L’Encyclopédie/1re édition/SIENNE
SIENNE, (Géog. mod.) ville d’Italie, dans la Toscane, capitale du Siennois, à 9 milles de Monte-Pulciano, à 11 de Florence, à 18 de Pérouse, & à 22 de Pise.
Elle est grande & assez bien bâtie ; sa situation sur une colline fait qu’on y respire un air pur, & qu’en même tems il faut toujours monter & descendre. Ses rues sont propres & pavées de briques mises de champ.
La cathédrale, quoique gothique, passe en total pour un bel édifice ; elle est revêtue de marbre en-dedans & en-dehors ; le pavé du chœur est de marbre blanc & noir, en maniere de mosaïque. Plusieurs fontaines fournissent de l’eau dans tous les quartiers. Les couvens de religieux y sont en grand nombre, & la plûpart ont des églises riches.
L’évêché de cette ville fut érigé en métropole en 1459 ; l’université fut établie en 1387. Ce fut à Sienne que le pape Nicolas II. tint le concile qui décida que l’élection des pontifes de Rome n’appartiendroit qu’aux cardinaux. Il y a une citadelle pour la défenle de cette ville, dont le territoire rapporte du blé, du vin & d’excellent fruit. Long. suivant Cassini, 28. 51. 30. lat. 42. 22.
Pline appelle Sienne, colonia Senensis, & Tacite, colonia Seniensis. Le nom de Sena lui est donné par Caton, par l’Itinéraire d’Antonin & par Ptolomée. Plusieurs savans croient que les Gaulois sénonois bâtirent cette ville pour leur repos. Quand les Romains en devinrent les maitres, ils l’agrandirent afin d’y pouvoir loger leurs colonies.
Dans le dénombrement de leur empire, Sienne imita les autres villes ses voisines qui s’érigerent en républiques. Ensuite il s’éleva dans son sein des partis qui s’armerent les uns contre les autres. Petruccio florentin, profitant de la foiblesse des Siennois, s’empara de leur ville par surprise, & la gouverna tyranniquement.
Après sa mort, le peuple chassa ses enfans, recouvra & conserva pendant quelque tems sa liberté, sous la protection de l’empereur. Enfin Sienne fut soumise à Côme I. duc de Toscane. Philippe II. roi d’Espagne, lui céda cette ville pour payement des sommes qu’il lui devoit. Depuis lors, il ne lui est pas resté la plus petite ombre de son ancienne souveraineté.
Mais quelques papes, & des gens de lettres des plus illustres y ont pris naissance ; je dois d’autant moins oublier de les remémorer, qu’ils n’ont point laissé après eux de rejettons : cette ville est retombée dans la barbarie.
Je connois quatre papes nés à Sienne ; Alexandre III. Pie III. Paul V. & Alexandre VII.
Un des hommes du monde qui, dans les tems grossiers qu’on nomme du moyen âge, mérita le plus du genre humain, dit M. de Voltaire, est Alexandre III. élu pape en 1159, après la mort d’Adrien IV. Ce fut lui qui dans un concile abolit la servitude. C’est ce même pape qui triompha dans Venise par sa sagesse de la violence de l’empereur Frédéric Barberousse, & qui força Henri II. roi d’Angleterre, de demander pardon à Dieu & aux hommes du meurtre de Thomas Becket ; ce pape ressuscita les droits des peuples, réprima le crime dans les rois, & sut reserver au siege pontifical de Rome le privilege de la canonisation des saints. Après avoir gouverné sagement l’Eglise, il mourut comblé de gloire le 30 Août 1181.
Pie III. fils d’une sœur du pape Pie II. succéda à Alexandre VI. le 22 Septembre 1503. Il est loué dans les épîtres de Marsile Ficin, de Philelphe, de Sabellicus & de quelques autres gens de lettres, qui avoient conçu de grandes espérances de son gouvernement ; mais il mourut peu de jours après son exaltation d’une plaie à la jambe, avec soupçon d’avoir été empoisonné.
