L’Encyclopédie/1re édition/SAPINETTES

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SAPINETTES, s. f. (Marine.) petits coquillages qui s’attachent à la carene du vaisseau.

Sapinette, (Commerce.) c’est une espece de liqueur ou de biere en usage dans le Canada, la Virginie, & les autres parties septentrionales de l’Amérique. On la fait avec une espece de sapin que les François nomment épinette blanche, & les Anglois spruce : les Botanistes nomment ce sapin abies foliis brevibus, conis minimis. Cet arbre est très-commun en Canada ; il est assez rare dans les colonies angloises, où le climat est moins froid, & on ne le trouve plus vers le midi, à-moins que ce ne soit sur les hautes montagnes qui sont presque toujours couvertes de neige.

Voici la maniere de faire la sapinette : on fait bouillir de l’eau dans une chaudiere que l’on n’emplit qu’aux trois quarts ; lorsque cette eau commence à bouillir, on y met un paquet de branches de sapin ou d’épinette blanche rompues. On continue la cuisson jusqu’à ce que l’écorce se détache avec facilité des branches, ce qui demande environ une heure. Pendant ce tems on fait griller dans une poële ou du froment, ou de l’avoine, ou de l’orge, ou du maïz, de la même maniere que l’on brûle le caffé, & l’on jette l’un de ces grains grillés dans la chaudiere où cuisent les branches de l’épinette ; on y met aussi quelques tranches de pain grillé ; ce qui se fait pour donner de la couleur à la liqueur. Alors on retire du feu la chaudiere ; on enleve les branches & les feuilles qui ont été cuites ; on passe la liqueur au-travers d’un linge ; l’on y mêle de la melasse ou du syrop de sucre grossier ; on met le tout dans un tonneau ; on y joint une petite quantité de levûre de biere que l’on bat dans la liqueur pour l’y incorporer ; après quoi on laisse fermenter ce mélange dans le tonneau dont le bondon reste ouvert, & que l’on a soin de remplir à mesure que la liqueur diminue : la fermentation fait qu’il s’en dégage beaucoup de saletés. Si l’on veut que cette liqueur ait un goût piquant, on n’aura qu’à la tirer en bouteilles avant que la fermentation soit achevée ; si on la veut plus douce, on attendra que la fermentation soit entierement achevée.

Cette liqueur est brune ou jaunâtre comme de la biere ; elle est fort agréable pour ceux qui y sont accoutumés, au point que quelques particuliers qui avoient vécu en Canada, en ont fait venir en Europe. Elle passe pour rafraîchissante, pour un très bon remede dans les affections scorbutiques, & est très-diurétique. Cette liqueur est la boisson la plus ordinaire dans le Canada, dans la nouvelle York, & dans l’Albanie. Il paroît qu’on pourroit l’imiter dans nos pays où elle pourroit être d’une grande ressource dans les tems où la disette des grains rend la biere ordinaire trop chere pour les pauvres gens. Ce détail est dû à M. Pierre Kalm, qui l’a inséré dans les Mémoires de l’académie de Suede, année 1751. Il est aussi parlé de cette liqueur & de la maniere de la faire dans le Traité des arbres & arbustes de M. Duhamel du Monceau, tome I. page 17. (—)