L’Encyclopédie/1re édition/SONATE

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SONATE, s. f. en Musique, est une piece de musique purement instrumentale, composée de quatre ou cinq morceaux de caracteres différens. La sonate est à-peu-près par rapport aux instrumens, ce qu’est la cantate par rapport aux voix.

La sonate est faite ordinairement pour un seul instrument qui récite accompagné d’une basse continue ; & dans une telle composition, on s’attache à tout ce qu’il y a de plus favorable pour faire briller l’instrument pour lequel on travaille ; soit par la beauté des chants, soit par le choix des sons qui conviennent le mieux à cette espece d’instrument, soit par la hardiesse de l’exécution. Il y a aussi des sonates en trio ; mais quand elles passent ce nombre de parties, elles prennent le nom de concerto. Voyez ce mot.

Il y a plusieurs différentes sortes de sonates ; les Italiens les réduisent à deux especes principales ; l’une qu’ils appellent sonate da camera, sonate de chambre, laquelle est ordinairement composée de divers morceaux faits pour la danse ; tels à-peu-près que ces recueils qu’on appelle en France des suites ; l’autre espece est appellée sonate da chieza, sonates d’église, dans la composition desquelles il doit entrer plus de gravité, & des chants plus convenables à la dignité du lieu. De quelque espece que soient les sonates, elles commencent communément par un adagio, & après avoir passé par deux ou trois mouvemens différens, finissent par un allegro.

Aujourd’hui que les instrumens font la partie la plus essentielle de la musique, les sonates sont extrèmement à la mode, de même que toutes les especes de symphonies ; le chant des voix n’en est guere que l’accessoire. Nous sommes redevables de ce mauvais goût à ceux qui voulant introduire le tour de la musique italienne dans une langue qui ne sauroit le comporter, nous ont obligé de chercher à faire avec les instrumens ce qu’il nous étoit impossible de faire avec nos voix. J’ose prédire qu’une mode si peu naturelle ne durera pas ; la Musique est un art d’imitation ; mais cette imitation est d’une autre nature que celle de la Poésie & de la Peinture ; & pour la sentir il faut la présence ou du-moins l’image de l’objet imité ; c’est par les paroles que cet objet nous est présenté ; & c’est par les sons touchans de la voix humaine, jointe aux paroles, que ce même objet porte jusque dans les cœurs le sentiment qu’il doit y produire. Qui ne sent combien la musique instrumentale est éloignée de cette ame & de cette énergie ? Toutes les folies du violon de Mondonville m’attendriront-elles jamais comme deux sons de la voix de Mlle le Maure ? Pour savoir ce que veulent dire tous ces fatras de sonates dont nous sommes accablés, il faudroit faire comme ce peintre grossier qui étoit obligé d’écrire au-dessous de ses figures, c’est un homme, c’est un arbre, c’est un bœuf. Je n’oublierai jamais le mot du célebre M. de Fontenelle, qui se trouvant à un concert, excédé de cette symphonie éternelle, s’écria tout haut dans un transport d’impatience, sonate, que me veux-tu ? (S)