L’Encyclopédie/1re édition/SAMARITAINS

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SAMARITAINS, (Hist. Critiq. sacrée.) les Samaritains étoient des colonies de Babyloniens, des Cuthéens, & d’autres peuples, qu’Assaradon envoya pour repeupler la province de Samarie, dont Salmanasar avoit transporté le plus grand nombre des habitans au-delà de l’Euphrate du tems de la captivité des dix tribus.

Les Samaritains étoient payens, & ils continuerent à adorer leurs idoles, jusqu’à ce que pour se délivrer des lions, qui les incommodoient beaucoup, ils souhaiterent d’être instruits de la maniere de servir le Dieu d’Israël, espérant d’appaiser par ce moyen la colere du dieu du pays. Ils joignirent donc le culte du Dieu d’Israël à celui de leurs idoles, & de-là vient qu’il est dit dans ! l’histoire des rois, ch. xvij. v. 33. qu’ils craignoient Dieu, mais qu’ils adoroient en même tems leurs propres divinités.

Lorsque la tribu de Juda fut de retour de la captivité de Babylone, & que le temple eut été rebâti, tous les juifs s’engagerent par un accord solemnel, à renvoyer les femmes payennes qu’il y avoit parmi eux. Il se trouva que Manassé, sacrificateur juif, avoit épousé la fille de Sanballac, samaritain, & que n’étant pas d’humeur à se défaire de sa femme, Sanballac poussa les Samaritains à bâtir sur la montagne de Garizim, près de la ville de Samarie, un temple qui fût opposé à celui de Jérusalem, & il y établit pour sacrificateur Manassé son gendre.

La fondation de ce nouveau temple excita entre les Juifs & les Samaritains une grande dissension, qui s’accrut avec le tems, & dégénéra en une haine si furieuse, qu’ils se refusoient même de se rendre les uns aux autres les services de l’humanité la plus commune. Voilà pourquoi les Samaritains ne voulurent pas donner retraite à Notre Seigneur, quand ils s’apperçurent qu’il alloit adorer à Jérusalem ; deux de ses disciples, savoir Jacques & Jean, extrémement piqués de cette incivilité, prirent feu, & par un zèle de bonne foi pour l’honneur de leur maître, & pour la sainteté de Jérusalem, ils vouloient se défaire incessament de ces ennemis de Dieu & de Jesus-Christ, de ces adversaires de la vraie religion, de ces schismatiques ; car c’est ainsi qu’ils se traiterent les uns & les autres. Dans le trouble de leur colere, ils souhaitent que Notre Seigneur leur accorde le pouvoir de faire descendre le feu du ciel, pour consumer les Samaritains, comme avoit fait Elie autrefois en pareil cas, & même pas fort loin de l’endroit où ils se trouvoient alors.

Malgré l’injustice du procedé des Samaritains, & le grand exemple du prophete Elie, dont les deux apôtres se croyoient autorisés, Notre Seigneur censure paisiblement, mais d’une maniere aussi vive que forte, le zèle destructeur de ces deux apôtres : Vous ne savez, leur dit-il, de quel esprit vous êtes, car le fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver. Luc. IX. 55. Paroles admirables, qu’il ne faut jamais perdre de vue, parce qu’elles sappent de fond en comble toute intolérance dans le christianisme. Le fils de l’homme n’est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver.

La religion des Samaritains, comme nous l’avons dit, fut d’abord la payenne ; ils adoroient chacun la divinité de leur pays ; l’Ecriture cite un grand nombre de ces divinités, comme Nerget, Nébahas, Thartac, Rempham ; ils mélerent ensuite à ce culte prophane, celui du vrai Dieu, que le prêtre de Béthel leur apprit ; mais quand ils eurent tout-à-fait renoncé à l’idolatrie, pour embrasser la loi du Seigneur, alors ils ne furent plus distingués des Juifs, que par trois articles sur lesquels ils différoient d’eux.

