L’Encyclopédie/1re édition/SEINE

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Seine, terme de Pêche, sorte de filet qui sert à faire la pêche du hareng, ainsi que nous allons le dire.

Les pêches du hareng & du maquereau sont flottantes, c’est-à-dire que la tête des filets, garnie de liege reste à la surface de l’eau, ou seulement un peu plongé, à la volonté du maître pêcheur. Ces filets ne peuvent prendre que des poissons passagers ; ainsi ils ne nuisent point au bien général de la pêche.

Lorsque le bateau est arrivé au lieu où l’on se propose de faire la pêche avant de jetter à la mer la tessure, qui est toute la longueur des seines jointes ensemble, pour ne faire, pour ainsi dire, qu’un seul filet ; l’équipage amene le grand mât, & ne donne à la voile de misaine que ce qu’il lui en faut pour le soutenir à la marée pendant qu’ils tendent le filet. Les pêcheurs même des grandes gondoles font cette manœuvre en un instant, & s’ils n’ont point besoin de leur misaine, qu’ils nomment borset, ils amenent la marterelle, qui reste dans la même place ou tombe-arriere.

Ensuite on leve presque tout le pont par feuilles d’écoutilles, pour tirer des rumbs, les filets qui y sont levés ; on jette à la mer un hallin, dont le bout est soutenu d’un baril de bout ; on frappe les seines sur le hallin, de trois en trois pieces de seines, qui ont chacune quatre brasses ; on y frappe pour soutenir les seines & le hallin un quart de petite futaille ; l’autre bout du hallin est amarré au bateau, que les filets font dévirer avec eux à la marée ; les seines plongent dans eau de quelques brasses au moyen d’un petit cordage avec lequel elles sont frappées sur le hallin, qu’on peut alonger ou raccourcir suivant que l’on juge que le hareng prend le fond, ou approche de la surface de l’eau ; les filets qui sont fort lourds tombent perpendiculairement ; mais la tête est soutenue de flottes de liege amarrées sur le bauchet, ou la tête du filet à un pié de distance les uns des autres. Les harengs qui se trouvent dans le passage de la tissure sont arrêtés ; & comme il est du naturel des poissons de pousser toujours avec leur tête pour se faire passage, ils se maillent dans le filet où ils sont pris par les ouïes ; au bout de quelques heures on halle à bord les seines pour en retirer le poisson ; on ne prend de cette maniere avec les seines uniquement que des harengs, quelquefois, mais rarement, des jeunes maqueraux, quelques scelans, de fausses aloses, qui sont comprises avec les harengs sous un même genre, & qui se trouvent confondus avec eux ; les seines jointes ensemble font plus de 6 à 700 brasses pour la tissure d’un seul bateau. Toute cette manœuvre est représentée dans nos Planches.

Cette pêche doit se faire la nuit, & plus elle est obscure, plus on la peut esperer bonne. Voyez les Pl. & les fig. des pêches.

Seine ou Traîne, terme de Pêche, sorte de filet dont le coleret est une espece ; la seine est construite comme le coleret, mais elle est tirée par deux bateaux, au-lieu que le coleret l’est par des hommes ou des chevaux. Voyez Coleret. Cette pêche se fait de basse-mer, & cesse aussi-tôt que le flot commence à venir ; on ne prend ordinairement avec cet engin que des flets, lesquelles restent volontiers dans les bassures après que la mer s’est retirée.

On se sert de seines pour faire la pêche du hareng. Voyez l’article précédent.

Les seines dont on fait usage à l’embouchure des rivieres, se distinguent en seines claires & seines épaisses ; les seines claires servent à pêcher des aloses, des feintes, des saumons, & quelquefois, mais rarement, des éturgeons, & autres especes de poissons de riviere ; les mailles des seines claires sont de 11 ou 12 lignes.

Les seines épaisses n’ont au plus que cinq lignes en quarré, qui est la maille des bouts-de-quievres. Ces rets, au-lieu de plombs, sont pierrés par le bas & garnis de flottes de liege par le haut. Les Pêcheurs les alongent & les haussent ou baissent autant qu’il leur plaît ; ils les font de 60, 70, 80, 90, 100 à 200 brasses de long plus ou moins, quelquefois ils ne leur donnent qu’une brasse & demie de chûte, & quelquefois le double, suivant la largeur de la riviere & la profondeur des eaux ; les extrémités du filet sont toujours moins hautes que le milieu, pour pouvoir former une follée ou sac où le poisson se trouve arrêté, quand on vient à haler le filet à terre.

