L’Encyclopédie/1re édition/SIRIS

SIRIS, (Géog. anc.) 1o. ville d’Italie dans la Lucanie, à l’embouchure du fleuve Siris. Elle fut d’abord nommée Leuternia, ensuite Policum, ensuite Siris, & enfin Heraclium, car elle ne fut plus regardée que comme le port de la ville d’Héraclée, lorsque les Tarentins eurent fondé cette derniere ville. Pline, liv. III. ch. xj. se trompe donc, lorsqu’il dit qu’Héraclée fut pendant quelque tems appellée Siris. Héraclée & Siris étoient toutes deux situées entre les fleuves Aciris & Siris, la derniere à l’embouchure du fleuve de même nom, & l’autre au bord de l’Aceris, mais à quelque distance de la mer.

On prétendoit que Siris avoit été bâtie par les Troïens ; & pour prouver cette idée, on y montroit un simulacre de la Minerve de Troie. On le montroit encore du tems de Strabon, comme une image miraculeuse, car elle baissoit les yeux, de l’horreur qu’elle éprouva lorsque les Ioniens prirent la ville, & qu’ils n’eurent aucun respect pour son simulacre. Plusieurs habitans s’étoient sauvés auprès de la statue de Minerve, & imploroient dans cet asyle, qu’ils croyoient inviolable, l’humanité du vainqueur ; mais sans aucun égard à leurs prieres, on les arracha barbarement de cet asyle. La déesse n’eut pas le courage de contempler ce crime, & voilà pourquoi elle avoit les yeux fixés en terre. Ce n’étoit pas la premiere fois qu’un spectacle affreux l’avoit obligé à détourner la vue ; elle se conduisit ainsi dans Troie quand on viola Cassandre.

Strabon, dont j’emprunte tous ces faits, les accompagne d’une réflexion judicieuse, liv. VI. p. 182. sur le grand nombre d’images de la même Minerve, qu’on prétendoit que les Troïens avoient consacrées depuis leur dispersion. C’est une imprudence, dit-il, que d’oser feindre, non-seulement qu’autrefois un simulacre baissât les yeux, mais même qu’on peut aujourd’hui montrer un tel simulacre. C’est une impudence encore plus grande que d’oser parler d’un bon nombre de tels simulacres apportés de Troie. On se vante à Rome, continue-t-il, à Lavinée, à Luceria, à Siris, d’avoir la Minerve des Troïens, & l’on applique à divers lieux l’action des femmes troïennes.

2o. Siris, fleuve d’Italie dans la Lucanie, aujourd’hui Sino, Senno ou Sirio. Son embouchure est marquée du golfe de Tarente, près la ville de Siris, qui étoit le port d’Héraclée. Strabon, liv. VI. p. 264, dit qu’elle se trouvoit à vingt-quatre stades de cette derniere ville, à trois cens trente de Thurium, & à trois cens quarante de Tarente. Au reste, les géographes ont remarqué que Florus, liv. I. ch. xviij. a confondu la riviere Liris avec celle de Siris, en parlant du combat de Pyrrhus contre le consul Lœvinus. Il dit que ce combat se donna, apud Heracleam & Campaniæ fluvium Lirim, au lieu de dire apud Heracleam & Lucaniæ fluvium Sirim. (D. J.)