L’Encyclopédie/1re édition/SESTERCE
SESTERCE, s. m. (Monnoie romaine.) le sesterce étoit une petite piece d’argent, qui valoit le quart du denier ou deux as & demi. Cette marque H. S. signifie dipondium cum semisse, & sestertius est la même chose que semistertius.
Les Romains comptoient par sestertii & par sestertia, car on ne trouve jamais sestertium au singulier, parce qu’on disoit mille sestertii, & non pas unum sestertium.
Les sestertia, qui étoient une monnoie de compte comme le talent, valoient autant de milliers de ces petites pieces d’argent, nommées sestertii, qu’il y avoit d’unité dans le nombre. Ainsi sestertia X. ou sestertium decem supplée millia, c’étoit dix mille petits sesterces.
Ce n’est que par le sujet qui est traité qu’on peut reconnoître s’il s’agit de grands ou de petits sesterces, les uns & les autres s’exprimant par cette marque H. S. le sestertius, parce qu’il valoit deux as & demi, & le sestertium, parce qu’il valoit deux livres & demie d’argent.
M. de S. Réal s’est persuadé que les Romains ne se servoient de cette marque H. S. que pour les petits sesterces, & que pour les grands ils écrivoient tout-au-long sestertia, au-lieu que les copistes avoient écrit en abrégé les uns & les autres. Mais cette opinion nous paroît sans fondement ; l’uniformité qui se trouve dans les manuscrits fait voir que cette maniere de marquer les grands sesterces ne vient point des copistes. Il y a même un endroit dans Suétone qui prouve décisivement que les Romains écrivoient en abrégé les grands sesterces, aussi-bien que les petits ; c’est dans la vie de Galba, cap. VI.
Quand on trouve sestertium decies numeratum esse dans Cicéron, c’est une syllepse de nombre, où numeratum, qui se rapporte à negotium, est pour numerata, qui se devroit dire, comme il est même en quelques éditions, parce que l’on suppose centena millia. De même, an accepto centies sestertium fecerit, dans Velleius Paterculus pour acceptis centies centenis millibus sestertium. De même encore, trapezitæ mille drachmarum sunt redditæ, pour res mille drachmarum est reddita, Plaut.
Or comme les anciens ont dit, decies sestertium ou decies centena millia sestertium, ils ont dit aussi decies æris pour decies centena millia æris.
Souvent le mot de sestertium est omis dans les auteurs par une figure nommée ellipse, comme fait Suétone dans la vie de César, promissumque jus annulorum cùm millibus C C C C distulit ; & le même dans la vie de Vespasien, primus è fisco latinis, græcis, rhetoribus annua centena constituit, c’est-à-dire, centena millia sestertium.
Selon l’opinion de M. Gassendi, l’as romain valoit neuf deniers de notre monnoie, (l’once d’argent étant estimée sur le pié de soixante-dix sols), le denier romain valoit dix as, c’est-à-dire huit sols de notre monnoie, & le petit sesterce, nommé en latin sestertius, valoit, suivant ce calcul, deux sols ; le grand sesterce, qui en comprenoit mille petits, valoit environ cent & une livres dix-sept sols ; aujourd’hui que l’once d’argent est estimée sur le pié de six livres & le marc sur le pié de cinquante livres, le sesterce vaudroit un peu moins de quatre sols, & les mille environ cent quatre-vingt-sept livres ; il est aisé de faire cette évaluation en tous tems d’après la valeur fixée de l’once d’argent. (Le chevalier de Jaucourt.)