Pour faire cette pêche, il faut un bateau qui porte au large, & souvent par le travers de la riviere qu’il barre ; un bout du filet suit le bateau, & l’autre est tenu à terre par un homme ou deux. Quand le bateau a fait une grande enceinte, ceux qui sont de dans le ramenent de même bord, & on hale les deux bouts de la seine en les rejoignant ; on enveloppe de cette maniere tout ce qui s’est trouvé dans l’enceinte du filet qui dérive au courant de l’eau quelquefois l’espace d’un quart de lieue, les Pêcheurs s’entr’aident pour haler la seine sur les bancs, d’autant que le travail est fort rude, à cause de la pesanteur du filet & de sa grandeur. La seine épaisse sert à prendre des éperlans, & généralement tout ce qui se trouve dans l’enceinte du filet, & il y a des tems différens que l’ordonnance a fixés pour faire la pêche avec ces deux différens filets.

Dans quelques endroits où l’on se sert de grandes seines dont le poids est considérable, les Pêcheurs les halent à terre avec des virevaux ou treuils qu’ils transportent où ils jugent à propos ; cette manœuvre qui est la même que quand on vire au cabestan, leur est d’autant plus commode qu’ils sont ainsi dispensés de se mettre en grande troupe pour faire cette pêche.

Il y a encore des seines qu’on appelle seines dérivantes ; cette pêche est libre dans la riviere de la Villaine, dans le ressort de l’amirauté de Nantes en Bretagne, pourvu que le pêcheur qui la veut faire, la fasse seul.

Comme le lit de la riviere est peu large, il frappe à terre un piquet où il amarre un des cordages ou bras du filet, ensuite il s’éloigne l’espace qu’il juge à propos, & le tend de la même maniere que font les autres pêcheurs qui se servent de seines ; son filet est aussi tendu en demi-cercle, & revient de même au piquet en halant à lui l’autre cordage ou bras qui est resté amarré à son bateau ; comme les seines sont fort petites, il peut aisément faire seul cette manœuvre ; quand ils sont deux dans le bateau, un desquels est souvent un jeune garçon, ce dernier reste à terre, & l’autre tend le filet qu’ils relevent ensuite ensemble, comme on fait par-tout ailleurs.

Il y a d’autres seines, entre lesquelles sont les petites seines dormantes, ainsi appellées, parce qu’elles sont sédentaires ; cette pêche qui est particuliere, ne se fait qu’à la basse-eau.

Le filet dont se servent les Pêcheurs est une petite seine ou filet long au plus de trois à quatre brasses de long, ayant environ une brasse & demie à deux brasses de fond ; chaque bout est amarré sur une perche, haute de deux à deux brasses & demie ; deux hommes tenant chacun la perche du filet, entrent à la basse-eau dans la mer le plus avant qu’il leur est possible sur des fonds de sable, ayant souvent de l’eau jusqu’au col ; l’ouverture du ret est exposée à la marée & au courant ; & comme la lame dans cette partie des côtes d’O. N. O. de l’amirauté de Quimper est toujours fort élevée quelque calme qu’il puisse faire, à cause des courans formés par la proximité des îles voisines ; lorsque ceux qui pêchent de cette maniere voient venir la houle qui ne manqueroit pas de les couvrir, ils s’élancent au-dessus en s’appuyant sur la perche dont le pié est un peu enfoncé dans le sable, ce qu’ils font avec d’autant plus de facilité que le volume de l’eau les aide à s’élever, ainsi ils évitent la vague qui amene à la côte des mulets & d’autres especes ; quand les Pêcheurs présument qu’il y a du poisson dans le filet, dont les mailles sont de vingt & dix-huit lignes en quarré, ils se rapprochent l’un de l’autre, & enveloppent ce qui est dedans ; & après l’avoir retiré, ils continuent la même manœuvre tant que la marée la leur permet, en reculant toujours du côté de la côte à mesure qu’elle monte, & ils ne finissent la pêche que quand la hauteur de l’eau les oblige de la cesser.

Le tems le plus commode pour faire cette petite pêche est depuis le mois de Mai jusqu’au commencement de Septembre : comme ce filet ne traîne point, & qu’il reste sédentaire sur le fond, cette maniere de pêcher ne peut causer aucun préjudice, d’ailleurs on n’y peut prendre que de gros poissons avec des mailles aussi ouvertes ; nous l’avons nommée seine dormante, à cause de son opération, les Pêcheurs ne la peuvent traîner ; ils ne font qu’exposer leurs rets à la mer. Voyez les Planches & les fig. de la Pêche.

Une autre sorte de seine s’appelle seine traversante. En voici la manœuvre.

