L’Encyclopédie/1re édition/STERLING

STERNBERG  ►

STERLING, s. m. (Monn. de compte d’Angl.) nom de la monnoie idéale & de compte d’Angleterre ; quelques-uns croyent que ce mot vient de la ville Sterling en Ecosse, où ils prétendent qu’on battoit anciennement de la monnoie très-pure, avec fort peu d’alliage. D’autres disent avec bien plus d’apparence, que ce nom dérive du mot saxon stére, qui signifie regle ; ainsi, selon ce sentiment, une monnoie sterling, n’est autre chose qu’une monnoie faite selon la regle prescrite.

Enfin, Camden estime que le mot sterling est moderne, & qu’il a été vraissemblablement pris de certains ouvriers flamands, qui sous le regne de Jean-Santerre, furent attirés dans la grande-Bretagne pour y rafiner l’argent ; à quoi ils réussissoient bien mieux que les Anglois. Comme on appelloit communément les gens de ce pays là Esterlings, à cause de leur situation à l’est de l’Angleterre, il est arrivé que la monnoie qu’ils firent, sut nommée esterling, & par abréviation sterling, c’est-à-dire, faite par les Esterlings ou Flamands, & par conséquent plus pure que celle qu’on avoit battue jusqu’alors.

Quoi qu’il en soit, les négocians anglois tiennent leurs comptes par livres sterling, shillings, & farthings, en mettant la livre idéale sterling pour vingt shillings, le shilling pour douze sols, & le sol pour quatre farthings. (D. J.)

Sterling, (Géog. mod.) province d’Ecosse, dans la seconde presqu’île de ce royaume, au midi du Tay. Cette province est bornée à l’orient par l’Avon, qui la sépare de la Lothiane, & par le Forth, qui la sépare de la Fife. Au nord elle a la province de Menteith ; à l’occident, celle de Lénox, & au midi celle de Cluydesdale. Elle s’étend en longueur du nord-ouest au sud-est, l’espace de vingt milles, & sa largeur n’est que de douze milles. Mais si cette province est petite, elle est l’une des plus fertiles de l’Ecosse ; on y compte environ vingt paroisses ; les rivieres qui l’arrosent sont le Carron, le Kelwin, le Coutyr, le Bannok, & le Forth.

En passant de la Lothiane dans cette province, on voit les restes de la muraille des Romains, qui s’étendoit à-travers les provinces de Sterling & de Lénox, jusqu’à Kilpatrick, sur la Cluyd, dans un espace de trente à trente-cinq milles. Les vallées de la province de Sterling sont entrecoupées de prairies ; les montagnes du midi & de l’ouest, entretiennent de gros troupeaux de bêtes à cornes ; les habitans brûlent du bois, du charbon de pierre, ou une espece de tourbe, suivant les lieux. (D. J.)

Sterling, (Géog. mod.) ville de l’Ecosse méridionale, capitale de la province de même nom, sur la pente d’un rocher, dont le Forth mouille le pié, & qu’on passe sur un pont de pierre, à 12 lieues au nord-ouest d’Edimbourg. Elle a été la demeure de plusieurs rois d’Ecosse. On y voit un beau & fort château. Long. 13. 55. lat. 56. 5.

Les anciens appelloient cette ville Binobara ; mais Ptolomée l’appelle Vindovara. C’étoit une des bornes de l’empire romain dans la Grande-Bretagne, comme il paroît par une inscription qu’on trouve vers le pont au bas du château, & qui marque qu’une des aîles de l’armée romaine faisoit garde dans cette place. Du tems de la religion catholique, il y avoit près de cette ville une abbaye magnifique qui portoit le nom de Cambuskenneth.

A deux milles au nord de Sterling, est une terre nommée Arthrey ou Airthrey, dans laquelle on trouve une mine de cuivre au côté méridional d’une montagne. La matiere qu’on tire de la mine est couverte d’une croute métallique, & le reste est bigarré de couleurs vives, de verd, de violet, & de bleu. Un quintal de cette matiere rend trente livres de cuivre ; une fontaine sort de la même montagne ; & comme elle passe à-travers une terre minérale, elle en prend une légere teinture, & on la croit bonne pour guérir quelques maux externes.

