L’Encyclopédie/1re édition/SOUS-INTRODUITE femme

SOUS-INTRODUITE femme, (Hist. ecclés.) une femme sous-introduite étoit celle qu’un ecclésiastique avoit chez lui pour le soin de son ménage, ou pour quelque autre raison. M. Fleury dit, dans son Hist. ecclés. l. II. p. 140. qu’on nommoit femmes introduites ou sous-introduites, celles que les ecclésiastiques tenoient dans leurs maisons par un usage que l’Eglise condamnoit, & qui fut reproché à Paul de Samosate, parce qu’encore que ce fût sous prétexte de charité & d’amitié spirituelle, les conséquences en étoient trop dangereuses, & qu’il en résultoit tout au moins du scandale.

Dès le tems de saint Cyprien, où l’on ne faisoit encore aucun vœu solemnel de virginité ni de célibat, & où l’on n’imposoit aux ecclésiastiques aucune nécessité de s’abstenir du mariage, on lit que des filles demeuroient librement avec des hommes d’église, couchoient avec eux dans un même lit, & soutenoient néanmoins qu’elles ne donnoient par-là aucune atteinte à leur chasteté, offrant pour preuve d’être visitées par des expertes. Saint Cyprien le reconnoît lui même, & censure quelques-unes de ces filles. Voici ses propres paroles : Quid nobis de iis virginibus videatur, quæ cum in statu suo esse, & continentiam similiter tenere decreverint, detectæ sunt posteà in eodem lecto pariter mansisse cum masculis : ex quibus unum diaconum esse dicis : planè easdem, quæ se cum vivis dormisse confessæ sint, adseverare se integras esse, &c. Epist. IV. p. 7. edit. Brem. Fell.

Le même pere se plaint ailleurs que quelques confesseurs étoient tombés dans la même faute ; & les expressions dont il se sert sont bien fortes : non deesse, qui Dei templa, & post confessionem sanctificata & illustrata priùs membra turpi & infami concubitu suo maculent, cubilia sua cum fæminis promiscua jungentes, &c.

Une telle compagne des ecclésiastiques fut appellée femme sous-introduite, συνείσακτος γυνὴ, parce que les ecclésiastiques les introduisoient chez eux comme des aides & des sœurs spirituelles, consortio sororiæ appellationis ; & cet usage devint si commun, que divers conciles, & entr’autres celui de Nicée, furent obligés de défendre cet usage. Μήτε ἐπισκόπῳ, μήτε πρεσβυτέρῳ, μήτε διακόνῳ, μήτε ὅλως τινὶ τῶν ἐν κλήρῳ, ἐξεῖναι συνείσακτον γυναῖκα ἔχειν, πλὴν εἰ μὴ ἄρα μητέρα, ἢ ἀδελφὴν, ἢ θείαν, ἢ ἃ μόνα πρόσωπα πᾶσαν ὑποψίαν διαπέφευγεν. Canon III.

Cependant les défenses des conciles eurent si peu d’effet, que les empereurs chrétiens, comme Honorius, Théodose & Justinien se virent contraints d’employer toute l’autorité des lois pour remédier à cet abus. Voyez cod. Theodos. l. XVI. tit. 2. leg. 44. cod. inst. l. I. tit. 3. de episcop. & cler. leg. 19. novell. VI. cap. v. Jacques Godefroy, tom. VI. p. 86. & suivantes. Pour ne point entrer dans de plus grands détails sur cette matiere, nous renvoyons les lecteurs curieux aux notes d’Henri de Valois sur Eusebe, hist. ecclés. l. VII. c. xxx. à Henri Dodwell, dissertat. Cyprianic. 3. à Bingham, antiq. ecclés. liv. VI. c. ij. & finalement à M. Boëhmer, dans son jus eccles. protestant. l. III. tit. 2. (D. J.)