L’Encyclopédie/1re édition/SÉPHIROTHS

SEPHORIS  ►

SÉPHIROTHS, s. f. pl. (Théolog.) terme hébreu qui signifie les splendeurs, & qui est fort en usage dans la cabale. Voyez Cabale.

Les cabalistes donnent le nom de séphiroths à la partie la plus secrette de leur science : c’est le plus haut degré de la théologie contemplative des juifs modernes ; ils comptent dix séphiroths que l’on représente quelquefois dans dix cercles différens, enfermés l’un dans l’autre, & quelquefois sous la figure d’un arbre, à-peu-près comme on représente dans les écoles l’arbre de Porphyre, pour faire connoître les différentes catégories de l’être. Voy. Catégorie.

Les dix séphiroths sont 1. la couronne : 2. la sagesse : 3. l’intelligence : 4. la force ou la sevérité : 5. la miséricorde ou la magnificence : 6. la beauté : 7. la victoire ou l’éternité : 8. la gloire : 9. le fondement : 10. le royaume. Ce sont les perfections & les attributs de l’essence divine, lesquels sont liés inséparablement entre eux, & de l’assemblage desquels, selon les cabalistes, dépend la création, la conservation, & la conduite de l’univers.

Ils ont imaginé des canaux par où les influences d’une splendeur se communiquent à l’autre. Le monde, disoit Siméon Jochaïd, le premier de tous les cabalistes, ne pouvoit pas être conduit par la miséricorde seule, & par la colomne de la grace ; c’est pourquoi Dieu a été obligé d’y ajouter la colomne de la force ou de la sévérité, qui sait le jugement. Il étoit encore nécessaire de concilier ces deux colomnes, & de mettre toutes choses dans une proportion & dans un ordre naturel, c’est pourquoi l’on met au milieu, la colomne de la beauté, qui accorde la justice avec la miséricorde, & met l’ordre sans lequel il est impossible que l’univers subsiste ; de la miséricorde qui pardonne les péchés, sort un canal qui va à la victoire ou à l’éternité ; enfin les canaux qui sortent de la miséricorde & de la force, & qui vont aboutir à la beauté, sont chargés d’un grand nombre d’anges ; il y en a trente cinq sur le canal de la miséricorde, qui recompensent les saints, & un pareil nombre sur celui de la force, qui châtient les pécheurs.

Le rabbin Schabté compare les séphiroths ou splendeurs, à un arbre dans lequel on distingue la racine, le germe, & les branches ; ces trois choses forment l’arbre, & la seule différence qu’on y remarque, est que la racine est cachée, pendant que le tronc & les branches se produisent au-dehors ; le germe porte sa vertu dans les branches qui fructifient ; mais au fond le germe & les branches tiennent à la racine, & forment ensemble un seul & même arbre. Il en est de même des splendeurs ou séphiroths, selon ce cabaliste ; la couronne est la racine cachée impénétrable ; les trois esprits, ou séphiroths, sont le germe de l’arbre ; les sept autres sont les branches unies au germe, sans pouvoir en être séparées : car celui qui les sépare, fait comme un homme qui arracheroit les branches de l’arbre, qui couperoit le tronc, & lui ôteroit la nourriture après l’avoir séparé de sa racine. La couronne est la racine qui unit toutes les splendeurs, qui verse ses influences sur elles, elles sont comprises dans son sein & dans sa vertu.

Il faut aussi remarquer la liaison qu’ils mettent entre ces splendeurs, & celles qu’ils leur attribuent, avec les créatures qui composent l’univers ; à chaque séphiroth on attache un nom de Dieu, un des principaux anges, une des planetes, un membre du corps humain, un des commandemens de la loi ; & de-là dépend l’harmonie de l’univers. D’ailleurs une de ces choses fait penser à l’autre, & sert de degré pour parvenir à la connoissance la plus sublime ; enfin on apprend par-là l’influence que les splendeurs ou séphiroths ont sur les anges, sur les planetes, les astres, & les parties du corps humain. Voici ces relations.

Relations des sephiroths, avec les noms de Dieu, les anges, les planetes, &c.
Dix sephiroths. Dix noms de Dieu. Dix membres de l’homme archétype, ou dix ordres d’archanges. Dix planetes, ou membre de l’homme céleste. Dix membres de l’homme terrestre. Dix commandemens de la loi.
La couronne. Je suis celui qui suis. Haiot hakk-odes, ou les séraphins. Le ciel empyrée. Le cerveau. Tu n’auras point d’autre Dieu.
La sagesse. Jah, l’essence. Orphanim, ou les chérbubins. Le premier mobile. Le poumon. Tu ne feras point d’image taille.
L’intelligence. Jehovah. Avalim, ou les thrônes. Le firmament. Le cœur. Tu ne prendras point le du seigneur en vain.
La magnificence. Dieu créateur. Haschemalin, ou les dominations. Saturne. L’estomac. Tu sanctifieras le jour du repos.
La force. Dieu puissant. Seraphim, ou, les vertus. Jupiter. Le foie. Honore ton pere & ta mere.
La beauté. Dieu fort. Melachim, ou les puissances. Mars. Le fiel. Tu ne tueras point.
La victoire. Dieu des armées. Elohim, ou les Principautés. Le soleil. La rate. Tu ne paillarderas point.
La gloire. Le seigneur des armées. Ben-eoohim, ou les arcanges. Vénus. Les reins. Tu ne déroberas.
Le fondement. Le tout-puissant. Cherubin, ou les anges. Mercure. Les partie nobles de l’homme. Tu ne diras point faux témoignage.
Le royaume. Le seigneur ado-naï. Ischim, ou les ames. La lune. La matrice. Tu ne convoiteras point.


Un savant qui a beaucoup étudié les mysteres de la cabale, croit que les séphiroths ne sont que des nombres qui ont relation aux dix doigts de la main ; d’autres, comme le P. Kircher, croient y trouver le mystere de la Trinité ; mais il est superflu d’y chercher d’autres mysteres que ceux que les cabalistes y trouvent ; il faut leur abandonner leurs mystérieux secrets, & ne pas perdre le tems à vouloir les approfondir. Mori epist. in cabal. tom. II. pag. 53. Kircher, œdip. ægiptiac. Gymnas, hieroglyph. class. 4. c. ix. tom. II. Basnage, hist. des juifs, tom. IV. liv. VI. c. v. n° 7 & 8. & tom. VI. liv. IX. c. xj. Calmet, dictionn. de la bibl. tom. III. pag. 525. & suiv.