L’Encyclopédie/1re édition/SASSAFRAS

SASSAFRAS, s. m. (Hist. nat. Bot.) petit arbre qui se trouve dans les pays tempérés de l’Amérique septentrionale, où on prétend qu’il prend la hauteur d’un pin ordinaire, sur un pié de diametre ; mais parmi les sassafras que l’on a élevé en Europe, les plus hauts n’ont pas passé dix ou douze piés. Sa tige est dégagée de branchages jusqu’à la tête qui est touffue, & qui forme une espece de coupole. Son écorce est unie, un peu rougeâtre, & elle rend au goût une légere saveur de l’anis. Ses racines sont dures, pesantes, & s’étendent à fleur de terre : il paroît que dans le pays natal elles poussent beaucoup de rejettons ; cependant en Angleterre où on a plus élevé de ces arbres qu’en nulle autre contrée de l’Europe, on ne s’est pas apperçu de cette fécondité. Ses feuilles sont échancrées assez profondément en trois parties, sans aucune dentelure sur ses bords ; elles sont d’un verd obscur & de bonne odeur, sur-tout quand on les a laissé sécher. Ses fleurs paroissent au printems dès le commencement du mois de Mars ; elles sont jaunes, petites, rassemblées en bouquets, & d’une odeur agréable. Les fruits qu’elles produisent sont des baies de la grosseur & de la forme de celles du laurier : elles ont comme le gland un calice, mais coloré de rouge, ainsi que les pédicules qui les soutiennent : ces baies deviennent bleues dans leur maturité. Le mêlange de ces deux couleurs dont l’apparence est assez vive, fait un agrément de plus dans cet arbre sur l’arriere saison. Mais ce qu’il a de plus recommandable, c’est que toutes ses parties répandent une odeur aromatique, qui approche de celle de la canelle, & qui indique ses grandes propriétés.

Le sassafras veut une terre meuble & fort humide, telle qu’elle se trouve ordinairement dans le Canada, au pays des Iroquois, où il y a beaucoup de ces arbres. Mais la Floride & la Louisiane, sont les endroits où cet arbre est le plus commun. On a souvent essayé en Angleterre de le tenir en caisse, & de le faire passer l’hiver dans l’orangerie, mais M. Miller auteur anglois, pense que ce n’est pas la bonne façon de le conduire, & que la meilleure est de le mettre en plein air à l’exposition la plus chaude, dans une terre légere & humide, où il faut le garantir des hivers rigoureux par les précautions d’usage en pareil cas, jusqu’à ce que l’arbre soit dans sa force. Je me suis bien assuré par des épreuves, que cet arbre ne peut se soutenir dans des terreins secs & élevés, & qu’il craint sur-tout les grandes chaleurs du mois d’Août qui le sont périr. On voit en Angleterre des sassafras qui ont très-bien réussi en pleine terre, & qui forment de petits arbres avec une jolie tête.

On ne peut guere multiplier le sassafras qu’en semant ses graines qu’il faut tirer d’Amérique ; car malheureusement elles ne viennent point à parfaite maturité en Europe. Encore arrive-t-il que les graines d’Amérique levent très-rarement, à-moins qu’on n’ait eu la précaution de les envoyer mêlées avec de la terre. Dans ce cas, il en levera quelques-unes dès la premiere année ; mais le reste ne viendra souvent qu’après la seconde ou la troisieme ; ce qui doit engager à ne pas se presser de reverser la terre où ces graines auront été semées. Il faudra sur-tout avoir grand soin de les arroser dans les tems de sécheresse, de les garantir du soleil vers le milieu du jour, & de les préserver du froid pendant les deux ou trois premiers hivers, & sur-tout des froides matinées d’automne, qui font plus de tort à ces arbres que les fortes gelées d’hiver : car quand la pointe des tendres rejettons est fannée par le froid, il se fait une corruption de seve qui porte l’altération dans toutes les parties du jeune arbre & le fait mourir. Il est très difficile de multiplier le sassafras de branches couchées : elles ne font racine qu’au bout de deux ou trois ans ; & souvent il n’en réussit pas le tiers, si on n’a pas le plus grand soin de les arroser ; il souffre assez bien la transplantation.

Le bois de cet arbre est léger quoiqu’assez dur, d’une couleur un peu jaunâtre, d’une odeur qui approche de celle du fenouil, d’un goût piquant & aromatique. On l’employe en Médecine comme incisif, apéritif, & sudorifique. Article de M. d’Aubenton, le subdélégué.

