L’Encyclopédie/1re édition/SABINE, ou SAVIGNER

SABINIEN  ►

SABINE, ou SAVIGNER, (Botan.) sabina, arbrisseau toujours verd, qui vient naturellement dans l’Italie, le Portugal & l’Arménie, dans la Sybérie & dans le Canada. Il peut, avec l’aide de la culture, s’élever à dix piés ; mais ses branches étant fort chargées de rameaux qui se dirigent d’un seul côté, elles ont tant de disposition à s’incliner & à ramper près de terre, que si l’arbrisseau est livré à lui-même, il prend à peine quatre ou cinq piés de hauteur. Ses feuilles ressemblent à celles du tamarin ou du cyprès, mais elles sont si petites, & si peu distinctes, qu’on doit plutôt les regarder comme un fanage mousseux qui enveloppe les jeunes rameaux. Ses fleurs mâles sont de très-petits chatons côniques & écailleux de peu d’apparence. Ses fruits qui viennent séparément, sont des especes de baies bleuâtres, de la grosseur d’un pois, qui contiennent trois semences osseuses ; elles sont convexes d’un côté & applaties sur les faces qui se touchent.

Cet arbrisseau est absolument des plus robustes ; il vient dans les pays chauds comme dans les climats très-froids ; il résiste aux plus cruels hivers & à toutes les autres intempéries des saisons ; il s’accommode de tous les terreins, ne craignant ni l’humidité, ni la sécheresse ; il vient sur les lieux pierreux & très exposés au vent : mais il se plait davantage dans les terres grasses, & il aime mieux l’ombre que le grand soleil. Il se multiplie très-aisément de branches couchées, & tout aussi-bien de bouture. On ne s’avise guere d’en semer la graine, ce seroit la méthode la plus longue & la plus incertaine. Il reprend, à la transplantation, plus facilement qu’aucun autre arbre toujours verd, pourvu qu’on observe les tems propres à planter ces sortes d’arbres ; savoir le mois d’Avril & le commencement des mois de Juillet ou de Septembre.

La sabine seroit extrèmement propre à former de moyennes palissades toujours vertes, de petites haies très-régulieres ; à garnir les massifs des bosquets pour donner de la verdure dans la saison des frimats, & à l’embellissement de diverses parties des jardins, parce que le verd en est agréable & uniforme, & que d’ailleurs cet arbrisseau a la facilité de venir dans les lieux serrés & à l’ombre des autres arbres : mais il répand une odeur si forte & si désagréable, qu’on est forcé de le réleguer dans les endroits éloignés & peu fréquentés. Le bois de la sabine est très-dur, & il n’est point sujet à se gerser. On ne cultive guere cet arbrisseau que par rapport à ses propriétés. C’est un incisif très-pénétrant. Les médecins, les chirurgiens & les maréchaux en font quelque usage.

On connoît peu de variétés de cet arbrisseau.

1°. La sabine à feuilles de tamaris, c’est la plus commune.

2°. La sabine à feuilles de cyprès, c’est celle qui a le plus d’agrément.

3°. La sabine panachée est d’une fort médiocre apparence.

Sabine, s. f. (Botan.) quoique la sabine soit une espece de génévrier, il importe de faire connoître, & celle qu’on nomme sabine ou savinier, à feuilles de tamarisc, & la sabine ou le savinier à feuilles de cyprès.

La premiere, sabina folio tamarisci Dioscoridis, C. B. jette de sa racine en petit arbrisseau, qui s’étend plus en large qu’en hauteur, & qui est toujours verd ; ses feuilles sont assez semblables à celles du tamarisc d’Allemagne, mais plus dures & un peu épineuses, d’une odeur forte & desagréable, d’un goût âcre ou piquant & brûlant. Cet individu, qu’on appelle male ou stérile, porte au sommet des branches de petits chatons ou fleurs à trois étamines par le bas, sans pétales ; il ne leur succede aucun fruit, du-moins pour l’ordinaire, car lorsque l’arbrisseau est vieux ou planté depuis long-tems dans le même endroit, il s’éleve d’entre les feuilles de petites fleurs verdâtres, qui changent en de petites baies applaties, moins grosses que celles du génévrier, & qui aquierent comme elles en mûrissant une couleur bleue, noirâtre. On le cultive dans les jardins ; mais dans nos climats, il donne si rarement du fruit, qu’on le regarde comme stérile.