Paul V. (Camille Borghèse), originaire de Sienne, succéda au pape Léon XI. Monté sur le trône pontifical, il reprit les fameuses congrégations de auxiliis, & défendit aux deux partis de se censurer. Ensuite il s’avisa d’excommunier & d’interdire la république de Venise, pour avoir fait des lois qu’il jugeoit contraires aux libertés des ecclésiastiques ; mais les Vénitiens armerent, & Paul V. leva l’interdit & l’excommunication. Depuis lors il s’appliqua à embellir Rome, & à rassembler dans son palais les plus beaux ouvrages de peinture & de sculpture. Il mourut en 1621, à 69 ans, & eut pour successeur Grégoire XV.
Alexandre VII. de la famille des Chigi, né à Sienne en 1599, succéda à Innocent X. en 1655. Une de ses premieres démarches fut de renouveller les censures de son prédécesseur contre les cinq propositions de Jansénius. Il composa lui-même un nouveau formulaire qui fut reçu en France par une déclaration enregistrée, & par tous les évêques, excepté par quatre qui refuserent de signer ce formulaire. Alexandre VII. nomma neuf évêques françois pour faire le procès aux quatre prélats réfractaires, ce qui ne servit qu’à aigrir davantage les esprits.
Louis XIV. & le pape étoient alors en bonne intelligence ; l’insulte faite au duc de Crequi en 1662 avoit été réparée par sa sainteté, & le roi lui avoit rendu la ville d’Avignon. Ce pontife mourut peu de tems après en 1667, âgé de 68 ans, & eut pour successeur Clément IX.
On dit que dans le tems de sa nonciature d’Allemagne, il avoit resolu de quitter la religion romaine, & d’embrasser la protestante ; mais que la mort du comte Pompée son parent, qui fut empoisonné en passant par Lyon, pour se retirer en Allemagne, après son abjuration, lui fit retarder l’exécution de son premier dessein, & que son élévation au cardinalat lui inspira de toutes autres vues. Il aimoit les belles-lettres ; & quoiqu’il fût poëte médiocre, on a cependant imprimé au Louvre en 1656, un volume in-fol. de ses poésies, sous le titre de Philomathi musæ juveniles.
Je passe aux simples hommes de lettres nés à Sienne, & quelques-uns d’eux ont immortalisé leur nom.
Bernardin de Sienne étoit cependant natif de Massa-Carera en 1583. mais on lui donna le surnom de Sienne, parce qu’il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Ses prédications, ses austérités, son humilité, son zele pour le soulagement des pestiférés, lui acquirent une très-grande gloire. Il devint vicaire général des freres de l’observance de S. François dans toute l’Italie ; il y réforma, ou établit de nouveau plus de trois cens monasteres, & refusa les évêchés de Sienne, de Ferrare & d’Urbin.
Pour animer davantage la dévotion des fideles, il fit faire un beau tableau, au milieu duquel étoit peint notre Sauveur entouré du soleil, & il obligeoit le peuple à adorer Jesus-Christ dans ce tableau. Cette conduite fut imitée par plusieurs moines du même ordre, qui exposoient le tableau en public dans les processions. Cependant quelques personnes sages n’approuvant point cette nouveauté, & craignant qu’on ne rendît plus d’honneur au tableau qu’à l’original, porterent l’affaire au tribunal de Martin V. Ce pape, après avoir fait là-dessus une consultation de prélats & de docteurs éclairés, défendit à Bernardin cette pratique comme dangereuse & superstitieuse, & Bernardin s’y conforma.
Il mourut à Aquila l’an 1444, dans la soixante-quatrieme année de son âge, & Nicolas V. l’a canonisé. Ses œuvres qui ne roulent que sur des sujets de dévotion, ont été imprimées à Vénise chez les Juntes en 1595, par les soins de Rodulphe, évêque de Sinigaglia, & à Paris l’an 1636 en deux vol. in-fol. par ceux du pere la Haye. Le style de S. Bernardin n’est ni pur, ni élevé ; mais dans le recueil donné sous son nom, les sermons qui sont véritablement de lui, contiennent une morale simple, dépouillée des fausses pensées & des jeux de mots de la plûpart des sermonaires d’Italie.
Catharin (Ambroise), célebre théologien du xvj. siecle, natif de Sienne, enseigna le droit dans plusieurs universités d’Italie, sous son nom de Politus Lancellotus. Il entra dans l’ordre de S. Dominique l’an 1515, à l’âge de 33 ans ; il prit alors le nom d’Ambroise Catharin, se donna tout entier à la Théologie, & se rendit bientôt célebre par ses écrits. Il parut avec éclat au concile de Trente en 1545, fut évêque de Minori en 1547, & archevêque de Conza en 1551. Il mourut subitement quelque tems après, & lorsqu’il touchoit au moment d’être nommé cardinal.