SASSAFRAS, s. m. (Mat. med.) bois étranger nommé sassafras ou lignum pavanum par J. Bauhin. C’est un bois d’un roux blanchâtre, spongieux & léger ; son écorce est spongieuse, de couleur de cendre en-dehors, & de rouille de fer en-dedans, d’un goût âcre, douçâtre, aromatique, d’une odeur pénétrante qui approche de celle du fenouil ; on nous l’apporte de la Virginie, du Brésil, & d’autres provinces d’Amérique. On choisit le sassafras qui est récent & fort odorant. Quelques-uns préferent l’écorce à cause de son odeur qui est plus pénétrante que celle du bois.

On falsifie le sassafras en y mêlant du bois d’anis, appellé lignum anisatum, vel lignum anisi dans J. B. Mais l’on peut le distinguer facilement du sassafras par son odeur de graine d’anis, par sa pesanteur, & par sa substance qui est compacte & résineuse.

On coupe le bois du sassafras d’un grand arbre qui a la hauteur & la figure d’un pain ; cet arbre est appellé sassafras arbor ex Florida, ficulneo folio par C. B. P. Laurus foliis integris & trilobis par Linn. Hort. cliff. 54. cornus mas odorata, folio trifido, margine plano, sassafras dicta par Plukn. Alm. p. 120. tab. 222. fig. 6. Catesby Hist. tom. I. p. 55. anhuiba, sive sassafras major par Pison, hist. Brésil.

Les racines de cet arbre sont tantôt grosses, tantôt menues, selon leur âge. Elles s’étendent à fleur de terre, de sorte qu’il est facile de les arracher. Cet arbre est toujours verd ; il n’a qu’un tronc nud & fort droit ; les branches s’étendent à son sommet comme celle d’un pin qu’on a ébranché ; l’écorce est épaisse, fongueuse intérieurement, un peu molle, de couleur fauve, revêtue d’une peau mince, grise, ou d’un gris cendré tirant sur le noir. Son goût & son odeur sont âcres, aromatiques, approchant du fenouil. La substance du tronc & des branches est blanche, ou d’un blanc roussâtre, quelquefois tirant sur le gris en certains endroits, moins odorante que l’écorce ; du reste elle est molle, & d’un tissu assez semblable à celui du tilleul.

Les feuilles qui sont attachées aux branches sont à trois lobes, imitant celles du figuier, découpées & partagées en trois pointes, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous, odorantes ; lorsqu’elles sont encore jaunes, elles sont semblables aux feuilles du poirier, & ne montrent aucunes pointes.

Les fleurs appuyées sur de longs pédicules, sont en grappes, petites, partagées en cinq quartiers ; quand elles sont passées il leur succede des baies semblables aux feuilles du laurier, & ayant la partie inférieure renfermée dans un calice rouge.

Guillaume Pison décrit encore deux autres especes d’arbres sassafras : l’une nommée par les Brésiliens anhuypitanga, a les feuilles petites, étroites, minces ; son bois est blanchâtre & jaunâtre. L’autre espece s’appelle anhuiba-miri : elle a la feuille de laurier, mais elle est plus petite ; son fruit est noir & odoriférant, lorsqu’il est mûr, d’un goût fort chaud, aussi bien que les feuilles, le bois, l’écorce, & la racine.

Le sassafras excite la transpiration, la sueur & les urines. Il incise & résout les humeurs visqueuses & épaisses ; il leve les obstructions des visceres ; il est bon pour la cachexie, les pâles couleurs, & l’hydropisie. Il éloigne les attaques de la goutte. Il tend à remédier à la paralysie & aux fluxions froides. On l’emploie utilement dans les maladies vénériennes. On le donne en infusion depuis demi-once jusqu’à deux onces ; on l’emploie souvent dans des décoctions sudorifiques & échauffantes.

Par la chimie on retire du bois de sassafras une huile essentielle, limpide, très-pénétrante, qui sent le fenouil ; & qui va au fond de l’eau. On fait macérer dans une grande quantité d’eau ce bois rapé avec son écorce, & on distille ensuite. La dose de cette huile est depuis dix gouttes jusqu’à vingt, pour exciter la sueur. Une partie de cette huile mêlée avec deux parties d’esprit de nitre bien rectifié, fermente aussi-tôt très-violemment ; elle s’enflamme, & lorsque la flamme est éteinte, il reste une substance résineuse. (D. J.)