L’Encyclopédie/1re édition/RUBICON

RUBICON, (Géog. anc.) riviere d’Italie dans la Romagne, aux confins de la Gaule cisalpine, qu’il séparoit de l’Italie, comme nous l’apprennent Cicéron, philipp. VI. c. iij. & Lucain, l. I. v. 213. Le premier dit : Flumen Rubiconem, cui finis est Galliæ, & le second en parle en ces termes :

Fonte cadit modico, parvisque impellitur undis
Puniceus Rubico, quum fervida canduit æstas :
Perque imas serpit valles, & Gallica certus
Limes ab Ausonis disterminat arva colonis.


Cette riviere, que l’on nomme aujourd’hui Pisatello, selon Léander, est petite, mais très-fameuse dans l’histoire. Il n’étoit pas permis aux soldats, & moins encore à leurs chefs, au retour d’une expédition militaire, de passer cette riviere avec leurs armes, sans le consentement du sénat & du peuple romain ; autrement ils étoient tenus pour ennemis de la république, comme le porte l’inscription qui étoit à la tête du pont de cette riviere, & que l’on a trouvée enterrée sur le bord de cette même riviere.

Le cardinal Bivarola, légat alors de la Romagne, fit dresser au même endroit le marbre sur lequel est cette inscription : voici ce qu’elle porte : Jussu mandatuve P. R. Cos. Imp. Trib. Mil. Tiron. Commiliton. Arma quisquis es manipulariæve centurio, turmæve legionariæ, hîc sistito, vexillum sinito, arma deponito, nec citra hunc amnem signa, ductum exercitum commeatum ve, traducito. Si quis ergo hujusce jussionis adversus præcepta ierit, feceritve, adjudicatus esto hostis P. R. ac si contrà patriam arma tulerit, penatesque ex sacris penetralibus asportaverit S. P. Q. R. sanctio plebesciti. S. ve consulti ultra hos fines arma ac signa proferre liceat nemini.

Malgré le dessein que César avoit conçu d’asservir sa patrie ; quand il se vit, à son retour des Gaules, au bord du Rubicon avec son armée, dit Suétone, il hésita quelque tems, s’il le passeroit ou non. Il le passa dans la confiance du succès de ses armes, s’empara de l’Umbrie & de l’Etrurie, d’où suivit la guerre civile qui le plaça sur le trhône, & la conspiration qui l’en fit tomber. Voyez Triumvirat. (D. J.)