L’Encyclopédie/1re édition/SCANDALE

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SCANDALE, s. m. (Gram. & Théol.) selon le langage de l’Ecriture & des casuistes, signifie une parole, une action ou une omission qui porte au péché ceux qui en sont témoins, ou qui en ont la connoissance.

Ce mot vient du grec σκάνδαλον, ou du latin scandalum, qui, selon Papias, signifie une querelle qui s’éleve tout-à-coup, rixa quæ subitò inter aliquos scandit vel oritur.

Le scandale est actif ou donné, & passif ou reçu. Le scandale actif ou donné est l’induction au mal de la part de celui qui scandalise. Le scandale passif ou reçu est l’impression desavantageuse que fait le scandale sur ceux qu’il entraîne ou qu’il excite au mal.

Dans l’Ecriture & dans les auteurs ecclésiastiques, scandale se met pour tout ce qui se rencontre dans le chemin d’un homme, & qui peut le faire tomber. Ainsi Moïse défend de mettre un scandale devant l’aveugle, c’est-à-dire, ni pierre. ni bois, ni aucune chose capable de le faire trébucher, Lévit. xix. 14. De-là dans le moral on a pris le mot scandale pour une occasion de chûte ou de péché. Jesus-Christ a été, à l’égard des juifs, une pierre d’achoppement & de scandale, contre laquelle ils se sont brisés par leur faute, n’ayant pas voulu le reconnoître pour le Messie, malgré les caracteres qui le leur démontroient.

Scandale dans le langage familier est une action contraire aux bonnes mœurs, ou à l’opinion générale des hommes. Il signifie aussi une rumeur desavantageuse, qui deshonore quelqu’un parmi le monde. En ce sens, on appelle la médisance la chronique scandaleuse.

Pierre de scandale, en latin lapis scandali ou vituperii, étoit une pierre élevée dans le grand portail du capitole de l’ancienne Rome, sur laquelle étoit gravée la figure d’un lion, & où alloient s’asseoir à nud ceux qui faisoient banqueroute & qui abandonnoient leurs biens à leurs créanciers. Ils étoient obligés de crier à haute voix, cedo bona, j’abandonne mes biens, & de frapper ensuite avec leur derriere trois fois sur la pierre. Alors il n’étoit plus permis de les inquiéter pour leurs dettes. Cette cérémonie ressembloit assez à celle du bonnet verd, qu’on pratiquoit autrefois en France dans le même cas. On appelloit cette pierre pierre de scandale, parce que ceux qui s’y asseyoient pour cause de banqueroute, étoient diffamés, déclarés intestables, & incapables de témoigner en justice.

On raconte que Jules César imagina cette forme de cession après avoir aboli l’article de la loi des douze tables, qui autorisoit les créanciers à tuer ou à faire esclaves leurs débiteurs, ou du-moins à les punir corporellement ; mais cette opinion n’est appuyée d’aucune preuve solide.

Scandale des grands, scandalum magnatum, est un terme de droit, par lequel on entend une injure ou offense faite à un personnage considérable, comme un prince, un prélat, un magistrat, ou d’autres grands officiers, en semant contre eux des médisances ou calomnies, d’où naissent la discorde & les débats entre eux & ceux qui leur sont subordonnés, au mépris, & souvent au détriment de leur autorité.

On appelle aussi scandalum magnatum un ordre qu’on obtient en ce cas pour avoir des dommages ou intérêts contre le calomniateur, ou tel autre auteur du scandale.

Scandale, montagne du, (Critique sacrée.) dans la vulgate mons offensionis, la montagne du scandale est la montagne des oliviers, sur laquelle Salomon érigea des autels aux faux-dieux par complaisance pour les femmes étrangeres qu’il avoit prises, excelsa ad dexteram partem montis offensionis, ædificaverat Salomon rex Israël..... polluit rex. (D. J.)