L’Encyclopédie/1re édition/SENLIS

SENLIS, (Géog. mod.) par les Romains Augustomagus, Augustomagum, Atrebatum civitas ; ville de l’île de France, sur la petite riviere de Nonnette, à deux lieues de Chantilly, & à dix de Paris. Il y a dans cette ville six paroisses, bailliage, prevôté royale, présidial, élection, grenier à sel, maréchaussée & capitainerie de chasse. Cette ville est reglée en partie par la coutume de son nom, qui fut redigée en l’an 1530, & en partie par la coutume du Vexin françois. Le château où le présidial tient ses séances, a été bâti par S. Louis, & quelques enfans de France y ont été élevés.

L’évêché de Senlis est suffragant de Rheims, & a été établi, à ce qu’on dit, vers le milieu du iij. siecle. Le chapitre de la cathédrale est composé de trois dignités & de vingt-quatre canonicats ; ce chapitre a le privilege de committimus, par lettres patentes du mois de Janvier 1550, registrées au parlement le 20 Mai 1560.

Senlis est aujourd’hui un gouvernement particulier de l’île de France. Elle étoit autrefois de la seconde Belgique, & les Romains qui l’ont bâtie, lui attribuerent un territoire. Hugues Capet étoit déjà propriétaire de cette ville, lorsqu’il fut élu roi. Longit. suivant Cassini, 19. 36. 30. lat. 49. 12. 26.

Goulart (Simon), un des plus infatigables écrivains d’entre les Protestans, étoit natif de Senlis, & fut ministre à Genève. Peu de gens ont exercé cet emploi aussi long-tems que lui, car il succéda à Calvin l’an 1564, mourut l’an 1628, âgé de 86 ans, & il avoit prêché sept jours avant sa mort. Il étoit tellement au fait de tout ce qui se passoit en matiere de librairie, qu’Henri III. desirant connoître l’auteur qui se déguisa sous le nom de Stephanus Junius Brutus, pour débiter sa doctrine républicaine, envoya un homme exprès à Simon Goulart, afin de s’en informer ; mais Goulart qui savoit en effet tout le mystère, n’eut garde de le découvrir.

La Croix du Maine vous indiquera plusieurs traductions françoises composées par notre senlisien. Ajoutez-y la version de toutes les œuvres de Séneque, & les méditations historiques de Camérarius.

Scaliger estimoit beaucoup les ouvrages de M. Goulart. Son Cyprien est si bien & si joliment travaillé, dit-il, que je l’ai lu tout d’une haleine. Quand il ne mettoit pas son nom à un livre, il le désignoit par ces trois lettres initiales S. G. S. qui vouloient dire, Simon Goulart senlisien. C’est à cette marque que le P. Labbe croit, avec raison, l’avoir reconnu pour l’auteur des notes marginales, & des sommaires qui accompagnent les annales de Nicetas Choniates, dans l’édition de Genève 1593.

Pajot (François), plus connu sous le nom du poëte Liniere, étoit surnommé de son tems l’athée de Senlis. Il étoit bien fait de sa personne, & né avec d’agréables qualités. Il avoit de l’esprit, de la vivacité & du talent pour la poésie aisée ; mais satyrique, libertin, débauché. Il acheva de se gâter par sa crapule. Il ne réussissoit pas mal à des couplets satyriques, & sur-tout à des chansons impies, ce qui fit que Despréaux lui dit un jour, qu’il n’avoit de l’esprit que contre Dieu.

Madame Deshoulieres, qui prend quelquefois le parti des mauvais poëtes, s’est efforcée autant qu’elle l’a pu, de justifier Liniere du reproche d’irréligion & de libertinage, quoiqu’il eût entrepris une critique abominable du nouveau Testament. Voici les propres vers de cette dame.

On le croit indévot, mais, quoique l’on en die,
Je crois que dans le fond Tirsis n’est pas impie.
Quoiqu’il raille souvent des articles de foi,
Je crois qu’il est autant catholique que moi

Ce dernier vers ne donneroit pas une haute idée de la catholicité de la belle muse françoise ; mais Liniere lui-même n’en avoue pas tant dans son propre portrait, où il s’explique ainsi sur les sentimens qu’il avoit de la religion.

La lecture a rendu mon esprit assez fort
Contre toutes les peurs que l’on a de la mort ;

Et ma religion n’a rien qui m’embarrasse ;
Je me ris du scrupule, & je hais la grimace, &c.

Il mourut en 1704, âgé de 76 ans. On voit de lui diverses pieces dans les volumes de poésies choisies, imprimées chez Serci. Il en court aussi beaucoup de manuscrites. (D. J.)