1°. Ils ne reconnoissoient que les cinq livres de Moïse pour vraiment canoniques. 2°. Ils rejettoient toutes sortes de traditions, & s’en tenoient à la parole écrite. 3°. Ils soutenoient qu’il falloit servir Dieu sur le mont Garizim, où les patriarches l’avoient adoré, au lieu que les Juifs vouloient qu’on ne lui offrît des sacrifices que dans le temple de Jérusalem. C’est principalement sur cette élévation d’autel contre autel, & de temple contre temple, qu’étoit fondée l’antipathie de ces deux peuples. Les Juifs n’avoient point de plus forte injure à dire à un homme, que de l’appeller Samaritain. Jean, VIII. xlviij. Ceux-ci de leur côté, avoient tant de répugnance pour les Juifs, que nous avons vu qu’ils refuserent un jour de recevoir Jesus-Christ, parce qu’il paroissoit diriger ses pas du côté du temple de Jérusalem.

Les Juifs accusent les Samaritains de deux sortes d’idolatrie sur le mont Garizim. L’une d’y avoir adoré l’image d’une colombe, & l’autre des théraphins, ou des idoles cachées dans cette montagne ; il est vrai que les Assyriens adoroient une de ces divinités, qui, selon Diodore, étoit Sémiramis, sous la figure d’une colombe ; & vraisemblablement les Samaritains mélerent autrefois le culte de cette idole avec le culte du Dieu d’Israël ; mais ils ne l’ont jamais fait depuis.

Quant au second chef d’accusation des Juifs, il est encore vrai que Jacob ayant trouvé les théraphins ou les idoles que Rachel avoit volées à son pere, les lui ota, & les cacha sous un chêne à Sichem, & que Sichem est au pié du mont Garizim ; mais les Samaritains n’adoroient que Dieu sur cette montagne, & depuis que Manassé leur eut apporté la loi de Moïse, ils ont toujours été jusqu’à nos jours des adorateurs du vrai Dieu.

Ils adoroient le vrai Dieu du tems de Jesus-Christ ; ils avoient en vénération les livres de Moyse qu’ils ont précieusement conservés ; ils en observoient exactement les lois, & attendoient le Messie comme les Juifs. C’est sans fondement qu’on leur a reproché de donner dans des erreurs grossieres sur la nature de Dieu, quoique peut-être il se trouvât du tems de Jesus-Christ quelque mélange d’idolatrie dans leur culte ; on peut du moins le conjecturer, sur ce que notre Sauveur leur reproche d’adorer ce qu’ils ne connoissoient pas. Jean, iv. 22.

Quoi qu’il en soit, les Samaritains d’aujourd’hui sont dans les mêmes sentimens que leurs peres, comme il paroît par les lettres écrite dans le dernier siecle à Scaliger, par les Samaritains d’Egypte & de Naplouse, & par celles qu’ils écrivirent depuis à leurs freres prétendus d’Angleterre.

Ceux qui seront curieux de plus grands détails sur la confession de foi des Samaritains modernes, les trouveront dans l’histoire des Juifs de M. Basnage, tom. II. part. j.

Pour ce qui concerne leur Pentateuque & leurs caracteres, Voyez Pentateuque, Samaritain, & Samaritains, Caracteres (Le Chevalier de Jaucourt.)

Samaritains, caracteres, (Crit. sacr.) ce sont les vieux caracteres hébreux, avec lesquels les Samaritains écrivirent autrefois le Pentateuque, & dont ils se servent encore aujourd’hui ; ces sortes de caracteres sont affreux, & les plus incapables d’agrément de tous ceux qui nous sont connus. C’étoient les lettres des Phéniciens, de qui les Grecs ont pris les leurs ; le vieil alphabet ionien fait assez voir cette ressemblance, comme le montre Scaliger dans des notes sur la chronique d’Eusebe. Ce furent de ces vieilles lettres que se servirent les prophetes, pour écrire leurs ouvrages, & ce fut avec ces mêmes caracteres que le décalogue fut gravé sur les deux tables de pierre ; le nombre de vieux sicles juifs que nous avons encore, avec l’inscription samaritaine, Jérusalem la sainte, prouve assez l’antiquité de ces sortes de caracteres, auxquels les caracteres hébreux d’aujourd’hui succéderent après la captivité de Babylone ; ces derniers étoient les seuls que le peuple savoit lire alors ; & cette raison engagea Esdras à les employer. Tous les anciens le reconnoissent, Eusèbe, S. Jérôme, les deux Talmuds le disent ; en un mot, c’est l’opinion de tous les savans juifs, & Cappel a fait un livre contre Buxtorf le fils, pour la confirmer. (D. J.)