Il a publié un grand nombre d’ouvrages, & avancé dans quelques-uns des sentimens libres & hardis, sans s’embarrasser s’il s’écartoit de ceux de S. Augustin, de S. Thomas & des autres théologiens. Il déclare dans un traité sur la Prédestination, que Dieu n’a point prédestiné les hommes par un decret immuable, mais que leur salut dépend du bon usage qu’ils font des graces que l’Etre suprème leur accorde. Il établit la chûte d’Adam dans le péché qu’il fit en mangeant du fruit défendu, qui est, dit-il, un péché en nous en tant que notre volonté est comprise dans la sienne. Il pense aussi que Jesus-Christ seroit venu sur la terre quand même Adam n’auroit pas péché. Il prétend que S. Jean l’évangéliste n’est point mort, mais qu’il a été enlevé au ciel comme Henoch & Elie. Dans son traité de la Résurrection, loin de damner les enfans morts sans baptême, il assure qu’ils jouissent d’une félicité convenable à leur état. Il soutient dans un autre ouvrage que ces paroles, ceci est mon corps, ceci est mon sang, ne sont qu’énonciatives, & que Jesus-Christ n’a point consacré en les prononçant.
Enfin il a défendu au concile de Trente un sentiment qui a présentement un grand nombre de sectateurs en sorbonne, savoir, que l’intention extérieure est suffisante dans le ministre qui administre les sacremens ; c’est-à-dire que le sacrement est valide, pourvu que celui qui l’administre fasse extérieurement les cérémonies requises, quoique intérieurement il puisse avoir la pensée de se mocquer du sacrement & des choses saintes.
Ferrari (Jean-Baptiste), jésuite de Sienne, mort en 1655, a donné au public un dictionnaire syriaque utile, imprimé à Rome en 1622, in-fol. sous le titre de Nomenclator syriacus. Il temoigne dans sa préface qu’il a été aidé par de savans maronites sur l’interprétation des termes les plus obscurs.
Ochino (Bernardino) fut un de ces ecclésiastiques d’Italie, qui sortirent de leur pays dans le xvj. siecle, pour embrasser la religion protestante. Ochin avoit été d’abord cordelier, puis capucin, & même général de ce dernier ordre. Les historiens du tems disent qu’il enchantoit ses auditeurs par la grace, la politesse, l’abondance, la douceur & la pureté de son style. Il quitta l’habit de capucin, embrassa le luthéranisme, & passa par Geneve pour se rendre à Augsbourg. Il entreprit en 1547 le voyage d’Angleterre avec son ami Pierre martyr, d’où il fut appellé à Zurich en 1555 pour y être ministre de l’église italienne, qu’il desservit pendant huit ans.
Ses dialogues qu’on imprima, & qui sembloient contenir entr’autres erreurs l’approbation de la polygamie, irriterent les magistrats de Zurich, qui le chasserent de leur ville en 1563. Comme on ne voulut pas lui permettre de s’arrêter à Basle, seulement pendant l’hyver, il poursuivit tout de suite sa route en Pologne ; mais à peine y étoit il arrivé, que le nonce Commendon l’obligea d’en sortir, en vertu d’un édit qu’il obtint contre tous les hérétiques étrangers. Ochin se rendit en Moravie, & mourut à Slaucow en 1564, âgé de 77 ans. La peste l’emporta, lui, ses deux filles & son fils.
La liste de ses écrits se trouve dans la bibliotheque des Antitrinitaires. Il publia en italien six volumes de sermons ; une exposition de l’épître de S. Paul aux Romains, un commentaire sur l’épître aux Galates ; un dialogue sur le purgatoire ; des apologues, &c. La plûpart de ces livres ont été traduits en latin ; mais les ouvrages de cet auteur qui ont fait le plus de bruit, & qu’il est difficile de trouver, sont ses dialogues, ses labyrinthi sur la prédestination & le franc-arbitre, & ses sermons sur la messe.
