L’Encyclopédie/1re édition/SILURES les

◄  SILVIUM
SILYS  ►

SILURES les, (Geog. anc.) Siluri, peuples de la Grande Bretagne. Pline, l. IV. c. xvj. les étend jusqu’à la mer d’Hibernie. Ptolomée, l. II. c. iij. qui écrit Sylures, ne leur donne que la ville Bullæum, aujourd’hui Buelth ; mais selon l’itinéraire d’Antonin, ils devoient avoir encore Ariconium, Isca Silarum, Burium Bovium, & peut-être Gobannium. Le même itinéraire leur donne aussi Venta Silurum, & Magnæ ou Magæ.

Les Silures paroissent être venus de l’Espagne, en partie à cause de leur teint, qui étoit plus brun que celui des autres, de leurs cheveux courts & frisés, au lieu que les Bretons étoient naturellement blonds, & à cause de leurs mœurs qui étoient un peu différentes de celles des autres.

On sait d’ailleurs que les anciens Cantabres ou Biscayens, qui étoient fort appliqués à la navigation, envoyerent des colonies dans l’île d’Irlande, & l’on présume que les Silures étoient des descendans de ces Cantabres transplantés, qui avoient passé dans la grande ile de Bretagne & s’y étoient établis.

Ostorius gagna sur eux une victoire décisive, dans laquelle il fit prisonnier leur roi, ses freres, ses enfans, & les envoya à Rome, se flattant d’obtenir l’honneur du triomphe. Caractacus ayant été conduit chargé de chaînes devant l’empereur, lui parla en ces termes, au rapport de Tacite.

« Si ma modération n’avoit été aussi grande que ma naissance ou ma propre fortune, Rome me verroit maintenant son allié & non son captif ; & peut-être n’auroit-elle pas refusé de mettre au rang de ses amis, un prince qui commandoit à plusieurs peuples. L’état donc où je me trouve aujourd’hui, n’est pas moins indigne de moi qu’il est glorieux pour vous. J’ai eu armes, chevaux, équipages, grandeur, revenus, soldats & sujets. Ainsi ne trouvez point étrange, si possédant toutes ces choses, qui font l’objet de l’adoration des hommes, j’ai tâché de les défendre avec courage. Puisque vous vouliez tout avoir, il falloit bien, ou me conserver par les armes ce que je possédois, ou me résoudre à tout perdre. Si je m’étois soumis bassement & en lâche, votre gloire & mon infortune seroient ensevelies dans un silence éternel ; mais après avoir rendu votre nom fameux par ma défaite & par mes malheurs, si vous me conservez la vie, celle de mes freres & de mes enfans, nous serons dans le monde un exemple mémorable, & qui ne périra jamais de votre clémence & de votre générosité ».

L’empereur Claude, touché de ce discours plein de force & de vérité, accorda le pardon à Caractacus, & lui fit ôter à l’instant ses chaînes, ainsi qu’à ses freres & à ses enfans, & à tous les captifs de leur suite. Cependant il arriva, dans l’intervalle du voyage de Caractacus à Rome, que les Silures obtinrent quelques avantages contre Ostorius. Irrités de ce qu’on les menaçoit de les transporter dans un pays étranger, comme on l’avoit pratiqué à l’égard des Sicambres, ils ne songerent plus qu’à défendre unanimement leur liberté jusqu’à la mort. Bientôt après ils taillerent en pieces deux cohortes romaines, que l’avarice des chefs & le desir du pillage avoient fait engager trop avant dans leur pays. Ensuite ils tâcherent de porter tous les autres peuples à se soulever, en les gratifiant de la plus grande partie des dépouilles qu’ils avoient faites sur leurs ennemis. Ostorius mourut de déplaisir de se voir hors d’état de terminer cette guerre. Aulus Didius qui lui succéda s’y prit mieux, ou fut plus heureux. Il arrêta les progrès des armes des Silures, qui s’étoient déja jettés sur les frontieres de la province Romaine. Enfin ils perdirent insensiblement leurs avantages, & furent soumis par Frentinus. On voit par ce qui précede que la défaite totale des Silures est renvoyée fort au-delà du regne de Vespasien, tems auquel quelques auteurs l’ont fixée. Lorsqu’on lit l’histoire d’un peuple brave qui prèfere la mort à la servitude, le cœur le plus lâche s’intéresse à son sort, & lui souhaite du succès. Alors on quitte le parti des Romains, & l’on s’enrôle parmi les honnêtes gens.