La sabine à feuilles de cyprès, sabina folio cupressi, C. B. P. produit un tronc plus élevé que celui de la premiere espece, approchant beaucoup du cyprès par son rapport, & faisant comme un arbre à tige assez grosse, dont le bois est rougeâtre, médiocrement épais. Ses feuilles sont semblables à celles du cyprès, mais plus compactes, d’une odeur forte & pénétrante, d’un goût amer & aromatique, résineux. Ses fleurs sont composées de trois pétales, fermes, pointus, permanens, ainsi que le calice, qui est divisé en trois parties, d’une couleur jaune, herbeuse. Ses baies sont charnues, arrondies, chargées dans leur partie inférieure de trois tubercules opposés, avec un ombilic armé de trois petites dents ; elles contiennent trois osselets ou noyaux oblongs, d’un côté convexe & de l’autre anguleux.

Cet arbrisseau croît sur les montagnes, dans les bois, & autres lieux incultes. On le cultive aussi dans les jardins. (D. J.)

Sabine, (Mat. méd.) sabine à feuilles de tamarisc, & sabine à feuilles de cyprès.

La premiere espece est principalement employée en Médecine tant extérieurement qu’intérieurement, & elle a en effet plus de vertus.

Les feuilles de sabine ont une odeur balsamique forte, & un goût amer, âcre, aromatique. Elles contiennent une quantité très-considérable d’huile essentielle. M. Cartheuser a retiré plus de deux onces & demie d’huile essentielle d’une livre marchande de feuilles de sabine à feuille de tamarisc.

Cette plante tient le premier rang parmi les remedes emmenagogues & ecboliques, c’est-à-dire propres à faire couler les regles & à chasser le fœtus de la matrice. Elle a le grand caractere des remedes véritablement efficaces, c’est-à-dire que l’abus en est dangereux. Cependant sa dose même excessive ne procure pas aussi constamment & aussi promptement l’avortement qu’on a coutume de le croire. Quoique ce remede produise le plus souvent des accidens qui obligent d’emprunter le secours d’autrui, & par conséquent d’avoir à pure perte des témoins d’un crime & de la honte qu’on vouloit cacher, il seroit à souhaiter que cette vérité, qui est fondée sur l’observation d’un très-grand nombre de faits, pût détruire la funeste opinion qui est répandue dans le public sur cette prétendue propriété de la sabine. Une autre vérité, fondée aussi sur un grand nombre d’expériences, & qu’il est très-utile de publier dans la même vue, c’est que l’avortement procuré par le secours de ce genre, est encore plus souvent accompagné que celui qui dépend de toute autre cause, d’une hémorrhagie violente qui tue la mere avec l’enfant.

Les feuilles fraîches de sabine s’ordonnent dans les suppressions des regles, & pour chasser l’arriere-faix & le fœtus mort, en infusion dans de l’eau ou dans du vin, à la dose d’une pincée ou de deux ; & en poudre, lorsqu’elles sont seches, à celle d’un demi-gros dans un verre de vin blanc, d’eau, de thé, &c. L’huile essentielle de cette plante, donnée à la dose de quelques gouttes, sous forme d’oleo-saccharum, est regardée aussi comme un remede très-efficace dans les mêmes cas.

Ces mêmes remedes sont aussi de très-puissans vermifuges.

Pour ce qui regarde l’usage extérieur de cette plante, elle est mise au rang des plus puissans discussifs & détersifs. Ses feuilles seches, réduites en poudre, s’emploient assez communément pour mondifier, dessécher & consolider les vieux ulceres.

Cette même poudre mêlée avec du miel, ou les feuilles fraîches pilées avec la même matiere, passent aussi pour très-propres à tuer les vers des enfans, si on leur en trotte le nombril.

Les feuilles de sabine entrent dans l’eau hystérique, les trochisques hystériques, le sirop d’armoise, l’onguent martiatum, la poudre d’acier de la pharmacopée de Paris, & l’huile essentielle dans le baume hysterique & dans l’essence appellée dans la même pharmacopée anti-hystérique, & qu’il faut appeller hystérique ; car ce remede est fait pour la matrice & non pas contre la matrice. (b)

Sabine, la, (Géog. mod.) pays d’Italie, dans l’état de l’Eglise, borné au nord par l’Ombrie, au midi par la campagne de Rome dont le Teverone la sépare, au levant par l’Abruze ultérieure, & au couchant par le patrimoine dont elle est séparée par le Tibre.

On la partage en nouvelle Sabine, la Sabina nuova, qui est entre Ponte-Mole & le ruisseau d’Aja, & la Sabine vieille qui est au delà du ruisseau d’Aja ; mais malgré cette division, la province entiere n’en est pas moins la plus petite province de l’état ecclésiastique. Elle n’a qu’environ 9 lieues de long sur autant de large, en sorte qu’elle ne comprend qu’une partie du pays des anciens Sabins, dont elle conserve le nom ; & la seule ville qu’il y ait dans cette province est Magliano ; mais plusieurs petites rivieres arrosent le pays : il est fertile en huile, en vin & en passes, qui est une sorte de raisin sec sans pepin. (D. J.)