Ochin publia ses dialogues au nombre de trente en italien ; Castalion les mit en latin, & les fit imprimer à Basle en 1563. Le vingt-unieme de ses dialogues traite de la polygamie. Il n’est pas vrai cependant qu’il tâche d’y prouver qu’il est permis, & qu’il est même ordonné aux Chrétiens d’épouser autant de femmes qu’il leur plaît. Si vous lisez le commencement du dialogue de polygamiâ, vous verrez que l’état de la question est celui-ci : « Un homme qui souhaite des enfans, & qui est marié à une femme stérile, maladive, & avec laquelle il ne sauroit s’accorder, peut-il en épouser une autre, sans répudier la premiere » ? Ochin suppose qu’on le consulte sur un tel cas de conscience. Il prend le parti de la négative ; & après avoir mis dans la bouche de son consultant les raisons les plus favorables à la pluralité des femmes, & avoir répondu foiblement d’assez bonnes choses, il conclut par conseiller de recourir à la priere, & par assurer que si l’on demande à Dieu avec foi la continence, on l’obtiendra. Il déclare enfin que si Dieu ne donne point la continence, on pourra suivre l’instinct que l’on connoîtra certainement venir de Dieu. Voila du pur fanatisme, mais il n’y a rien de plus.
M. Simon, dans son hist. critiq. des comment. du N. T. c. lv. parle fort pertinemment des dialogues d’Ochin, qui roulent sur la Trinité. Il reconnoît que l’auteur ne s’y déclare pas tout-à-fait unitaire ; il rapporte seulement les raisons de part & d’autre, en poussant fort loin les argumens des antitrinitaires, sous prétexte d’y répondre.
Les labyrinthes de cet écrivain, ont paru à Bayle l’ouvrage d’un homme qui avoit l’esprit net & pénétrant. Ochin, dit-il, y prouve avec force que ceux qui soutiennent que l’homme agit librement, s’embarrassent dans quatre grandes difficultés, & que ceux qui tiennent que l’homme agit nécessairement, tombent dans quatre autres grands embarras ; si bien qu’il forme huit labyrinthes, quatre contre le franc-arbitre, & quatre contre la nécessité. Il se tourne de tous les côtés imaginables pour tâcher de rencontrer une issue, & n’en trouvant point, il conclud à chaque fois par une priere ardente adressée à Dieu, afin d’être délivré de ces abîmes. Néanmoins dans la suite de l’ouvrage, il entreprend de fournir des ouvertures pour sortir de cette prison ; mais il conclud que l’unique voie est de dire comme Socrate ; unum scio, quod nihil seio. Il faut se taire, dit-il, & juger que Dieu n’exige de nous ni l’affirmative, ni la négative sur des points de cette nature.
M. d’Aubigné discourt assez au long des sermons d’Ochin sur la messe. Cet italien, dit-il, vouloit premierement que le service fût en langage vulgaire, & qu’on en supprimât plusieurs ornemens, afin de pouvoir dire sur le reste que c’est la cêne du Seigneur qui s’est faite religieuse, per parer piu sancta. Ochin a donné douze sermons sur la messe. L’un porte pour titre missæ tragæedia, ac primum quomodo concepta, nota, baptisata suerit. L’autre, quomodo nutrita, educata, ornata, ditataque ad summam prœstantiam pervenerit. Cette maniere dramatique sent tout-à-fait le génie des Italiens, & ne respire point la dignité que demandent les mysteres.
Patricis (Francisco) siennois, évêque de Gaiete, florissoit dans le xv. siecle sous Sixte IV. & mourut en 1494. Il publia deux ouvrages, l’un de regno & regis institutione lib. IX. l’autre, de reipublicæ institutione. lib. IX. Ces deux traités firent du bruit ; cependant ni l’un, ni l’autre ne sont estimés des connoisseurs, parce qu’il y regne plus de lecture que de jugement. Le premier a paru deux fois à Paris ; savoir, en 1519 & en 1530, in-felio. Le second a été traduit en trançois par le sieur de Mouchetierre, & imprimé à Paris en 1610 in-8°.
