L’Encyclopédie/1re édition/SILENE

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SILENE, s. m. (Botan.) genre de plante, décrit par Dillenius, dans son Hort. elthethensis, p. 309. & que Linnæus caractérise de la maniere suivante. Le calice particulier de la fleur, est lisse, oblong, composé d’une seule feuille, découpée en cinq segmens sur les bords ; la fleur est à cinq pétales, dont les pointes sont obtuses & échancrées ; le nectarium, ou la partie de la couronne de la fleur, est comme formée de quelques denticules ; les étamines sont dix filets qui vont en pointes aiguës ; leurs bossettes sont oblongues ; le germe du pistil est cylindrique ; les styles, au nombre de trois, ou de cinq, sont communément de la longueur des étamines, les stigma sont toujours penches du côté du soleil ; le fruit est divisé en autant de cellules qu’il y avoit de stiles ; ces cellules contiennent un grand nombre de graines taillées en forme de rein. Linn. gen. plant. p. 197. (D. J.)

Silene, (Mythol.) il étoit né de Mercure, ou de Pan, & d’une nymphe. Nennus, dans ses dionysiaques, le fait fils de la Terre, c’est-à-dire qu’il ignoroit son origine. Silène, dit Orphée, étoit fort agréable aux dieux, dans l’assemblée desquels il se trouvoit fort souvent. Il fut chargé de l’enfance de Bacchus, & l’accompagna dans ses voyages.

Tous les poëtes se sont divertis à nous peindre la figure, le caractere & les mœurs de Silène ; à les en croire, il étoit ventru, ayant la tête chauve, un gros nez retroussé, & de longues oreilles pointues, étant tantôt monté sur un âne, sur lequel il a bien de la peine à se soutenir, & tantôt marchant appuyé sur un thyrse ; c’est le compagnon, & le premier lieutenant de Bacchus ; il raconte, dans le cyclope d’Eurypide, qu’il combattit les géans, à la droite de son maître, tua Encélade, & en fit voir les dépouilles au dieu, pour preuve de sa valeur ; le voilà donc, malgré sa figure burlesque, travesti en grand capitaine.

Je sais bien qu’il s’attribue le nectar & l’ambroisie, comme s’il étoit un dieu céleste ; mais je sais encore mieux par mes lectures, qu’il n’en aimoit pas moins la boisson des pauvres mortels, & qu’il s’en donna à cœur joie, à l’arrivée d’Ulysse dans l’antre du cyclope ; personne n’ignore que les vignes sont appellées ses filles, & dans Pausanias l’Ivrognerie même lui verse du vin hors d’un gobelet.

Cependant Virgile, dans une de ses plus belles éclogues (la sixieme, que M. de Fontenelle n’a pas eu raison de critiquer), ne représente pas seulement Silène comme un suppôt de Bacchus, mais comme un chantre admirable, & qui dans sa jeunesse avoit fait de bonnes études philosophiques.

Deux bergers, dit le poëte, le trouverent un jour endormi au fond d’une grotte ; il avoit, selon sa coutume, les veines enflées du vin qu’il avoit bû la veille, sa couronne de fleurs tombée de sa tête, étoit auprès de lui, & un vase pesant, dont l’anse étoit usée, pendoit à sa ceinture ; le vieillard avoit souvent flatté les bergers de l’entendre chanter de belles choses ; ils se jettent sur lui, & le lient avec des guirlandes ; Eglé, la plus jolie de toutes les nymphes, Eglé survient, & se joignant à eux, les encourage ; & au moment où il commençoit à ouvrir les yeux, elle lui barbouille tout le visage de jus de mûres ; le bon Silène riant de ce badinage, leur dit, pourquoi me liez-vous mes enfans ? laissez-moi libre ; c’est pour vous, bergers, que je chanterai ; je réserve à la charmante Eglé une autre sorte de recompense : à ces mots, il se met à commencer. Vous eussiez vû aussi-tôt les faunes & les bêtes farouches accourir autour de lui, & les chênes mêmes agiter leurs cimes en cadence ; la lyre d’Apollon ne fit jamais tant de plaisir sur le sommet du Parnasse ; jamais Orphée, sur les monts Rhodope & Ismare, ne se fit tant admirer.

Le poëte lui fait ici débiter les principes de la philosophie d’Epicure, sur la formation du monde. Il y joint beaucoup d’autres choses si jolies, que les échos des vallées, frappés de ses accords, les porterent jusqu’aux astres. Elien, de son côté, recite une conversation que Silène eut avec Midas sur ce monde inconnu, dont Platon & quelques autres philosophes ont tant parlé.

Voilà donc Silène qui, dans sa figure grotesque, étoit tout ensemble buveur, capitaine, chantre & philosophe. Après tout, Lucien paroît être celui qui en a fait le portrait le plus naïf, & c’est aussi d’après son tableau que Silène est représenté dans les monumens antiques ; entr’autres sur une belle agathe, expliquée par Scaliger & par Casaubon. (D. J.)

Silènes, (Mythol.) les plus considérables & les plus âgés d’entre les satyres, étoient nommés Silènes, au rapport des anciens historiens, qui les désignent souvent au pluriel ; mais il y en a un principal célebre dans la fable, & à qui les poëtes ont crû devoir donner plusieurs qualités. Voyez Silène, c’est son nom par excellence. (D. J.)