L’Encyclopédie/1re édition/SCÉNIQUE, college

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SCÉNIQUE, college, (Antiq. théatr.) on donnoit ce nom à une société de gens qui servoient aux représentations théatrales, ou aux combats gymniques, & qui étoient établis en différentes villes, tant de la Grece que de l’empire romain. Tous ces colleges avoient des sacrifices & des prêtres particuliers, & celui qui étoit à la tête de ces prêtres prenoit le titre de grand-prêtre du college, ἀρχιερεὺς συνόδου. Cela devint si commun, même dans les villes latines où il y avoit de ces colleges de comédiens, de musiciens ou d’athletes, que les Latins emprunterent des Grecs le nom d’archiereus synodi, sans y rien changer. On en trouve des exemples dans diverses inscriptions. Ces colleges élisoient ordinairement pour grand-prêtre quelqu’un du corps, comme on peut le voir dans des inscriptions rapportées par Gruter.

Outre cela, ces colleges scéniques ou gymniques, se nommoient eux-mêmes des especes de magistrats qui prenoient le titre d’archontes. Dans les assemblées de ces colleges on faisoit différens decrets, soit pour témoigner de la reconnoissance envers leurs protecteurs, soit pour faire honneur à ceux d’entre les associés qui se distinguoient par leurs talens. Il y a quelque apparence que les fragmens d’inscriptions grecques trouvées à Nismes, sont des restes de quelques-uns de ces decrets, du moins nous sommes portés à le croire ainsi, par le mot ψήφισμα, decretum, qui se trouve à la tête d’un de ces fragmens ; & parce que la ligne suivante commence de même que tous les decrets de cette espece, par les mots ἐπεὶ λ. σάμμιος, quando quidem L. Sammius, &c.

Il est certain que les comédiens, chanteurs, joueurs d’instrumens, & autres personnes qui paroissoient sur la scene, artifice scenici, διονυσιακοὶ τεχνῖται, s’étoient répandus dans l’Asie sous les successeurs d’Alexandre, comme on peut en juger par un passage du XIV. lib. de Strabon.

Les différentes troupes qui représentoient des comédies, des tragédies, &c. dans les villes Asiatiques, se distinguoient entre elles par les noms qu’elles empruntoient, les unes des rois qui les honoroient de leur protection, les autres du chef de la troupe.

Ces troupes de comédiens non-seulement se soutinrent dans l’Asie, après que ce pays eut passé sous la domination des Romains ; mais de plus elles envoyerent des especes de colonies dans l’occident, où les principales villes des provinces se piquerent d’avoir des comédiens grecs, à-peu-près comme de nos jours nous voyons différentes cours de l’Europe empressées d’attirer des troupes de comédiens italiens. On trouve la preuve de ce fait dans une inscription découverte depuis environ 40 ans, à un quart de lieue de Vienne sur le chemin de Lyon, par laquelle on voit qu’il y avoit des comédiens asiatiques établis à Vienne, lesquels y formerent un corps, & un corps assez permanent pour qu’ils songeassent à faire préparer un lieu propre à leur servir de sépulture, lorsque quelqu’un d’entre eux viendroit à mourir. Scænici Asiaticiani, & qui in eodem corpore sunt vivi, sibi fecerunt.

Les comédiens & les musiciens distingués dans leur art, aussi-bien que les athletes qui s’étoient rendus célebres par les victoires qu’ils avoient remportées dans les jeux gymniques, obtenoient le droit de bourgeoisie en différentes villes. L’amour du plaisir a toujours récompensé ceux qui se distinguent à en procurer. (D. J.)