Quand les Pêcheurs veulent se servir de ce filet pour faire la pêche, ils se mettent ordinairement quatre bateaux ensemble pour en faire la manœuvre, la chaloupe qui pêche, c’est-à-dire celle qui porte le filet, a cinq hommes d’équipage pour tendre ; quatre hommes nagent, de maniere que le cinquieme tend la seine, la place en demi-cercle ; un des bouts est amarré à l’arriere du bateau, & pour le relever, deux des pêcheurs se mettent à l’avant ; le bateau tournant suivant l’établissement du filet, & pour empêcher le poisson qui se trouve dans l’enceinte d’en sortir ou de sauter au-dessus des flottes de liége qui la tiennent à fleur d’eau, deux des trois autres bateaux entrent dans l’enceinte & battent l’eau avec leurs avirons ; ils s’en servent aussi pour lever le filet par les flottes, le troisieme bateau se met en-dehors & fait aussi la même manœuvre.

Ces filets ont leurs pieces chacun de trente brasses de long & de trois de chûte ; les Pêcheurs s’en servent également à la mer, comme aux embouchures des rivieres ; ils se mettent ordinairement cinq pêcheurs ensemble, fournissent chacun une piece de filet, ce qui fait environ cent cinquante brasses de longueur, lesquelles montées & jointes ensemble ne donnent au plus que soixante-dix à quatre-vingt brasses d’étendue, à cause du sac & du ventre qu’il faut que forme ce filet pour y arrêter le poisson plat & le poisson rond.

Cette pêche se fait en tout tems, & hors la saison de la sardine le tems le plus favorable est celui des chaleurs de l’été, parce qu’elles font lever le poisson de dessus les fonds ; quelques-uns, comme les vieillards & les jeunes gens qui ne font point la pêche de la sardine, font celle-ci en tout tems.

Ces mêmes filets placés sédentaires sur les fonds servent aussi à faire la pêche des mulets & du poisson blanc, pour-lors ils doivent être regardés comme des especes d’haussieres de basse Normandie, & des cibaudieres & petits rieux des pêcheurs normands & picards.

Seine ou Senne caplaniere, terme de Pêche, usité par les Pêcheurs du ressort de l’amirauté de S. Malo, & qui désigne une sorte de filet, avec lequel ils font la pêche des petits poissons propres à servir d’appât pour la pêche de la morue sédentaire aux côtes de Terre-neuve.

On reproche encore aux Pêcheurs terre-neuviers de se servir au retour de leur voyage des seines caplanieres, qui leur sont nécessaires pour prendre les caplans, harengs, sardines, maquereaux, & autres sortes de poissons qui servent à faire la boîte de la pêche le long des côtes de Terre-neuve, où il y a toujours, suivant la force des équipages, quelques chaloupes qui sont destinées à pêcher l’appât, & que l’on nomme à cet effet caplaniere ; elles ont coutume de seiner ces sortes de poissons, & de revenir le soir vers leur échaffaut, afin d’en fournir les Pêcheurs lorsque ces chaloupes partent du matin pour la pêche ; quelquefois même on tient dans l’enceinte de la seine ou senne, les poissons qui s’y trouvent pris, pour ne les en retirer qu’à mesure qu’on en a besoin, pour avoir une boîte plus fraîche & plus nouvelle.

Les Pêcheurs de S. Malo n’ont pour la pêche en mer que trois petits bateaux seulement du port de deux à trois tonneaux, montés de trois, quatre à cinq hommes d’équipage, qui font en mer la pêche le long de la côte avec les rets, nommés trésures, étales ou étalieres, qui sont les séchées des pêcheurs des côtes de l’amirauté de Morlaix, & quelquefois lorsqu’ils n’ont rien autre chose à faire, celle de la pêche de la ligne au libouret pendant seulement les mois de Juin, Juillet, Août & Septembre ; durant cette saison des chaleurs, ils font aussi la pêche du lançon ou esquille, à la senne ou seine, mais d’une maniere différente de cette même pêche pratiquée par les Pêcheurs de pié d’Oystrehan & de Gray, sur les côtes du Benin ; ceux de S. Malo ne pouvant aller qu’avec bateaux sur les lieux de la pêche.

Cette pêche se fait sur les bancs de gros sables de l’île Herbours placée à l’O. de S. Malo par le travers de la Caplaniere, paroisse des Lunacco de Pontval, on la fait aussi sur les sables à Cézambre, où il n’y a jamais de gué ou passage à pié & sur la paille, placé par le travers de Dinars, paroisse de S. Enogats, où on ne peut aussi se rendre qu’avec bateaux.

