L’Encyclopédie/1re édition/SANCTION

SANCTION, s. f. (Lois civiles & naturelles.) la sanction est cette partie de la loi qui renferme la peine établie contre ceux qui la violeront.

La peine est un mal dont le souverain menace ceux de ses sujets qui entreprendroient de violer ses lois ; il leur inflige effectivement cette peine lorsqu’ils les violent ; & cela dans la vûe de procurer du bien à l’état, comme de corriger le coupable, de donner une leçon aux autres, & de rendre la société sûre, tranquile, & heureuse.

Toute loi a donc deux parties essentielles : la premiere, c’est la disposition de la loi, qui exprime le commandement & la défense ; la seconde est la sanction, qui prononce le châtiment ; & c’est la sanction qui fait la force propre & particuliere de la loi ; car si le souverain se contentoit d’ordonner simplement, ou de défendre certaines choses, sans y joindre aucune menace, ce ne seroit plus une loi prescrite avec autorité ; ce ne seroit qu’un sage conseil.

L’on demande si la sanction des lois ne peut pas consister aussi-bien dans la promesse d’une récompense, que dans la menace de quelque peine ? Je réponds d’abord qu’en général je ne vois rien dans la sanction des lois qui s’oppose à la promesse d’une récompense ; parce que le souverain peut suivant sa prudence prendre l’une ou l’autre de ces voies, ou même les employer toutes deux.

Mais comme il s’agit ici de savoir quel est le moyen le plus efficace dont le souverain se puisse servir pour procurer l’observation de ses lois, & qu’il est certain que l’homme est naturellement plus sensible au mal qu’au bien ; il paroît aussi plus convenable d’établir la sanction de la loi dans la menace de quelque peine, que dans la promesse d’une récompense. L’on ne se porte guere à violer les lois, que dans l’espérance de se procurer quelque bien apparent qui nous séduit. Ainsi le meilleur moyen d’empêcher la séduction, c’est d’ôter cette amorce, & d’attacher au contraire à la désobéissance un mal réel & inévitable.

Si l’on suppose donc que deux législateurs voulant établir une même loi, proposent l’un de grandes récompenses, & l’autre des peines rigoureuses, il est certain que le dernier portera plus efficacement les hommes à l’obéissance, que ne feroit le premier. Les plus belles promesses ne déterminent pas toujours la volonté ; mais la vûe d’un supplice ébranle, intimide. Que si pourtant le souverain par un effet particulier de sa bonté & de sa sagesse, veut réunir ces deux moyens, & attacher à sa loi un double motif d’observation, il ne restera rien à desirer de tout ce qui peut y donner de la force ; ce sera la sanction la plus complette. Voilà pour les lois civiles ; mais il importe de rechercher s’il y a une sanction des lois naturelles, c’est-à-dire, si elles sont accompagnées de menaces & de promesses, de peines & de récompenses.

La premiere réflexion qui s’offre là-dessus à l’esprit, c’est que ces regles de conduite que l’on appelle lois naturelles, sont tellement proportionnées à notre nature, aux dispositions primitives, & aux desirs naturels de notre ame, à notre constitution, à nos besoins, & à l’état où nous nous trouvons dans ce monde, qu’il paroît manifestement qu’elles sont faites pour nous. En général, & tout bien compté, l’observation de ces lois, est le seul moyen de procurer & aux particuliers & au public, un bonheur réel & durable : au lieu que leur violation jette les hommes dans un desordre également préjudiciable aux individus & à toute l’espece. C’est-là comme une premiere sanction des lois naturelles ; mais si cette premiere sanction ne paroît pas suffisante pour donner aux conseils de la raison, tout le poids & toute l’autorité que doivent avoir de véritables lois, rien n’empêche de dire, que par l’immortalité de l’ame, ce qui manque dans l’état présent à cette sanction des lois naturelles, s’exécutera dans la suite, si la sagesse divine le trouve à propos. (D. J.)