L’Encyclopédie/1re édition/SÉRÉNITÉ de l’ame
SÉRÉNITÉ de l’ame, (Morale) vertu morale, qui a sa source dans l’innocence & le tempérament ; vive sans être emportée, serieuse sans être grave, avec elle habite la paix, avec elle habite la sûreté ; heureux celui qui la conserve, & dont toutes ses passions sont en harmonie au milieu d’un monde enflammé de vices !
Il faut se munir de bonne heure contre les malignes influences de son climat & de son tempérament, en s’accoutumant à faire toutes les réflexions qui peuvent donner de la sérénité à l’esprit, & le mettre en état de soutenir avec courage, les petits maux & les revers de la fortune qui sont communs à tous les hommes. Celui qui possede cette heureuse disposition, n’a point l’imagination troublée, ni le jugement prévenu ; il est toujours le même, soit qu’il se trouve seul ou en compagnie ; affable envers tout le monde, il excite les mêmes dispositions dans tous ceux qui l’approchent ; le cœur s’épanouit en sa présence, & ne peut qu’avoir de l’estime & de l’amitié pour celui dont il reçoit de si douces influences. J’envisage enfin cet état comme une reconnoissance habituelle envers l’auteur de la nature ; la gaieté du printems, le chant des oiseaux, la verdure des prés, la fraîcheur des bois, raniment la sérénité ; la lecture & le commerce d’un tendre ami, y répandent de nouveaux charmes ; en un mot, c’est le souverain bien de la vie que Zénon a cherché sans le trouver. (D. J.)
Sérénité, (Hist. mod.) titre d’honneur qui a été pris autrefois par les rois de France, & même par les évêques. Nos rois de la premiere & de la seconde race, en parlant d’eux-mêmes, disoient, notre sérénité, serenitas nostra ; & on voit qu’Adalard, évêque de Clermont, s’appliquoit la même qualité ; le pape & le sacré college, écrivant à l’empereur, aux rois, au doge de Venise, leur donnent le titre de sérénissime Cæsar, ou rex, ou princeps ; le doge de Venise prend particulierement ce titre de sérénité ; le roi de Pologne le donne aux électeurs, quand il leur écrit ; & l’empereur, lorsqu’il traite avec eux, les qualifie de sérénité électorale, & les princes de l’empire de sérénité ducale ; les plénipotentiaires françois, à Munster, le refuserent à l’électeur de Brandebourg, sur ce que le mot de sérénité n’étoit pas françois, & que le roi ne l’accordoit à personne ; les princes allemands estimoient autrefois plus ce titre que celui d’altesse, mais l’usage a enfin prévalu en faveur de ce dernier, & l’on qualifie sur-tout les électeurs, d’altesse électorale.