L’Encyclopédie/1re édition/STRASBOURG

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STRASBOURG, (Gég. mod.) ville de France, capitale de l’Alsace, sur la riviere d’Ill, proche le Rhein, à 20 lieues au nord de Basle, à 28 est de Nancy, à 36 sud-est de Luxembourg, à 44 sud-est de Mayence, à 145 ouest de Vienne, & à 102 au levant de Paris. Long. suivant Cassini, 25. 21. 30. lat. 48. 35. 30.

Cette ville est une des plus considérables du royaume par sa situation, & par l’importance des fortifications que Louis XIV. y fit faire après s’en être rendu le maître en 1681. Comme la riviere d’Ill passe au-travers de Strasbourg, avant que de se jetter dans le Rhein, il y a six ponts pour la communication des différens quartiers de la ville. Deux de ces ponts sont de pierre, & les quatre autres ne sont que de bois.

Ses principaux édifices sont bâtis de pierre rouge, dure & solide, qu’on tire des carrieres qui sont du côté de Saverne, ou le long du Rhein. On compte parmi les édifices publics, l’hôtel-de-ville, celui de l’intendant, l’évêché, la comédie, l’arsenal, l’hôpital des bourgeois, & celui des soldats.

Les habitans montent à environ vingt-huit mille ames. La ville a six paroisses & six couvents, trois d’hommes & trois de filles. L’église cathédrale, dédiée à Notre Dame, est belle & ancienne ; sa tour commencée en 1229, n’a été finie qu’en 1449 ; c’est une pyramide de 574 piés de haut, & on y monte par un escalier qui a 635 marches. L’horloge qui est dans l’église est d’un grand travail, aussi composé qu’inutile.

L’évêché de Strasbourg, fondé vraissemblablement dans le vij. siecle, est le plus riche de France, & l’étoit encore davantage autrefois ; cependant il vaut encore à présent environ deux cens quatre-vingt mille livres, & a deux grands bailliages qui en dépendent. L’évêque est suffragant de Mayence, & prince de l’Empire : quand ce siege devient vacant, ce sont les douze chanoines capitulaires qui élisent leur évêque, & c’est toujours conformément aux desirs du roi.

Le chapitre de la cathédrale de Strasbourg est un des plus nobles qu’il y ait dans l’Eglise. Ce chapitre est composé de 12 chanoines capitulaires, & de 12 chanoines domiciliers. Les capitulaires ont entrée & voix délibérative au chapitre : le revenu de leurs canonicats est d’environ six mille livres année commune. Les chanoines domiciliers n’entrent point au chapitre, mais ils parviennent par ancienneté aux places de capitulaires, à mesure qu’elles deviennent vacantes. Les chanoines capitulaires ne peuvent être admis qu’après avoir pris le sous-diaconat. Leur premiere dignité est celle de grand-prevôt ; c’est le saint siége qui y nomme, suivant le concordat germanique passé entre le pape Nicolas V. & l’empereur Fréderic III. l’an 1447.

L’évêque de Strasbourg a son official, & le chapitre a le sien. Les revenus de la fabrique de la cathédrale peuvent monter à quarante mille livres par an, & sont distingués des revenus de l’évêque, & de ceux du chapitre. L’administration en appartient aux magistrats, qui les emploient aux réparations & à l’entretien de l’église.

L’université de Strasbourg a obtenu ses premiers privileges l’an 1566 de l’empereur Maximilien II. Elle est composée des quatre facultés, & régie par des professeurs luthériens.

Strasbourg est un gouvernement de place du gouvernement militaire d’Alsace, avec état major. Le roi a dans cette ville une forte garnison, dont les soldats sont logés dans des cazernes bâties aux frais des habitans.

