L’Encyclopédie/1re édition/SÉMINATION

SÉMINATION, s. f. terme d’Histoire naturelle, il est vrai qu’il ne se trouve pas dans les dictionnaires françois ; mais il faut bien s’en servir ici, n’y ayant aucun autre mot dans la langue qui puisse rendre ce que signifie celui-ci, savoir l’action de semer ou de répandre de la semence, & singulierement celle des végétaux. Voyez Semence ou Graine.

Dès que la graine est mûre, dit le docteur Grew, la nature prend différens moyens pour qu’elle soit semée convenablement, non-seulement en ouvrant la cosse qui la contient, mais en conditionnant la graine même comme elle doit l’être.

Ainsi les graines de certaines plantes auxquelles il faut un certain sol particulier pour qu’elles viennent, telles que l’arum, le pavot & autres, sont aussi lourdes proportionnément à leur volume pour tomber directement à terre. D’autres qui en conséquence de leur légereté & de leur volume pourroient être emportées par le vent, sont retenues par un ou plusieurs crochets qui empêchent qu’elles ne s’écartent du lieu qui leur convient. Telles sont les graines d’avoine, qui ont un crochet ; celles d’aigremoine, qui en ont plusieurs ; mais celles-là aiment les lieux élevés & exposés au soleil, & celles-ci les haies.

On voit au contraire des graines qui ont des aîles ou plumes, soit afin que le vent puisse les emporter lorsqu’elles sont mûres, comme celle du frêne, soit afin qu’elles puissent s’envoler plus ou moins loin, ce qui empêche qu’elles ne tombent toutes dans un même endroit & ne soient semées trop drues ; & encore afin que si quelqu’une n’est pas tombée dans un endroit qui lui soit propre, une autre au-moins y tombe. Ainsi les pignons, par exemple, ont des aîles courtes à la vérité, & qui ne peuvent pas les soutenir dans l’air, mais qui les font du-moins voltiger à terre. Mais les graines de la dent-de-lion, & plusieurs autres ont quantité de plumes fort longues, par le moyen desquelles elles sont emportées en mille endroits différens.

D’autres sont semées où elles doivent l’être par le ressort de leurs capsules élastiques, qui en crevant & éclatant lancent leur graine à une distance convenable. Ainsi l’oseille sauvage ayant des racines qui serpentent fort loin en terre, il falloit que sa graine fût semée à quelque distance, & la nature y a pourvu par des cosses blanches, fortes & tendineuses, qui, lorqu’elles commencent à sécher, s’ouvrent tout-à-coup par un côté, & roulent à l’instant leurs levres en-dessous avec force. La graine de scolopendre, celle de la persicaire à cosses sont aussi jettées & lancées par le moyen d’un ressort, si quelque chose heurte ou pince la capsule qui les contient. Et quand le ressort est sec & suffisamment tendu, il rompt de lui-même la capsule en deux moitiés semblables à deux petits godets, & en chasse la semence.

D’autres auteurs ont encore remarqué bien des manieres différentes dont la graine est semée. Qu’on mette, dit M. Ray, sur du papier une poignée de graine de fougere en un tas, on entend craqueter & crever les petites vésicules séminales ; & avec un bon microscope on en voit qui s’élancent à une distance considérable les unes des autres. Le docteur Sloane observe que la petite gentiane, gentianella flore cæruleo, voulant être semée par un tems humide ; dès que la moindre goutte touche l’extrémité de ses vaisseaux séminaux, ils s’ouvrent avec un bruit perçant, & chassent en s’ouvrant par leur ressort la graine qu’ils contenoient.

Toutes les especes de cardamine, pour peu qu’on y touche avec la main, ouvrent leurs capsules & lancent leur graine. M. Ray dit plus, il ajoute qu’il suffit même d’en approcher la main de très-près sans y toucher effectivement.

D’autres plantes, pour parvenir à la sémination de leur graine, invitent les oiseaux par l’odeur & par le goût à en manger ; ils l’avalent & s’en vont, & le séjour qu’elle fait dans leur corps sert à la fertiliser : c’est ainsi que se propagent la muscade & le guy. Voyez Muscade & Guy.