Quoi qu’il en soit, la ville de Sterling est la patrie de Marie Lambrun, femme qui mérite d’occuper sa place dans l’histoire du xvj. siecle. Elle avoit épousé un françois nommé Lambrun, qui lui donna le nom sous lequel elle est connue ; tous les deux entrerent fort jeunes au service de Marie Stuart qu’ils adoroient. L’époux de mademoiselle Lambrun fut si touché de la fin tragique de cette princesse, qu’il en mourut de douleur au bout de quelques mois, & sa femme desespérée résolut aussi-tôt de venger l’un & l’autre par un terrible crime. Elle s’habille en homme, prend le nom d’Antoine Sparch, & se rend à Londres, portant sur elle deux pistolets chargés, l’un pour tuer la reine Elisabeth, & l’autre pour se tuer tout de suite, afin d’éviter l’échafaut.

En perçant la foule avec vivacité pour s’approcher de la reine qui se promenoit dans ses jardins, elle laisse tomber un de ses pistolets ; les gardes accourent, la saisissent, & ne songent qu’à la traîner en prison ; mais Elisabeth voulant sur le champ l’interroger elle-même, lui demanda son nom, sa patrie, & sa qualité.

Mademoiselle Lambrun répondit d’un ton ferme : « Madame, je suis écossoise & femme, quoique je porte cet habit : je m’appelle Marguerite Lambrun. J’ai vécu plusieurs années auprès de la reine Marie, que vous avez injustement fait périr ; & par sa mort, vous avez été cause de celle de mon mari, qui n’a pu survivre au trépas d’une reine innocente, à laquelle il étoit dévoué. De mon côté, aimant l’un & l’autre avec passion, j’avois résolu au péril de ma vie, de venger leur mort par la vôtre. Tous les efforts que j’ai faits pour abandonner ce dessein, n’ont abouti qu’à m’apprendre qu’il n’y a rien qui soit capable d’empêcher une femme irritée de se venger, lorsqu’un double amour enflamme sa haine & son ressentiment ».

Quoique la reine Elisabeth eût grand sujet d’être émue d’un tel discours, elle ne laissa pas de l’écouter de sens froid, & de repartir tranquillement : « Vous avez donc cru faire votre devoir, & rendre à l’amour que vous avez pour votre maîtresse & pour votre mari, ce qu’il exigeoit : mais quel pensez-vous que doit être maintenant mon devoir à votre égard » ?

Cette femme répondit à la reine avec grandeur : « Je dirai franchement à votre majesté mon avis, pourvu qu’il lui plaise de me dire premierement, si elle me fait cette question en qualité de reine, ou en qualité de juge ». Elisabeth lui déclara que c’étoit en qualité de reine. « Votre majesté doit m’accorder grace », repartit Marguerite Lambrun.

« Mais quelle assurance me donnerez-vous, répliqua la reine, que vous n’en abuserez pas, & que vous n’entreprendrez pas une seconde fois un attentat semblable ? » A quoi la Lambrun repartit encore : « Madame, la grace que l’on veut accorder avec tant de précaution, n’est plus, selon mon idée, une véritable grace : ainsi votre majesté peut agir contre moi comme juge ».

Alors la reine s’étant retournée vers quelques membres de son conseil qui étoient présens, leur dit : « Il y a trente ans que je regne ; mais je ne me souviens pas d’avoir trouvé personne qui m’ait jamais fait une pareille leçon. Allez (continua-t-elle, en s’adressant à mademoiselle Lambrun), je vous accorde la grace pure, entiere, & sans aucune condition ».

Marie Lambrun se prosterna aux genoux de la reine, en la priant d’avoir la générosité de la faire conduire sûrement hors des royaumes de la grande-Bretagne jusqu’aux côtes de France. Elisabeth le lui accorda volontiers ; & l’on regarda cette requête de Marie Lambrun, comme un trait singulier de prudence & de sagesse. (Le chevalier de Jaucourt.)