L’Encyclopédie/1re édition/SIPHNUS

SIPHON  ►

SIPHNUS, (Géog. anc.) île que Strabon compte au nombre des Cyclades. Pomponius Méla, Pline & l’itinéraire d’Antonin écrivent Siphnos. Ptolomée, liv. III. c. xv. place dans cette île une ville à laquelle ils semblent donner le même nom.

Cette ville s’appelloit Apollonia, selon Etienne le géographe. Ptolomée marque l’île Siphnos presque au milieu des îles Cyclades, & je ne crois pas qu’aucun autre qu’Etienne le géographe l’ait placée dans la mer de Crete. On l’appelloit anciennement Meropia, selon Pline ; ses habitans sont nommés Siphnii dans Hérodote, liv. VIII. c. xlvj.

Les Siphniens tenoient leur trésor dans un endroit du temple de Delphes, & voici la raison qu’en donne Pausanias, liv. X. c. xj. Ils avoient, dit-il, des mines d’or dans leur île ; Apollon leur demanda la dixme du produit de ces mines. Ils firent donc bâtir un trésor dans le temple de Delphes, & y déposerent la dixme que le dieu exigeoit ; mais dans la suite par un esprit d’avarice, ils cesserent de payer ce tribut, & ils en furent punis ; car la mer inonda leurs mines, & les fit disparoître.

Hérodote parle d’un autre malheur que les mines avoient attiré à cette île. Ceux parmi les Samiens qui avoient déclaré la guerre à Polycrate leur tyran, se voyant abandonnés par les Lacédémoniens, après la levée du siege de Samos, s’enfuirent à Siphnos, où ils demanderent à emprunter dix talens. Siphnos étoit alors la plus riche de toutes les îles, & l’on regardoit comme un grand trésor la dixieme partie de l’or & de l’argent que l’on prenoit tous les ans sur le rapport des mines pour envoyer au temple de Delphes. Cependant la proposition des Samiens fut rejettée ; mais ils ravagerent tout le pays, après avoir mis en fuite tous les habitans que l’on obligea de donner cent talens de rançon pour retirer leurs prisonniers. On prétend que la Pythonisse avoit prédit ce malheur ; consultée par ceux de Siphnos pour savoir si leurs richesses se soutiendroient long-tems, elle répondit qu’ils se donnassent bien de garde d’une ambassade rouge dans le tems que leur hôtel de ville & leur marché seroient tous blancs. Il semble que la prophétie s’accomplit à l’arrivée dés Samiens, dont les vaisseaux étoient peints de rouge, suivant l’ancienne coutume des insulaires, chez qui le bol est fort commun, & l’hôtel de la ville de Siphnos, de même que le marché, étoient revêtus de marbre blanc.

Théophraste, Pline, Isidore rapportent qu’on tailloit à Siphnos avec le ciseau des pots à feu d’une certaine pierre molle, lesquels pots devenoient noirs & très-durs après qu’on les avoit échaudés avec de l’huile bouillante. Cette terre n’étoit autre chose que de la mine de plomb qui est commune dans cette île ; mais Siphnus étoit encore plus célebre par ses mines d’or & d’argent, dont il ne reste pas aujourd’hui la moindre trace.

Les mœurs des habitans étoient fort décriées, au point qu’on disoit en proverbe, vivre à la siphnienne, σιφνιάζειν, parole de siphnien, σίφνιος ἀῤῥαϐὼν, pour dire de grosses injures à quelqu’un, ainsi que nous l’apprennent Etienne le géographe, Hesychius & Suidas.

Nous n’avons que peu de médailles de Siphnus. Il y en avoit une dans le cabinet de M. Foucault, dont le type est une tête de Gordien Pie, & le revers une Pallas en casque qui lance un javelot.

Cette île se nomme aujourd’hui Siphanto. On y trouve pour toute antiquité quelques tombeaux de marbre, qui servent communément d’auge pour y faire boire les animaux. (D. J.)