Les Piccolomini ont fait un grand honneur à Sienne leur patrie. Piccolomini (Alexandre), archevêque de Patras, florissoit dans le xv. siecle, & prouva par ses écrits l’étendue de sa science. Il publia des ouvrages sur la théorie des planetes, les étoiles fixes, les questions méchaniques, la philosophie, la morale, la rhétorique, & la poétique d’Aristote. Il se servit de sa langue maternelle dans la plûpart de ses ouvrages, & il passe pour être le premier qui en ait usé de la sorte en matiere de philosophie & d’érudition. Imperialis l’en blâme, mais avec noblesse : Efferbuit mirè, dit-il, ingenium Alexandri Piccolominei senensis, in cogendo sub etruscis vexillis agmine scientiarum omnium, quo intentato aliàs fascinore, immortalem sibi pararet in Italicâ celebritate triumphum. Le traité que Piccolomini mit au jour sur la réformation du calendrier, mérita les éloges des plus grands juges ; mais son application à des ouvrages sérieux, ne l’empêcha point de s’amuser à la poésie, & à donner des pieces de théâtre : ses deux comédies l’Alessandra, & l’Amor constante, furent fort estimées. Il mourut à Sienne, en 1578, âgé de 70 ans.
M. de Thou étant en Italie, en 1573, l’alla voir avec Paul de Foix, embassadeur de Charles IX. Ils le trouverent tout occupé à l’étude, & plein de la consolation qu’il éprouvoit dans la lecture, au milieu des infirmités de la vieillesse, multa (dit de Thou) de studiis suis disseruit, eorumque se demùm in eâ ætate dulcissimum fructum capere dixit, aliis oblectamentis deficientibus, quibus aliæ ætates innocenter, & citrà offensam gaudere possunt. Quod cùm dicebat, non tam senectuti solatium quoerere dicebatur, quàm adolescentes qui aderant, quâ humanitate erat ad desidiam vitandam, & Philosophiæ studia capessenda, exemplo suo cohortari.
Piccolomini (François) de la même famille qu’Alexandre, s’attira l’admiration de toute l’Italie par la beauté de ses leçons philosophiques, qu’il donna pendant 53 ans avec la même réputation, à Sienne, à Maxerata, à Pérouse & à Padoue. Il mourut en 1604, âgé de 84 ans, sans jamais avoir eu besoin de lunettes. Ses funérailles témoignerent d’une façon singuliere l’estime que les Siennois lui portoient ; car toute la ville prit le deuil le jour de son enterrement, & l’on ferma tous les tribunaux. Son ouvrage latin de philosophia morali, imprimé à Venise en 1583, lui fit beaucoup d’honneur. Le p. le Moine dans ses peintures morales, parle de cet ouvrage avec estime, & en critique aussi quelques endroits.
Sixte de Sienne, né juif à Sienne, se convertit au christianisme, embrassa l’ordre de S. Dominique, & mourut en 1566, à l’âge de 49 ans. Il mit au jour, en 1566, sa bibliotheque sainte, dans laquelle il expose la critique des livres de l’ancien Testament, & indique des moyens de les expliquer. Les catholiques & les protestans paroissent en général fort prévenus en faveur du mérite de cette bibliotheque, dont la meilleure édition est celle de Naples, en 1742, en deux volumes in-fol. Cependant, pour ne rien déguiser, c’est un ouvrage très-imparfait. L’auteur y juge communément en mal-habile homme de ceux dont il parle. Son érudition critique est fort chétive, ce qui ne doit pas surprendre ; car Sixte ne savoit bien que l’hébreu, médiocrement le latin, & très-peu le grec.
Je ne connois point de famille plus illustre dans les lettres que celle des Socin, tous nés à Sienne. Ils se sont distingués dans la jurisprudence & dans la théologie, pendant deux siecles consécutifs, pere, fils, petits-fils, arriere-petits-fils, oncles & neveux.
Socin (Marianus) naquit à Sienne, en 1401, & mourut en 1467. Ce fut l’homme le plus universel de son siecle, & le premier jurisconsulte, au jugement d’Æneas Silvius, & de Pancirole, qui a donné sa vie. Le pape Pie II. le combla de marques de son estime.
Cet homme illustre eut cependant un fils qui le surpassa, j’entends Socin (Barthélemi), né à Sienne, en 1437. Sa réputation le fit appeller à Ferrare. à Boulogne & à Pise, au moyen d’une pension de mille ducats. Il mourut en 1507. On a imprimé à Venise ses consultations avec celles de son pere, en 1579, en quatre volumes in-fol.