Seines flottantes a fleur d’eau, terme de pêche, usité dans le ressort de l’amirauté de Brest ; ce sont des filets que les pêcheurs nomment improprement seines, & que l’on doit regarder plutôt comme une espece de picots flottans, à la différence de ces mêmes filets dont se servent aux embouchures des rivieres & des bayes les pêcheurs du pays d’Auge & de la basse Normandie, qui les tendent sédentaires par fond ; les filets des pêcheurs de Léon se tiennent à fleur d’eau, où ils sont soutenus par des flottes de liege, & n’ont des pierres fort éloignées les unes des autres que pour faire caler le filet de sa hauteur ; ils ne le laissent pas long-tems à la mer, & ne le tendent que lorsqu’ils apperçoivent des poissons en troupe ; aussi-tôt que le ret a fait son enceinte, & qu’ils en ont rejoint les deux bouts, ils le relevent en prenant le filet, un homme par la tête, & un autre par le pié ; ce ret tendu de cette maniere, & relevé de même au large de la côte, ne peut être abusif, ni regardé comme la seine traînante dont la manœuvre est toute différente, ainsi la pêche en doit être permise sans aucune difficulté.

Seine ou Seune, terme de pêche, en usage dans le ressort de l’amirauté de S. Malo.

Les petits pêcheurs de S. Malo qui font la pêche du lançon autour de l’île Herbours & de la Paille, commencent à tendre leurs filets, lorsque les bancs qui les entourent se découvrent de marée baissante des vives eaux ; mais autour de Cezambre, la pêche du lançon ne se fait que de morte eau seulement.

Les bateaux sont mâtés en quarré, pincés avant & arriere, n’ayant qu’un seul mât, une voile & un foc dont ils ne se servent qu’autant qu’ils en ont besoin, ils sont ordinairement dans ces bateaux cinq hommes d’équipage.

Leurs seines ont environ 30 à 35 brasses de longueur, & 15 à 16 piés de chute ou de hauteur ; elles sont agrées de même que les seines ordinaires, avec un canon ou échalon de bois de chaque côté ; les jets, brasses ou hales sont d’une longueur proportionnée à l’endroit où ils veulent tendre leurs filets, dont les mailles ont 4, 5 à 6 lignes en quarré formées d’assez gros fils ; le tête garnie de flottes de liége, & la corde du pié de pierres éloignées du filet de quelques pouces par les avançons ou petites lignes où elles sont frappées, pour empêcher que le bas du filet ne traîne sur le fond : au milieu du filet, est une chausse ou sac de serpilliere d’environ deux brasses de longueur, au bout duquel est amarré de même avec un avançon, une pierre pour faire caler le sac & le tenir en état d’y recevoir les lançons qui se trouvent dans l’enceinte du filet.

La manœuvre de le tendre & de le relever, est semblable à celle des seines ordinaires ; comme cette pêche se fait sur un fond de gros gravois, de rocailles & de coquilles brisées, les pêcheurs sont forcés d’éloigner ainsi les pierres du bas de leurs filets ; sans cette précaution nécessaire, il seroit bien-tôt coupé & mis en pieces, & quand la mer est émûe & fort agitée, ils sont encore obligés d’ôter ces pierres pour soulager le sac, qui autrement seroit aussi-tôt rempli. Cette même raison empêche encore ces pêcheurs de pouvoir garnir leurs seines d’aucun plomb par le pié, ou par la ligne du bas du filet qu’ils perdroient aussi s’il étoit chargé.

Cette pêche du lançon commence ordinairement à la fin de Mai, & dure jusqu’au dernier jour d’Août. Par l’expérience qui en a été faite, & par le détail qu’on peut voir, ce filet ne peut prendre aucun poisson plat, il n’arrête jamais que des lançons, des orbleus & des orphies ; ces deux dernieres sortes de poissons suivent les lançons pour en faire curée ; les pêcheurs n’y prennent aucun autre poisson, parce que le filet ne touche jamais le fond, que lorsqu’on le ramene à terre pour tirer du sac ce qui y est entré ; on le releve sur les bords des écorres, des bancs, autour desquels se fait cette pêche qui n’a lieu que de marée basse, & qui ne donne que le tems de pouvoir faire deux à trois traits au plus pendant chaque marée.

Ce filet est une espece de seine, mais eu égard à la maniere dont il est monté, la nature du terrein où se fait cette pêche qui est de gros gravier où le frai ne se forme point, & à la situation de la côte où le poisson ne se plaît & ne séjourne point, cette pêche se peut tolérer, supposé que ce filet ne pût servir à d’autre usage, dans l’intervalle qu’il ne serviroit pas à la pêche du lançon.

Quoique la pêche du lançon se fasse dans le même tems que les riverains de S. Malo le désablent à la bêche ou faucille autour des roches qui y restent découvertes de basse mer ; la plûpart de ceux qui font cette petite pêche à la main, n’en vendent que peu ou point. Les uns les pêchent pour leur propre consommation, ou en prennent en si petite quantité, que la vente qu’ils en pourroient faire ne seroit point un objet, au lieu que les pêcheurs avec bateaux, sont ceux qui en fournissent les habitans de la ville, où ce poisson est fort recherché.