L’Encyclopédie/1re édition/SAINTONGE, la

SAINTONGE, la, (Géog. mod.) province de France bornée au nord par le Poitou & l’Aunis, au midi par le Bourdelois, au levant par l’Angoumois & le Périgord, au couchant par l’Océan. Elle a environ 25 lieues de long, & 12 de large. La Charente la partage en méridionale & septentrionale. La premiere a Saintes, capitale, Marennes, Royan, Mortagne, &c. La seconde comprend Saint-Jean-d’Angeli, Tonnay-Charente, Taillebourg, &c.

Les Saintongeois, ainsi que Saintes, capitale du pays, ont tiré leur nom des peuples Santones, célebres dans les anciens auteurs, comme on le verra sous ce mot. Ils furent du nombre des Celtes jusqu’à ce qu’Auguste les joignit à la seconde Aquitaine. César dans ses commentaires vante la fertilité de la Saintonge, où le peuple helvétique qui quittoit son pays vouloit aller s’établir.

Les François occuperent la Saintonge après la défaite & la mort d’Alaric. Eudes, duc d’Aquitaine s’en rendit le maître absolu. Eléonore de Guienne en étoit en possession lorsqu’elle épousa Henri roi d’Angleterre ; il arriva de là que ce pays fut possédé par les Anglois en pleine souveraineté, jusqu’à ce que Charles V. la leur enleva, & la réunit à la couronne, de laquelle elle n’a point été démembrée depuis : car on ne voit pas que le don que Charles VII. en avoit fait à Jacques I. roi d’Ecosse, l’an 1428, ait eu lieu.

La Saintonge & l’Angoumois font ensemble le douzieme gouvernement de France ; mais l’Angoumois est du parlement de Paris, & la Saintonge est du parlement de Bordeaux. Ses finances sont médiocres. Le domaine est presque entierement aliéné. Les douanes y sont très-considérables, & rapportent beaucoup aux fermiers.

Le pays produit du blé & des vins ; mais son principal commerce est le sel, qui est le meilleur de l’Europe. Ce commerce n’est pas néanmoins d’une grande utilité à la province, à cause des droits prodigieux que levent les fermiers, qui emportent la plus grande partie du profit. Les marais même de la basse Saintonge ne servent plus à-présent que de pâturages, qu’on appelle marais-gatz. Les principales rivieres qui traversent cette province, sont la Charente & la Boutonne.

Le Brouageais, petit pays, a été démembré de la Saintonge, & fait à-présent partie du gouvernement d’Aunis.

Jean Ogier de Gombault, l’un des premiers membres de l’académie françoise, & en son tems un poëte célebre, étoit un gentilhomme de Saintonge. Il s’acquit l’estime de Marie de Médicis, du chancelier Séguier, & des beaux esprits de son tems. Ses sonnets & ses épigrammes sont les meilleurs de ses ouvrages. Il composa les épigrammes dans sa vieillesse ; &, ce qui paroît singulier, elles sont en général supérieures à ses sonnets, parmi lesquels il y en a beaucoup de très-bons, quoique Despréaux dise :

A peine dans Gombault, Maynard & Malleville,
En peut on admirer deux ou trois entre mille.

Les vers de Gombault ont de la douceur, & sont tournés avec art ; ce qui caractérise encore ce poëte, c’est beaucoup de délicatesse. Il a fait des pieces de théâtre dont la constitution est dans le goût de son siecle, mais dont les détails méritent quelque estime.

Le dictionnaire & le supplément de Moréri ne font point mention de l’Amarante de Gombault : c’est une pastorale en cinq actes, où l’auteur a mis à la vérité trop d’esprit, mais où l’on trouve aussi dans quelques endroits le naturel qui convient au genre bucolique. La versification n’en est pas égale ; c’est un défaut ordinaire à cet auteur dans tous ses ouvrages un peu longs : il ne se soutient que dans ses petites poésies. Il étoit calviniste, & mourut en 1666, âgé de près de 100 ans. (D. J.)