L’Encyclopédie/1re édition/SQUILLACI

SQUILLACI, (Géog. mod.) ville d’Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre ultérieure, près du golfe de même nom, sur le torrent de Favelone, à 12 lieues de Cosenza, à 14 de Girace, avec titre de principauté, sous la métropole de Rhegio. Long. 34. 32. latit. 38. 52.

Quoique la fondation de cette ville, qu’on rapporte à Ulysse, soit fabuleuse, on sait néanmoins que la Calabre a été autrefois habitée par des grecs, & que même on appelloit ce pays-là, & tout ce qui est à l’extrémité de l’Italie, la grande Grece. Strabon veut que Squillaci fut une colonie des Athéniens, dont elle avoit conservé la politesse & les inclinations.

Quoi qu’il en soit, cette ville se glorifie d’avoir donné la naissance à Cassiodore (Magnus Aurelius) secrétaire d’état de Théodoric, roi des Goths, & l’un des plus grands ministres de son siecle dans l’art de gouverner. Il fut consul en 514, & eut beaucoup de crédit sous Athalaric & sous Vitiges. Il trouva le tems de composer divers ouvrages, dont la meilleure édition est celle du P. Garet, à Rouen, en 1679, in-fol. Il se retira du monde sur ses vieux jours, & mourut dans le monastore qu’il fit bâtir à Squillaci, à l’âge d’environ quatre-vingt-treize ans, vers l’an 562 de J. C.

Nous lui devons une peinture riante de la situation de Squillaci sur la mer Adriatique, qu’on appelle aujourd’hui mer de Sicile de ce côté-là, & qui fait en cet endroit un golfe, qu’on nomme aujourd’hui golfe de Squillaci. « Cette ville, dit-il, s’éloigne du rivage en s’élevant doucement, environnée d’un côté de fertiles campagnes, & de l’autre baignée de la mer ; l’aurore du soleil est pour elle, & jamais nuage ni brouillard ne lui en dérobent la lumiere ; l’air en est pur, & les saisons y sont toujours tempérées. Son territoire offre des campagnes couvertes d’oliviers, des aires pleines de riches moissons, & des vignes qui promettent une abondante vendange. »

Cette description, qui a quelque chose d’étudié, marque du moins l’inclination naturelle que cet homme illustre avoit conservée pour sa patrie. Il en donna de bonnes preuves par les travaux qu’il entreprit pour l’utilité de cette ville, lorsqu’il étoit gouverneur de l’Abruzze & de la Lucanie, qu’on comprend aujourd’hui sous le nom de Calabre. Il fit creuser de vastes réservoirs dans la concavité d’un rocher, pour y attirer des poissons de toute espece, & c’est dans ce même lieu qu’il bâtit depuis son monastere.

« La situation de ce monastere, écrivit-il à ses moines, nous invite à préparer toutes sortes de soulagemens pour les étrangers, & pour les pauvres du pays. Vous avez des jardins arrosés de plusieurs canaux, & le voisinage du fleuve Pellène, qui est fort poissonneux, & qui a cela de commode, que vous ne devez pas craindre d’inondation de l’abondance de ses eaux, quoiqu’il en ait assez pour n’être pas à mépriser. On le trouve à propos lorsqu’on en a besoin, & dès qu’il a rendu le service qu’on en attendoit, on le voit se retirer. Il est, pour ainsi dire, dévoué à tous les ministeres de votre maison, prêt à rafraîchir vos prairies, à arroser vos jardins, & à faire tourner vos moulins. Vous avez aussi la mer au bas du monastere, & vous pouvez y pêcher commodément. Vous avez encore de grands réservoirs où le poisson se rend de lui-même. Je les ai fait creuser dans la concavité de la montagne, de sorte que le poisson qu’on y met, ayant la liberté de s’y promener, de s’y nourrir, & de se cacher dans le creux des rochers, comme auparavant, ne sent point qu’il est captif, &c. » Pline le jeune n’a pas jetté plus de fleurs que Cassiodore dans les peintures agréables de ses maisons de plaisance. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Squillaci, golfe de, (Géog. mod.) on appelle golfe de Squillaci une partie de la mer Ionienne, sur la côte de la Calabre ultérieure, entre le cap de Rizzuto, & celui de Stilo, qui le sépare du golfe de Girace. (D. J.)