L’Encyclopédie/1re édition/SONNET

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SONNET, (Poésie.) petit poëme de quatorze vers, qui demande tant de qualités, qu’à peine, entre mille, on peut en trouver deux ou trois qu’on puisse louer. Despréaux dit que le dieu des vers

Lui-même en mesura le nombre & la cadence,
Défendit qu’un vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déja mis osât s’y remontrer.

Voilà pour la forme naturelle du sonnet.

Il y a outre cela la forme artificielle, qui consiste dans l’arrangement & la qualité des rimes ; le même Despréaux l’a exprimée heureusement : Apollon

Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille,
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille ;
Et qu’ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés.

Le tercet commence par deux rimes semblables, & l’arrangement des quatre derniers vers est arbitraire.

Ce poëme est d’une très-grande beauté. On y veut une chaîne d’idées nobles, exprimées sans affectation, sans contrainte, & des rimes amenées de bonne grace.

Boileau ne composa que deux sonnets dans le cours de sa vie. L’un commence :

Parmi les doux transports d’une amitié fidele, &c.

Il le fit très-jeune, & ne le désavouoit que par le scrupule trop délicat d’une certaine tendresse qui y est marquée, & qui ne convenoit pas, disoit-il, à un oncle pour sa niece. Son autre sonnet mérite d’être ici transcrit à la place de celui de Desbarreaux, que tout le monde sait par cœur à cause de sa beauté.

Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
A ses jeux innocens enfant associé,
Je goûtois les douceurs d’une amitié charmante.

Quand un faux Esculape à cervelle ignorante,
A la fin d’un long mal vainement pallié,
Rompant de ses beaux jours le fil trop delié,
Pour jamais me ravit mon aimable parente.

O qu’un si rude coup me fit verser de pleurs !
Bientôt ma plume en main signalant mes douleurs,
Je demandai raison d’un acte si perfide.

Oui, j’en fis dès quinze ans ma plainte à l’univers ;
Et l’ardeur de venger ce barbare homicide,
Fut le premier démon qui m’inspira des vers
.

Notre poëte satyrique n’a rien écrit de plus gracieux : A ses jeux innocens enfant associé : Rompant de ses beaux jours le fil trop délié : Fut le premier démon qui m’inspira des vers. Boileau a bien prouvé par ce morceau qu’on peut parler en poésie de l’amitié enfantine aussi bien que de l’amour, & que tout s’annoblit dans le langage des dieux. (D. J.)

Sonnet en blanc, (Poésie.) on appelle un sonnet en blanc, celui où il n’y a que les rimes, & dont les vers sont à remplir. Voyez Bouts-rimés. (D. J.)