L’Encyclopédie/1re édition/SIFFLER

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SIFFLER, v. act. Imiter avec la bouche le bruit du sifflet. Voyez l’article Sifflet ; on produit ce bruit avec le sifflet même. Le merle siffle, le serpent siffle. On siffle un oiseau ; on siffle à quelqu’un sa leçon.

Siffler une piece, (Littérat.) c’est la huer tout haut ; c’est en marquer par des sifflemens les endroits dignes de mépris & de risée. L’usage de siffler aux représentations publiques, n’est pas d’institution moderne. Il est vraissemblable que cet usage commença presqu’aussi-tôt qu’il y eut de mauvais poëtes & de mauvais acteurs qui voulurent bien s’exposer aux décisions de tout un monde rassemblé dans un même lieu. Quoique nos modernes se piquent de la gloire de savoir juger sainement des pieces qui méritent leurs applaudissemens ou leurs sifflets ; je ne sai si les Athéniens ne s’y entendoient pas encore mieux que nous. Comme ils l’emportoient sur tous les autres peuples de la Grece pour la finesse & la délicatesse du goût, ils étoient aussi les plus difficiles à satisfaire. Lorsque dans les spectacles, quelqu’endroit n’étoit pas à leur gré, ils ne se contentoient pas de le siffler avec la bouche, plusieurs, pour mieux se faire entendre, portoient avec eux des instrumens propres à ce dessein. La plûpart même, autant qu’on en peut juger par quelques passages des anciens auteurs, employoient de ces sifflets de berger, que Virgile nous décrit dans une de ses éclogues :

Est mihi disparibus septem compacta cicutis
Fistula.

En effet, il y a toute apparence qu’ils usoient de ces sifflets, qui étoient composés de sept différens tuyaux, & qui par cette raison, rendoient jusqu’à sept sons différens ; en sorte qu’ils caractérisoient le degré de leur critique par un son varié plus ou moins fort du sifflet, rafinement de l’art dont nous n’avons pas encore imaginé les notes. Mais si les Athéniens siffloient avec des tons gradués les mauvais endroits d’une piece ou le mauvais jeu d’un acteur, ils savoient applaudir avec la même intelligence, aux beaux, aux bons, aux excellens morceaux. Et comme pour exprimer le premier de ces deux usages, ils employoient le mot συρίττειν ; ainsi pour marquer le second, ils avoient le terme ἐπισημαίνεσθαι.

Le docte Muret observe que les Grecs se servoient du même mot σῦριγξ, pour signifier la flute des bergers, & le sifflet des spectateurs ; comme ils se servoient aussi du mot συρίττειν, pour dire jouer de la flute, & siffler à un spectacle les endroits des pieces qui leur déplaisoient. (D. J.)