L’Encyclopédie/1re édition/SAUTER

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SAUTER, v. n. l’action de, (Physiol.) dans le saut, les muscles sont obligés d’agir non-seulement pour résister au poids du corps, mais même pour le relever avec force, lui faire perdre terre, & l’élancer en l’air comme font les sauteurs, lorsqu’ils sautent à pié joint sur une table. Pour sauter ainsi, ils plient & panchent la tête & le corps sur les cuisses, les cuisses sur les jambes, & les jambes sur les piés. Leurs muscles étant ainsi pliés & allongés comme pour prendre leur secousse, ils les remettent dans cette contraction subite qui fait ressort contre terre, d’où ils s’élancent en l’air, & se redressent en arrivant sur le bord d’une table ou autre corps sur lequel ils sautent.

Cet effort est suffisant pour rompre le tendon d’Achille, & plusieurs sauteurs se sont blessés en s’élançant ainsi, & en manquant le lieu sur lequel ils se proposoient de sauter. Le nommé Cauchois, l’un des plus habiles sauteurs qu’on ait vu en France, dans un saut qu’il fit à piés joints sur une table élevée de trois piés & demi, se rompit les deux tendons d’Achille, & fut guéri de cette blessure par M. Petit. La table sur laquelle sautoit le sieur Cauchois se trouva plus haute qu’à l’ordinaire ; son élan ne l’éleva pas assez ; il n’y eût que les bouts de ses piés qui toucherent sur le bord de la table ; ils n’y appuyerent qu’en glissant, & qu’autant qu’il falloit pour se redresser & rompre sa détermination en-avant ; la ligne de gravité ne tombant point sur la table, le sauteur tomba à terre, droit sur la pointe de ses piés étendus de maniere que les tendons d’Achille furent, pour ainsi dire, surpris dans leur plus forte tension ; & que la chute de plus de trois piés ajouta au poids ordinaire du corps une force plus que suffisante pour les rompre ; puisque cette force étoit celle qu’avoit acquis le poids du corps multiplié par la derniere vitesse de la chute.

Pour comprendre les tristes accidens qui arrivent dans les sauts, il faut remarquer que dans l’état naturel, quand nous sommes exactement droits sur nos piés, la ligne de gravité du corps passe par le milieu des os de la cuisse, de la jambe & du pié : ces os pour lors se soutiennent mutuellement comme sont les pierres d’une colonne, & nos muscles n’agissent presque point. Au contraire, pour soutenir notre corps lorsque nos jointures sont pliées, nos muscles agissent beaucoup, & leurs contractions sont d’autant plus fortes, que la flexion des jointures est plus grande ; elles peuvent même être pliées au point, que le poids du corps & les muscles qui le tiennent en équilibre, feront effort sur les os avec toute la puissance qu’ils peuvent avoir ; alors les apophyses où les muscles s’attachent, pourront se casser, si les muscles résistent ; mais si les apophyses des os sont plus fortes, la rupture se fera dans les muscles ou dans leurs tendons.

Maintenant pour calculer la force de tous les muscles qui agissent, lorsqu’un homme se tenant sur ses piés, s’éleve en sautant à la hauteur de deux piés ou environ ; il faut savoir que si cet homme pese cent cinquante livres, les muscles qui servent dans cette action, agissent avec deux mille fois plus de force, c’est-à-dire, avec une force équivalente à trois cens mille livres de poids ou environ : Borelli même dans ses ouvrages, fait encore monter cette force plus haut. (D. J.)

Sauter, (Marine.) c’est changer, en parlant du vent. Ainsi on dit que le vent a sauté par tel rumb, pour dire que le vent a changé, & qu’il souffle à cet air de vent.

Sauter, en terme de manege, c’est faire des sauts. Aller par londs & par sauts, c’est aller à courbette & à caprioles. Sauter entre les piliers, se dit du cheval qu’on a accoutumé à faire des sauts, étant attaché aux deux piliers du manege, sans avancer ni reculer. Sauter une jument, se dit de l’étalon, lorsqu’il la couvre. Sauter de ferme à ferme, se dit quand on fait sauter un cheval, sans qu’il bouge de sa place.