Socin (Marianus) petits-fils du précédent, & non moins célebre, naquit à Sienne en 1482, & mourut en 1556. Il professa le droit comme son grand-pere, dans plusieurs universités d’Italie, succéda à Alciat, & Boulogne sut enfin le retenir par des pensions & des privileges extraordinaires. Il eut treize enfans, entre lesquels Lélius & Alexandre se distinguerent éminemment.
Socin (Lelius) le premier auteur de la secte socinienne, naquit à Sienne, l’an 1525. Il commença par étudier le droit, mais ayant encore plus de goût pour la Théologie, il apprit le grec, l’hébreu, l’arabe, & voyagea en France, en Angleterre, en Hollande, en Suisse, en Allemagne & en Pologne. Il se fit connoître aux plus savans hommes de ce tems-là, & ne feignoit point de leur communiquer ses doutes, ou plutôt ses sentimens dans les matieres de religion. Sa famille qui les embrassa, fut obligée de se disperser. Camille son frere fut mis en prison. Quelques autres parens s’évaderent, & entr’autres son neveu Fauste. Lélius se rendit à Zurich, où il mourut, en 1562. Fauste recueillit ses papiers, & les fit valoir dans la suite.
Socin (Alexandre), pere de Fauste Socin, dont nous parlerons bien-tôt, mourut en 1541, à Macerata, avec la réputation d’un docte jurisconsulte.
Socin (Fauste), fils d’Alexandre, & petit-fils de Marianus, naquit à Sienne en 1539. Il embrassa avidement, ainsi que tous ses parens, hommes & femmes, les opinions de Lélius son oncle. Aussi ce sauva-t-il de Sienne avec toute sa famille par la crainte de l’inquisition. Il revint cependant en Italie, où le grand-duc l’assura de sa protection, & lui donna des emplois honorables, qui l’empêcherent pendant 12 ans de se souvenir qu’il avoit été regardé comme celui qui mettoit la derniere main au système de théologie samosaténienne, que son oncle Lélius avoit ébauché. Enfin l’étude sérieuse de l’Ecriture l’emporta sur les délices de la cour, il s’en exila volontairement, & vint à Basle, où il séjourna trois ans, & composa son ouvrage de Jesu-Christo Servatore. Les disputes qu’il eut avec des théologiens protestans du pays, l’obligerent de se retirer en Pologne, en 1579, desirant d’entrer dans la communion des unitaires ; cependant ses ennemis ameuterent contre lui la populace, qui pilla ses meubles, & quelques-uns de ses manuscrits, qu’il regretta extraordinairement, sur-tout son traité contre les athées. Il se réfugia dans la maison d’un gentilhomme polonois, chez lequel il mourut en 1604. Mais sa doctrine, loin de mourir avec lui, a pris tant de faveur, qu’elle regne & domine à présent d’une maniere invisible dans toutes les sectes chrétiennes.
Les beaux arts ont été accueillis des Siennois, en même tems que les sciences.
Lorenzetti (Ambroise), né à Sienne dans le xjv. siecle, & contemporain de Giotto, apprit de lui les secrets de la peinture. Mais poussant plus loin son génie, il se fit un genre particulier, & s’y distingua. Il fut le premier qui tenta de représenter en quelque sorte les vents, les pluies, les tempêtes, & ces tems nébuleux, dont les effets sont si piquans sur la toile.
Vannius (François), né à Sienne en 1563, mort à Rome en 1609, fit remarquer dans ses ouvrages un coloris vigoureux, joint à la touche gracieuse du Correge. Il mit en même tems beaucoup de correction dans ses desseins, & fut comblé de faveurs par le pape Alexandre VII. son tableau de Simon le magicien qu’on voit dans l’église de S. Pierre à Rome, passe pour son chef-d’œuvre. (Le Chevalier de Jaucourt.)
Sienne, la, (Géog. mod.) riviere de France, dans la Normandie, au Cotentin, vers le midi du diocèse de Coutances. Elle a sa source dans la forêt de S. Sever, se grossit de plusieurs petits ruisseaux, & après avoir reçu la Sône, elle va se perdre dans la mer du Havre. (D. J.)