hic ego qui jaceo, tenerorum lusor amorum,
Ingenio perii, Naso poeta, meo.
At tibi qui transis, ne sit grave, quisquis amasti,
Dicere, Nasonis molliter ossa cubent.

Il trouva non-seulement de l’humanité parmi les Gètes, mais aussi beaucoup de bonté & de saveur ; ils l’aimerent, l’honorerent singulierement, lui accorderent des exemptions, & lui témoignerent leur estime singuliere par des decrets publics en son honneur. Il est vrai que les descriptions que le poëte fit de leur pays, ne leur plurent pas, mais il les adoucit par des excuses. Un italien délicat & maigre comme lui, souffroit réellement dans une région froide, & voisine d’un peuple qui faisoit continuellement des irruptions. Il écrivit pendant son exil une infinité de vers ; comme il manquoit de conversation, & qu’il n’aimoit ni à boire ni à jouer, les muses furent toute sa ressource.

Il faut mettre au nombre de ses bonnes qualités, celle de n’avoir point été satyrique. Il étoit pourtant très-capable de faire des vers piquans, car dans son poëme contre Ibis, qu’il écrivit un peu après son exil, il n’y eut jamais de fiel plus amer que celui qu’il y versa, ni des malédictions ou des anathèmes plus atroces. Bayle & M. de Chaufepié ont fait un article fort curieux de cet aimable poëte. (Le Chevalier de Jaucourt.)