Le premier auteur qui ait parlé de Strasbourg est Ptolomée, qui en étoit fort mal informé. Il la place dans le canton ou province des Vangions ; mais elle appartient certainement aux Tribocques. Les Vangions & les Tribocques n’étoient pas même limitrophes, puisque les Németes devoient être situés entre ces deux peuples. Je ne dirai pas pour cela qu’Argentoratum ait commencé en ce tems-là seulement ; comme c’étoit une ville déja fameuse dans le second siecle, où elle eut pour garnison une légion entiere, il ne faut pas douter qu’elle ne doive répeter son origine de tems plus reculés. Cependant comme le nom d’Argentoratum paroît romain, je ne voudrois pas placer cette origine au-delà des tems de la conquête des Gaules par César. Il y a même apparence qu’elle étoit un des cinquante châteaux ou forteresses que Drusus, beau-fils d’Auguste avoit bâties le long du Rhein, pour la défense du pays contre les Germains, & que c’est de-là qu’elle a tiré son origine. L’empereur Julien, dans sa lettre aux Athéniens, nomme cette ville Ἀργέντορα, en quoi il a été suivi par l’historien Zosime.

Le nom de Strasbourg ne se trouve point avant le vj. siecle ; Grégoire de Tours est le premier qui en parle, l’appellant Strateburgum. Les fréquentes irruptions des Allemands dans les Gaules, au troisieme & quatrieme siecles, & des autres barbares, dans le cinquieme siecle, désolerent & ruinerent tellement cette ville, qu’elle perdit beaucoup de son lustre. Elle fut même plus maltraitée que les autres situées sur le Rhein, ce qui est cause que Worms, Spire, Mayence, peuvent encore montrer plus de restes d’antiquités romaines que Strasbourg.

Cependant cette ville se releva insensiblement, & acquit de la puissance. Elle se soumit avec peine à l’empereur Othon, ayant tenu avec son évêque Ruthard le parti du duc Giselbert, opposé à celui des empereurs. Les ducs d’Allemagne n’en étoient point souverains, quoiqu’ils commandassent dans la province ; & les évêques même malgré leur crédit, n’en étoient pas seigneurs temporels, ou maitres absolus.

L’empereur Lothaire le Saxon, ayant été couronné à Liege par le pape Innocent II. l’an 1121, prit spécialement cette ville sous sa protection. Son exemple fut suivi par Maximilien I. qui lui donna le privilege de battre monnoie d’or. L’empereur Sigismond lui accorda le droit de tenir une foire franche. Enfin Maximilien II. Rudolphe II. son fils, & l’empereur Sigismond l’honorerent encore de nouvelles faveurs.

Voici quelques hommes de lettres, dont elle est la patrie.

Eisenschmid (Jean-Gaspard) y naquit en 1656, & mourut en 1712. Il s’est fait connoître par un livre sur la figure de la terre elliptico-sphéroïde, & par un traité sur les poids, les mesures, & les monnoies anciennes.

Micyllus (Jacques), poëte & littérateur, s’acquit de la réputation par des commentaires sur Homere, une vie d’Euripide, & des poésies latines. Il mourut en 1558, âgé de 55 ans. Son véritable nom étoit Molser ; mais il représenta si bien au college le personnage de Micyllus, que Lucien introduit dans son dialogue intitulé le songe, qu’on s’accoutuma à lui donner le nom de Micyllus, qu’il porta toujours depuis.

Obrecht (Ulric) fut d’abord attaché aux intérêts de la maison d’Autriche, & publia quelques ouvrages pour les soutenir ; mais après la prise de Strasbourg par Louis XIV. il changea de sentiment, & se fit catholique, ce qui lui valut la charge de préteur royal de sa patrie. Il mourut en 1701 à l’âge de 55 ans. Il a fait plusieurs ouvrages de politique, tant en latin qu’en françois, & quelques-uns de littérature ; mais les uns & les autres sont tombés dans l’oubli.

Scheffer (Jean), né à Strasbourg en 1621, fut appellé tout jeune en Suede par la reine Christine, qui le fit professeur à Upsal, où il mourut en 1679. Il s’est distingué par d’excellens ouvrages ; tels sont 1°. Upsalia antiqua ; 2°. Suecia litterata ; 3°. de militiâ navali veterum ; 4°. de torquibus antiquorum ; 5°. de naturâ philosophiæ pythagoricæ ; 6°. Laponiæ descriptio. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Strasbourg, (Géog. mod.) petit ville d’Allemagne, dans l’Uckermarck, aux confins de la Poméranie, sur le bord d’un petit lac, environ à trois lieues au nord de l’Uckersée.